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L
ITTÉRATURE
ET
A
RTS
1.
Guillaume APOLLINAIRE
(1880-1918). M
ANUSCRIT
autographe signé,
Van Dongen
, [mars 1918] ; 4 pages petit in-fol.
(30 x 12 cm) sur papier chamois, avec ratures et corrections (petits restes d’adhésif au dos des ff.). 10.000/12.000
B
ELLE
ÉVOCATION
DE
L
ART
DE
V
AN
D
ONGEN
À
L
OCCASION
D
UNE
EXPOSITION
DE
SES
ŒUVRES
À
LA
GALERIE
P
AUL
G
UILLAUME
(17-30 mars 1918).
Ce manuscrit de premier jet, avec des ratures et corrections, a servi pour l’impression de l’article, qui a paru le 15 mars 1918
dans le n° 1 de la revue
Les Arts à Paris, actualités critiques et littéraires des arts et de la curiosité
, fondée par le galeriste Paul
Guillaume, et dont Apollinaire fut le rédacteur des deux premiers numéros, avant sa mort le 9 novembre 1918, huit mois après
cet article. [Apollinaire,
Œuvres en prose complètes
, Pléiade, t. II, p. 1404-1406.]
Apollinaire livre ses impressions après une visite, un matin de février, à l’atelier de Van Dongen : « L’ardeur austère des arts
contemporains a généralement banni tout ce qui entraîne le délire des sens. Aujourd’hui tout ce qui touche à la volupté s’entoure
de grandeurs et de silence. Elle survit parmi les figures démesurées de Van Dongen aux couleurs soudaines et désespérées. Le
flamboiement des yeux maquillés avive la nouveauté des jaunes et des roses, la pureté spirituelle des cobalts ou des outremers
dégradés à l’infini, la passion prête à mourir des rouges éclatants. […] Ce coloriste a le premier tiré de l’éclairage électrique un éclat
aigu et l’a ajouté aux nuances. Il en résulte une ivresse, un éblouissement, une vibration, et la couleur conservant une individualité
extraordinaire, se pâme, s’exalte, plane, pâlit, s’évanouit sans que s’assombrisse jamais l’idée seule de l’ombre. […] Ce peintre
n’exprime pas la vie en couleurs incandescentes, il la traduit toutefois avec une précision véhémente. Européen ou exotique à son
gré Van Dongen a un sentiment personnel et violent de l’orientalisme. Cette peinture sent souvent l’opium et l’ambre. Les yeux
immensément agrandis semblent les abîmes de la sensualité où la joie se confond avec la douleur »… Le vers « Luxe, calme et
volupté » de
L’Invitation au voyage
de Baudelaire, pourrait lui servir de devise : « luxe effrayant qui ne va pas sans quelque barbarie
septentrionale ; calme panique de l’heure ensoleillée de midi au cours des étés méridionaux ; volupté, enfin, une volupté de cristal.
Dans certaines grandes toiles les couleurs se cabrent combinant une épouvante constituée par le flamboiement de grandes gemmes.
Parfois une vague d’azur éblouissant essaye de lutter avec une chair pâle et de longs yeux battus. Une lumière bizarre naît de cette
rencontre du ciel et du désir inassouvi »… Etc.
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