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65.
Francis PICABIA
.
Anus Énnazus
. Manuscrit autographe signé, 7 août 1946 ; cahier petit in-4 (22 x 17,5 cm) de
25 feuillets, sous couverture cartonnée rouge avec titre autographe.
20.000/25.000
P
remière
version
du
poème
E
nnazus
.
Écrit à l’encre noire au recto de feuillets d’un cahier de papier quadrillé à petits carreaux, il est signé et daté en fin : « Francis
Picabia / Rubingen 7 août 1946 ».
Picabia a composé ce recueil de poèmes, longtemps resté inédit, pendant des vacances en Suisse, à Rubingen, dans la famille
de sa femme Olga ; ces textes sont le reflet des relations amoureuses tumultueuses de Picabia avec sa maîtresse Suzanne Romain
(Ennazus est le renversement de Suzanne) [sur cette liaison, voir Carole Boulbès,
Picabia avec Nietzsche. Lettres d’amour à Suzanne
Romain (1944-1948)
, Les Presses du réel, 2010]. Picabia en a établi un dactylogramme fautif, intitulé
Ennazus
, adressé en novembre
1946 à Christine Boumeester, et qui fut publié en annexe des
Lettres à Christine
(Gérard Lebovici, 1988, p. 201-246), avant d’être
recueilli dans les
Écrits critiques
(Mémoire du Livre, 2005, p. 625-671). Ce manuscrit en donne une
version
antérieure
,
avec
d
importantes
variantes
.
[1] Titre : « 
francis
picabia
/- /
anus
/
énnazus
/ - /
préface
/
du
/
poète
ignoré
/ = /
poèmes
 ».
[2-3]
Préface
, signée en fin : « Le poëte ignoré », dans une version différente du texte publié : « Francis Picabia est toujours resté
lui-même au milieu des écrivains et des peintres – Tout ce qui touche à son cœur, à son indépendance se heurte, depuis son
enfance avec les hommes, il est en conflit en lutte avec le monde – Ses adversaires ne désarment pas ; chacun d’eux épiant ses
faiblesses. Et pourtant c’est son chemin depuis des années qui nous conduit à l’affranchissement »… Citons encore la conclusion :
« Le problème qui se pose maintenant est celui-ci : à supposer que Francis Picabia ne causât pas le moindre préjudice à personne, je
devrais néanmoins déployer tout mon zèle à le combattre. / Pourquoi ? / Parce que je suis plein d’absurde moralité, et que je dois
m’opposer à tout ce qui peut la blesser ».
[4-24] Prose poétique, sans titre, que vient interrompre à sept reprises un refrain de cinq vers :
« Au fond du jardin
une grille ouverte
des traces de papillons
sans laisser de traces
montent vers le ciel ».
Cette prose correspond, avec d’importantes variantes, au poème
Derniers jours
et à la première moitié d’
Adieu
(
Écrits critiques
,
p. 629-662) ; le texte sera alors découpé et présenté en vers libres. Citons le début (avec quelques fautes d’orthographe) : « Toi,
qui a plongée tes yeux jusqu’au fond de mon cœur, tu pourras dire comment ton si grand amour, qui était, notre vérité, t’est
devenu inutil. Ce sacrifice de l’amante lorsqu’elle abandonne père et mère, brave tout et supporte tout, les privations les plus
dures pour atteindre son but, te sont devenues étrangères, et cela parce que tous tes efforts ont été uniquement pour toi. Égoïsme
épanoui, borné, tes passions jusqu’au jour où tu m’as rencontré ont été mesquines, misérables, unilatéral. / Celle qui vit pour un
grand amour, pour une mission sublime, ne doit se laisser effleurer par aucune médiocrité, elle doit se dépouiller de tout intérêt
matériel »… Le texte s’achève ainsi : « À moins qu’on ne puisse se figurer que le sujet de son amour ne soit qu’un rêve, une illusion.
Il nous est permis de juger, mais il faut juger avec amour, car il fait le fond de nos pensées et de notre idéal. / [
Refrain, avec le
vers final modifié
 :] descendent vers le ciel : / pour voir le cercle magique de celui et de celle qui ont compris qu’il n’y a jamais ni
commencement ni fin ». Suivent la signature et la date.
[25] Deux aphorismes terminent le cahier. « Je suis un mauvais garnement comme la règle et la loi de toute doctrine chrétienne,
dans l’histoire du monde. C’est moi qui incarne maintenant la divinité de l’homme sans salu. / –/ Le meilleur chanteur du monde
n’a pas de bouche : c’est ce que j’ai de plus moderne à vous présenter ».