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148.
Olivier MESSIAEN
. Manuscrit autographe signé, [
Conférence de Bruxelles
, 1958] ; 7 pages in-4. 5.000/6.000
Conférence de Bruxelles, véritable credo artistique, prononcée le 13 septembre 1958 à Bruxelles pour l’Exposition
universelle dans le Pavillon Philips conçu par Le Corbusier et Xenakis, en prélude à une exécution du
Réveil des oiseaux
dirigée par Bruno Maderna. Messiaen y définit son langage musical, et évoque l’avenir de la musique.
« Dans toute création artistique, il y a trois étapes. L’inspiration, le travail, l’œuvre achevée ». Il regrette que les musiciens
actuels attachent trop d’importance au côté technique et aux phénomènes sonores. « La musique ne se fait pas seulement
avec des sons… elle se fait aussi avec des intensités et des densités (c’est l’ordre dynamique) – avec des timbres et des
attaques (c’est l’ordre phonétique) – avec des accents, des arsis et des thésis, des tempi différents (c’est l’ordre cinématique)
– enfin, et surtout, avec du temps, des divisions du temps, des nombres et des durées (c’est l’ordre quantitatif). » Il insiste
sur le rythme, « élément premier, essentiel, de la musique », et évoque son enseignement d’une « Philosophie de la Durée »
et son travail sur la métrique grecque, les neumes du plain-chant, les « Decî-tâlas ou rythmes provinciaux de l’Inde », les
« personnages rythmiques » dans le
Sacre du Printemps
, qui agissent comme des personnages de théâtre. « J’ai utilisé dans
le 5
e
mouvement de ma
Turangalîla-Symphonie
un développement à 6 personnages rythmiques. Deux augmentent, deux
diminuent, deux restent immobiles. Avec cette complication que les 3 premiers accomplissent les gestes des 3 autres en sens
inverse, en rétrogradant les durées. Il y a encore les rythmes “non rétrogradables” que l’on trouve un peu partout dans ma
musique ». Comme dans les arts décoratifs, où l’on « use de motifs inversement symétriques, ordonnés autour d’un centre
libre », ou dans la nature (nervures des feuilles d’arbres, ailes des papillons), « le rythme non-rétrogradable fait exactement
la même chose. Ce sont deux groupes de durées rétrogradés l’un par rapport à l’autre, encadrant une valeur centrale libre
et commune aux deux groupes. Lisons le rythme de gauche à droite ou de droite à gauche, l’ordre de ses durées reste le
même. C’est un rythme absolument fermé ». Il déplore la difficulté de perception des durées très longues ou très courtes.
« J’ai risqué un pas en avant dans ce domaine en écrivant les “soixante quatre durées” qui terminent mon
Livre d’orgue
 ». À
côté de la technique pure, demeure l’inspiration : « C’est ici qu’interviennent les voix de la grande Nature. […] Berlioz a placé
Faust au milieu des montagnes. Wagner a écouté les “murmures de la forêt” […] Ravel a chanté le lever du jour et Debussy
reste le grand amant de l’eau, du vent et des “reflets dans l’eau”. […] Personnellement, j’avais la passion de l’ornithologie.
Comme Bartok a parcouru la Hongrie pour y recueillir les chants folkloriques, je me suis promené longuement dans les
différentes provinces de France pour y noter des chants d’oiseaux. C’est un travail immense et sans fin. Mais qui m’a redonné
le droit d’être musicien ! » Et il cite une kyrielle d’oiseaux de toutes les régions de France et résume : « Technique rythmique,
inspiration retrouvée par les chants d’oiseaux : telle est mon histoire. D’autres procèderont autrement » : les « surréalistes
électronistes », les « dodécaphonistes sériels », les « stéréophonistes »… « Je leur souhaite seulement de ne pas oublier que
la musique fait partie du Temps comme notre propre vie », et que la Nature, trésor de couleurs, de sons, de formes et de
rythmes, est « la suprême ressource ». Il s’interroge sur les œuvres du XX
e
siècle : « Ai-je moi-même écrit une seule œuvre ?
Je ne sais pas… Le Temps – encore lui ! – règlera tout cela. […] Laissons faire les jeunes : ils ont en mains ses destinées. Voici
au moins deux musiciens de génie : Pierre Boulez et Karlheinz Stockhausen. À eux la joie de déranger, de changer, d’innover,
de défricher des terres inconnues »…
Reproduction page ci-contre
149.
Olivier MÉTRA
(1830-1889). Manuscrit musical autographe signé,
Barbe-Bleue
. Suite de Valses composées sur
l’opéra de J. Offenbach
 ; titre et 5 pages in-fol.
400/500
C’est le 5 février 1866 que fut créé aux Variétés l’opéra-bouffe de Jacques Offenbach,
Barbe-Bleue
. Le succès de l’œuvre
inspira au petit maître de la valse Olivier Métra cette suite composée d’une Introduction, de 5 Valses et d’une Coda. Le
manuscrit, avec quelques corrections, a servi pour la gravure de l’édition chez Heugel.