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La première couche de laque naturelle est
d'abord mise à durcir durant cinq à six jours, puis
elle est poncée au papier de verre très fin.
On procède ensuite à un entoilage en lin qui va
armer la laque et servira à cacher la structure du
bois. Cette toile fine, collée elle-même avec de la
laque naturelle, est mise à son tour à durcir
pendant cinq à six jours. Ensuite, on enduit le
suppor t de plusieurs couches de laque mêlée à
de la sciure de bois tamisée très fine, afin de
boucher les pores du tissu et faire disparaître
toute trace d'ondulation. Cette sciure de bois des
îles, extrêmement fine, constitue une sor te de
mastic que l'on applique avec une palette en
corne. Chaque couche (il doit y en avoir autant
que nécessaire pour que la sur face devienne
absolument plane) doit ensuite sécher en cham-
bre humide pendant six à quinze jours puis, une
fois séchée, être poncée à l'eau avec de longues
pierres de corindon (carborundum) qui agissent
et travaillent comme une lame de rabot.
Les couches suivantes sont des laques à la terre
tamisée appliquées avec des pinceaux en poils de
queue de buffle. Cette terre indochinoise, qui peut
aussi être du kaolin, est de plus en plus fine au
fur et à mesure que les couches se superposent.
Il ne peut y en avoir moins de cinq, mais cela peut
aller jusqu'à quinze. Chacune étant à son tour bien
évidemment poncée à l'eau après six à dix jours
de durcissement en atmosphère humide. De plus,
entre chacune de ces couches à la terre, on al-
terne une couche de laque naturelle destinée à
nourrir les précédentes et à les durcir.
Une fois toutes ces opérations de préparation ter-
minées, la feuille du paravent est tout à fait plane.
C'est alors seulement que l'on applique les laques
décoratives. Cinq à six couches seront de nou-
veau nécessaires en utilisant des laques de qual-
ité de plus en plus belle qui, à leur tour, devront
durcir deux ou quatre jours chacune, tout en étant
successivement poncées au charbon de bois. Une
fois finement matée, la dernière couche est alors
polie en employant de l'eau et du charbon de bois
en poudre, puis en utilisant de l'huile et une terre
extrêmement fine placée sur du coton. La dernière
finition s'effectue bien souvent avec la paume de
la main et de la poudre de corne de cer f calcinée.
L'ensemble, une fois terminé, n'aura pas plus de
trois à quatre millimètres d'épaisseur et il aura
fallu un minimum de six mois pour le réaliser,
sinon neuf sous nos climats tempérés européens.
Jean Dunand a préparé de la laque de Chine ou de
la laque de Coromandel, exécutées sur des fonds
blancs à la colle de peau. Ce sont en effet des
fonds beaucoup plus « tendres» que ceux utilisés
pour les laques à la sciure et, de plus, ils offrent la
possibilité de pouvoir être recolorés par la suite, si
on le désire, avec des couleurs à l'eau. Les procédés
de décoration de la laque sont innombrables.
Dunand avait l'habitude de dire qu'il en existait
autant que de laqueurs et que chaque laqueur ne
saurait utiliser, au cours de toute sa vie, même le
dixième de ce qu'il connaissait ou entrevoyait
comme possibilités. Le procédé le plus simple est
la laque peinte qui est obtenue en dessinant le
motif décoratif avec une pointe sèche, puis à le
reprendre avec des laques de couleur qui forment,
ainsi superposées, un léger relief. Pour en enrichir
l'ef fet, on peut aussi incorporer à une dernière
couche de laque naturelle transparente de la
poussière d'or et de la limaille.
Parmi les procédés les plus spectaculaires, une
place spéciale doit être réservée à
la coquille
d'œuf
noyée dans la laque, dont Jean Dunand fit
un grand usage. Il est bien évident que ce n'est
pas lui qui, le premier, eut l'idée d'utiliser de la
véritable coquille d'œuf pour décorer ses meubles,
ses vases et ses paravents. Le procédé était déjà
utilisé par les Japonais pour décorer des poignées
ou des fourreaux de sabre. En revanche, incon-
testablement, c'est lui qui, le premier, l'utilisa en
grandes sur faces pour remplacer le blanc qui
n'existait pas dans les laques colorées. L'emploi
de cette matière inattendue, car il s'agit
véritablement de la coquille des œufs de poule ou
de cane, lui permit d'obtenir des blancs craquelés
d'un effet très subtil et spectaculaire. Après avoir
été lavée, puis débarrassée des peaux internes,
la coquille est écrasée délicatement, puis tamisée
afin d'utiliser les fragments inégaux en fonction
de leur taille. Chacune de ces infimes particules
est ensuite posée, à l'aide d'une pince, sur une
couche de laque fraîche, en les plaçant bord à
bord comme une mosaïque et en les disposant
selon le dessin projeté. Elles sont ensuite poncées
pour obtenir une sur face lisse, puis noyées dans
une nouvelle couche de laque transparente afin de
remplir les interstices. Mais, selon l'effet recherché,
la laque de couverture (ou celle dans laquelle la
coquille d'œuf est noyée) peut être ambrée ou
Madame Ho - spécialiste dans l’art de la pose de la coquille d’œuf -
au travail