Page 24 - cat-vent_aguttes28-06-2012

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119.
Baronne Hélène d’ ŒTTINGEN.
‘’
L’homme - la ville - le voyage
’’
Manuscrit autographe signé
de sonpseudonyme littéraire«
RochGrey
», daté (Paris)
12novem-
bre1919
,qui futpubliédans len°51/52de larevue
SIC
,dirigéparAlbertBirot, ennovembre1919.
Le manuscrit
se présente sous la forme d’une suite de pages, réunies bout à bout, verticalement,
constituant un rouleau mesurant 157 x 21 cm. Écrit à l’encre noire sur des feuilles de papier
fragilisé, il comporte de nombreuses corrections. Une gravure tirée d’un bois de Léopold SUR-
VAGE, symbolisant ‘
’La Ville
’’, figure insérée dans le texte, sur laquelle on aperçoit, dessinés
au bas des immeubles, divers profils de Guillaume APOLLINAIRE, très reconnaissable à son
chapeau légendaire. Bords en partie effrangés.
Pour Hélène d’Oettingen ‘’la ville’’ est un lieu artificiel dans laquelle, ou plutôt, sur laquelle
- l’homme, littéralement déraciné de l’écorce terrestre, nourricière et féconde - ne saurait s’épa-
nouir. Pour sa démonstration elle met en parallèle ses deux formes d’habitat, faisant se succéder
une suite de réflexions ‘‘
écologiques
’’, déduites de ses constatations.
Pour elle, la matière dont sont construites les villes - essentiellement de la pierre arrachée à son
site naturel - isole l’homme de la terre, le privant de son fluide essentiel : « …
L’immense surface
de la ville, n’est qu’une chaine de montagnes déployées et ajustées, où la pierre disparaît sous le nom
des objets qu’elle représente
… ». Et soupçonne une intention d’hostilité à cette pierre déplacé
« …
Sans pouvoir être lancé dans un mouvement offensif, le pave s’étend immense, toujours prêt à
donner de la douleur… On se foule le pied en tombant sur l’herbe, on le casse sur la dalle
… ». La
ville est donc dure à l’homme ! « 
La ville c’est non seulement l’impossibilité du contact direct avec
l’écorce-terre-fécondité animale et végétale, mais encore l’action incessante de tous ces éléments morts
qui croupissent éternels en dégageant des substances ignorées
… ». La ville ne serait donc qu’une
fabrique de ‘‘
pollutions
’’
! Où l’homme est alors livré la maladie.
À cet homme aliéné des villes, Hélène d’Oettingen met en parallèle l’homme de campagne,
qui évolue : « …
sur l’écorce-terre, directement en présence d’une poussée ininterrompue de mille
variétés de vie, qu’il englobe entraîné dans une effervescence jamais lasse …
».
Mais plus salutaires encore sont
les voyages,
qui nous font découvrir d’autres possibilités de vie
et stimulent nos facultés  : « …
l’élan opiniâtre des plantes qui cherchent toujours à éloigner leur
ramure le plus possible du tronc-place-fixité, à monter toujours plus haut s’accrochant aux soutiens
d’aventure, à quitter la racine mère pour fixer la sienne ailleurs ; s’il suivait l’instinct de ses ancêtres-
hordes-nomades abandonnant les lieux de repos pour trouver de nouvelles atmosphères, il obéirait
à cette nostalgie qui le fait soupirer en regardant fuir les nuages
… ». Voyages et rencontres qui ne
peuvent être que salutaires pour le corps et l’esprit : « …
Quand tu quittes ta maison tu penses : je
voyagerai ; je verrai de nouveaux pays, gens, choses
, ton imagination prendra un essor miraculeux
et je serai plus apte à affronter n’importe quelle conception inédite
… »
Joint, un manuscrit autographe
partiel ayant pour titre ‘’
Sur les Voyages
’’, qui pourrait être une
partie, non publié, du manuscrit précédent.
Il se présente de la même manière sous la forme d’un rouleau fragmenté, mesurant dans sa to-
talité 119 x 21 cm. Nombreuses ratures, quelques manques de texte et bords parfois très fragi-
lisées.
Pour Hélène d’Oettingen un autre danger guette cependant l’homme sédentarisé des campa-
gnes, qui ne saurait progresser, faute de chercher à connaître ce qui existe et se fait l’ailleurs :
«
… Le paysan cultive, le grand propriétaire surveille les péripéties de cette culture. Il y en a qui, de
père en fis s’adonnent avec passion à ces travaux et
aucun rêve de pays lointains ne vient jamais
troubler leur esprit
. Le déplacement c’est autant de supplice qu’ils évitent avec soin…
Inexercée,
leur imagination s’atrophie
, comme des organes disparaissent faute d’exercice…
». Et finit par
conclure, que : «  …
Heureuse ou effroyable, la Destinée
ne se met en marche qu’au moment où
l’homme de campagne se décide à un déplacement, où le vide inhabité autour de sa demeure se
réduit à un obstacle
… ».
Une note manuscrite figure au dos d’une page : «
Pour qu’une œuvre d’art soit complète, il faut
que son équilibre soit égal à celui de l’Univers entier ».
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