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274.
Élisée RECLUS
(1830-1905) géographe et anarchiste. L.A.S., Thourout 20 décembre 1904, à Paul Gsell ; 2 pages
et demie in-8.
400/500
Réponse à une enquête sur la morale [publiée sous le titre
La Morale sans Dieu
dans
La Revue
du 1
er
décembre 1905].
Il est impossible de fonder une morale populaire uniquement sur la raison : « la raison la plus sagace, accompagnée de toutes
les bonnes raisons du monde, ne nous enseignera point l’art de nous conduire » ; il faut toutes les forces de l’être vivant, dont
« celles de l’amour, de l’enthousiasme, qui se mêlaient diversement à la religion de nos ancêtres », et en cela étaient « mal
employées, puisqu’elles se perdaient à l’adoration de l’inconnu ou même du mauvais », mais elles peuvent être déplacées vers
un « but nouveau. Les hommes qui n’égareront plus leurs croyances vers les mystères de l’au-delà n’auront plus qu’à reporter
leurs énergies vers la Terre pour aimer avec joie les choses de la vie, dont la science nous démontre enfin la “présence
réelle”. Le bien public, autrement dit le bonheur de tous les hommes non frères, deviendra naturellement l’objet spécial de
notre existence renouvelée. Nous aurons aussi notre religion »… On joint une L.A.S. au même, Jougne 21 août 1903 : « je me
promenais dans les pâturages du Jura, ignorant les frontières de Suisse et de France »…
275.
Claire-Élisabeth-Jeanne de Vergennes, comtesse de RÉMUSAT
(1780-1821) dame du palais de Joséphine et
mémorialiste. 2 L.A., [1809-1810] ; 7 pages in-8.
600/800
Belle correspondance amicale et littéraire, parlant de Madame d’Houdetot et de Rousseau, et faisant le portrait
de Marie-Louise.
31 juillet 1809
. Elle n’a aucune nouvelle de Vienne depuis l’armistice : « le gr. M. a ecrit à mon mari et ne lui annonce rien,
enfin comme de coutume tout sera surprise […]. On dit que l’Empereur ne viendra ici que pour se rendre à Rome ; on parle de
la guerre avec la Russie et tout aussitôt de la paix generale »… Elle a passé la semaine dernière chez Mme d’Houdetot, avec
Mme Chéron : « cette aimable vieille anime tout autour d’elle ; il y a tant de cœur dans ses souvenirs et dans sa conversation !
Nous l’avons fait beaucoup conter, elle était à son aise, elle se fiait à nous, car elle était bien sûre que nous l’entendrions
comme elle voulait etre entendue, et n’est-ce pas là, la base de toute confiance. – Que vous avez raison d’aimer les vieilles
femmes ! Celle-ci nous parlait beaucoup de Rousseau ; elle a conservé quelques unes de ses lettres que nous avons vües ;
elle était fiere d’avoir inspiré et resisté à tant d’amour, elle se vantait du sentiment qui l’avait défendue, enfin elle était vraie,
naïve dans tous ses recits ; elle n’a pas l’apparence d’un regret et croit avoir rempli tous ses devoirs de femme en dévouant
sa vie à l’amour »… La lecture à haute voix des lettres de Mlle de Lespinasse a affligé Mme d’Houdetot ; elle-même les trouve
inférieures à celles de Mme de Sévigné, mais il est plus simple d’aimer sa fille que M. de Guibert… Ensuite elles sont passées
à un roman de Mme Cottin, qu’elles ont quitté cependant, car à voix haute « la peinture si abandonnée de la passion n’est
pas supportable » ; elle la rejette comme une « manie » des romanciers modernes, et se fâche que ce soit les femmes qui
ont saisi ce système avec le plus d’empressement : « à les entendre pour bien aimer il faudrait renoncer aux liens de la
Nature, aux delicatesses qui font le charme des femmes, aux remords »… Elle commente l’évolution du roman depuis cent ans
(
La Princesse de Clèves
, etc.), et s’amuse d’un débat ouvert par Mme Chéron, sur les femmes et la vertu... Puis elle évoque les
Lettres de Mme Du Deffand
où il ne manque « que des lettres de Mme Du Deffand, c’est une friponnerie de libraire. Mais il y
en a de Mme de Staal fort jolies et quelques-unes de D’Alembert »…
Mardi
[23 ? octobre 1810]
. Elle raconte à une amie son séjour à Fontainebleau : elle a vu un spectacle brillant des
Trois Sultanes
arrangé par son mari avec des ballets, s’est beaucoup reposée, a visité la bibliothèque du château et fait la
découverte de Machiavel : « je ne trouve pas qu’il y ait tant de torts à enseigner l’art de se défier des hommes et de les
tromper un peu »… Elle fait un joli portrait de l’Impératrice Marie-Louise, jeune et « fort simple, elle n’aime point le grand
luxe, elle est bien mise mais sans éclat excepté les grands jours. Le reste de la semaine elle porte une robe d’étoffe et ne se
coiffe gueres qu’avec ses cheveux qui sont très beaux. Elle vit fort retirée tout le matin et s’occupe beaucoup » : piano, dessin,
billard… Pleurant à
Polyeucte
, riant à la comédie, « il y a de la simplicité et de la grace dans la manière dont elle se livre à ses
impressions, elle a habituellement l’air calme et doux et tout cela sied bien à sa jeunesse »…
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276.
Ernest RENAN
(1823-1892) écrivain. L.A.S., Beyrouth 12 janvier 1865, à sa mère ; 2 pages et demie in-8.
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Belle et émouvante lettre sur son pèlerinage au tombeau de sa sœur Henriette, à Amchit, où elle mourut en 1861.
« Voilà enfin mon doux pèlerinage accompli. J’ai vu l’endroit où repose notre Henriette chérie. Ce voyage a été pour
nous plein d’émotions bien douloureuses et cependant de charme. […] Nos braves gens du village d’Amschit nous ont reçus à
bras ouverts. Le souvenir de notre bonne Henriette est encore très vivant parmi eux, et ils ont bien vivement compati à nos
larmes. Près du tombeau de notre amie, est une chapelle où j’ai fait célébrer pour elle un service selon le rite du pays. Tout
le village y était ; les femmes, les enfants nous entouraient et pleuraient avec nous. Ces beaux chants de la liturgie maronite,
doux et graves, répondaient avec une admirable harmonie à ce qu’il y avait de tendre et d’élevé dans le cœur de notre pauvre
amie »… Il a renoncé à la transférer, pour ne pas faire de la peine à la famille à laquelle appartient le caveau : « Elle est gardée
par l’amitié de toutes ces bonnes gens ; j’élèverai seulement au-dessus du caveau un petit monument avec une inscription
pour dire quel à repose une femme d’une rare vertu »…
On joint une L.A.S. à Hortense Cornu, Paris 18 mars 1866, à propos d’Émile Egger.
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