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98.
Hans BELLMER
. L.A.S, Castres 10 avril 1945, [à son ami et éditeur Henri P
arisot
] ; 2 pages in-4 sur papier jaune.
1.200/1.500
L
ongue
lettre
sur
ses
projets
de
livres
et
ses
portraits
.
Le projet de
La Sorcière
[de Jules M
ichelet
, projet avorté] lui semble aller assez mal, mais ce ne sont pas les réductions
budgétaires qui l’inquiètent : « je m’en fiche dès que je suis certain que le résultat, livre avec dessins, vaudra la peine. Mais je désire
la liberté absolue pour mes dessins ». Si l’on veut de simples illustrations historiques des passages descriptifs du texte, mieux vaut
s’adresser à un autre : « Je ferais ce qui me paraîtra le mieux et forcément mon jugement (d’ailleurs très intransigeant) seul saurait
entrer en jeu. Je ferai dix variations de la femme “possédée” et “révoltée”, du “Satan féminin” et de la “victime”. Il va sans dire
que l’objet y jouera son rôle nécessaire, soit des structures naturelles, soit des objets qui font décor – objets d’agriculture, objets de
cuisine, objets de luxe et de torture ; comme personnages outre la Sorcière, il y aura probablement quelques gueules d’inquisiteur
de curé-paysan et de vieilles religieuses. Naturellement, l’échec du projet serait regrettable. Mais je désire, c’est la condition
élémentaire, ma liberté absolu ». Si l’éditeur veut une illustration courante, il faut s’adresser à une autre catégorie d’artistes.
Si toutefois on lui envoie un contrat signé avec ces conditions, il se met immédiatement au travail. Il avait cependant prévu de
partir auparavant à Carcassonne faire des portraits, « pour avoir un peu d’argent devant moi, pour pouvoir faire tranquillement
la Sorcière
 »… Il interroge Parisot sur la vie après la guerre à Paris, qui doit être bien chère ; il songe cependant à retourner s’y
installer, mais il est encore trop tôt : « Ici en province je gagne ma vie avec des portraits, pour le public moyen (portraits sans intérêt
artistique, mais ressemblants). Si j’y suis, j’en fais l’un après l’autre, un par jour. À Carcassonne, par exemple ou à Béziers, j’y vais
pour 15 jours, je fais 10 ou 12 portraits et cela me fait entre 20 et 30000 frcs (2500 le portrait) ». Il compte cependant faire des
portraits pour lui-même, « interprétés, comme j’en ai fait un de Max E
rnst
, le mien (dans l’Album), et comme je suis en train de
faire celui de Joë B
ousquet
. T
zara
me posera également à Toulouse »… Il revient à
La Sorcière
 : « B
ataille
, sur la page de titre de
son recueil de poèmes, peut mettre Bellmer ou Hans Bellmer […] Je préfère presque de lui envoyer un dessin pour éviter le va et
vient de la plaque et j’ajoute que je n’ai jamais fait l’eau-forte et que, ici, manqueront les choses nécessaires pour l’improviser. Et
la pointe sèche, assez raide comme graphisme, risque de fausser entièrement mon écriture ».
Reproduction page 7
99.
Hans BELLMER
. L.A.S, Castres 12 avril 1945, à Joë B
ousquet
 à Carcassonne ; 1 page in-12 à l’encre rose (remplie
d’une petite écriture), sur carte pliable avec nœud de soie blanche et collage de deux images de têtes de femmes
chromolithographiées, enveloppe.
800/1.000
Il a voulu lui envoyer le chapitre qui doit s’appeler
L’Anatomie de l’amour
« où sera incrusté, comme élément central, ce que
vous avez eu la gentillesse de me communiquer de vos propres observations. – Ce n’est pas encore bien fait, même pas médiocre ».
Aussi hésite-t-il à lui envoyer ces notes mal rédigées, par peur d’avoir honte… « Vraiment, ma tête et ma vie ne sont pas bonnes
pour le moment. Oh non je ne vais pas bien. […]. Peut-être expédierais-je demain ce texte soucieux à votre adresse pour que vous
m’aidiez encore ». Il le prévient qu’en ce moment un K
isling
se vend très cher en Amérique, entre 3 et cinq mille francs…
Reproductions page 7
100.
Pierre-Jean de béranger
(1780-1857) poète et chansonnier. L.A.S., La Force 20 août 1829, à Claude-Joseph
R
ouget
de
L
isle
, chez le général B
lein
, à Choisy-le-Roi ; 3 pages in-8, adresse (portrait joint).
150/200
B
elle
lettre du
chansonnier
emprisonné
,
à
l
auteur
ruiné de
la
M
arseillaise
. Il entretient son ami des moyens de lui établir
un revenu – souscription nationale, récompense nationale –, « œuvre vraiment patriotique et digne d’une nation qui aurait un peu
de mémoire », mais peut-être irréalisable dans l’immédiat… « Vous me parlez de L
afayette
[…] comme si vous ignoriez qu’il est
parti pour l’Auvergne peu de jours après la clôture des chambres. Il n’y a personne à Paris maintenant, que les ministres, la canaille
et les prisonniers »… Il termine par une allusion à son emprisonnement : « Me voilà sous la main de M. Mangin. Heureusement
que je n’ai plus guères qu’un mois à passer en cage. Il faut toutefois payer une amende et c’est un autre chien à fouetter. Mon
cher ami, les embarras se succèdent dans ce monde, et sans souffrir autant que vous, on peut encore avoir beaucoup à souffrir »…
101.
Jacques BENOIST-MÉCHIN
(1901-1983) historien. 9 L.A.S. « Jacques » (plus une incomplète), 1939-1940 et 1951-
1953, à sa « chère Micheline » ; 18 pages in-4 (défauts, déchir. et répar.).
500/700
C
urieuse
et
tendre
correspondance
à
une
amie
. D’amical au début, le ton devient plus tendre ; Micheline envoie des colis
au soldat qui se défend de l’aimer : « Je ne puis vous aimer qu’à condition de détruire l’homme que je suis devenu, et qui m’assure
que l’être nouveau qui surgira à sa place, ne vous fera pas horreur ? Vous faites effraction dans ma vie, en pleine morte-saison,
vous demandez à la terre gelée de porter des fleurs et des fruits. […] S’il s’agissait de feindre l’amour, ce serait bien facile. Mais il
s’agit d’une chose autrement grace – puisqu’en fait je vous aime, mais que je me refuse encore à y croire – comme je me refuse à la
vie »... Il est plein d’idées noires et a composé son épitaphe : « I
ci
repose
/
un
cœur
/ plein d’armes, de jardins / et de musique »…
On suit le soldat au début de 1940 d’Orléans, à Blois, Bourges, puis Cosne… La correspondance reprend le 30 juin 1951 (alors qu’il
est emprisonné à Clairvaux) : « Le monstre (que je suis) veut terminer son demi-siècle en votre compagnie. À partir de demain, ce
sera un monstre quinquagénaire »…Une autre lettre (31 juillet 1953) répond à l’envoi d’un livre sur les oiseaux et une rêverie sur
le jardin, et évoque le sort du prisonnier...