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167.
Jan INGENHOUSZ
(1730-1799) médecin, botaniste et chimiste britannique d’origine néerlandaise ;
il découvrit la photosynthèse et inventa l’électrophore. L.A.S., Londres 15 mars 1792, à Antoine-
Laurent de Lavoisier, « de l’Academie Royale des Sciences à Paris » ; 3 pages in-4 remplies d’une
petite écriture serrée (beau portrait gravé joint).
800/1 000
Longue relation détaillée d’une explosion spon-
tanée chez un chimiste londonien.
Il faut libérer les chimistes des dangers auxquels les
exposent leurs nouvelles découvertes. Ingenhousz se
souvient du terrible accident d’Essonne dont Lavoisier et
Berthollet faillirent être victimes lorsqu’une masse de
poudre à canon faite avec le muriate oxygéné de potasse
prit feu. « S’il y a lieu de s’etonner de cette explosion
spontanée
[…] vous serez peut être surpris d’apprendre,
que le muriate oxygené de potasse, dont la decouverte
fait tant d’honneur à M
r
Berthollet, melé avec un peu
de soufre est un ingredient des plus redoutables et très
insidieux : j’ose même dire, que ce melange conservé
dans une bouteille bouchée n’est guere moins dangereux
que n’est l’argent fulminant, autre decouverte du celebre
Berthollet »… Il évoque une explosion d’argent fulminant
que Berthollet lui a racontée et rappelle les propriétés
explosives du sel oxygéné de potasse additionné de soufre
et frotté sur une pierre ; or ce mélange de sel et de soufre
est sujet à prendre feu « de soi même et d’exploser avec un
fracas et une force presqu’incroyable »… En témoigne ce
qui vient d’arriver chez Mr Godfrey : « on avoit reduit
en poudre environ une drachme de muriate oxygené de
potasse très pur, on y ajouta environ un tiers, en masse,
de fleurs de soufre, en melant les deux ingrediens sans
friction, avec la lame d’un couteau. On mit ce melange dans un flacon d’environ deux onces muni d’un bouchon
de liege. On plaça ce flacon à coté de trois autres vases de verre beaucoup plus volumineux et remplis de differens
ingrediens sur une planche appuyée contre une planche verticalement appliquée au tuyaude la cheminée de la cuisine,
qui se trouve sous la boutique. La chaleur que le flacon pouvoit recevoir par le moyen du tuyau de la cheminée, etoit
très foible […] moins grande que les rayons du soleil et même la chaleur de notre corps lui communiqueroit, si on
portoit un tel flacon dans les poches des culottes. Cette poudre donnoit au bout d’une ou deux semaines des signes
non équivoques de quelque décomposition ou de quelque mouvement intestin, parce que le bouchon etoit jetté à
plusieurs reprises hors du gulot du flacon avec une petite explosion. On se contentoit d’y remetre le bouchon […]
On ne decouvrit aucun changement ni boursouflement dans la poudre hormis une legere odeur de soufre un peu
hepatique. Au bout d’environ un mois la poudre prit feu de soi même avec une explosion vraiment épouvantable.
Le flacon, dont le fond étoit à peine couvert par une si petite quantité de la poudre, se trouva fracassé en atomes, de
façon qu’on ne put en retrouver à peine une seule particule plus grande que la tête d’une petite epingle. La planche
verticale qui se trouvoit derriere le flacon étoit fendue tout au long et enfoncée. Deux grosses bouteilles remplies
d’ingrediens secs qui etoient placées à coté du flacon, et une troisieme remplie d’un liquide qui se trouva de l’autre
coté du flacon, furent, de même que le flacon, toutes fracassées en atomes et jettées avec tout leur contenu par toute
la boutique. Les effets de cette explosion vraiment terrible s’etendoient à une distance incroyable. […] si ce flacon se
seroit trouvé dans la poche de quelqu’un, lorsque l’explosion se fit, sa vie auroit etée dans le plus grand danger »… Il
compte que le savant Lavoisier, « à qui nous devons la plus lumineuse et la plus ingenieuse theorie, qui fut encore
produite en fait de chymie », donnera de ce phénomène une explication satisfaisante, et il termine en racontant une
récente épreuve de bombes tirées avec de la poudre à canon inventée par Berthollet, et décrite par lui-même dans ses
Nouvelles expériences et observations
: éclairé par l’accident chez M. Godfrey, « j’en instruisis le chymiste habile, qui
avoit composé la poudre àWoolwich, afin de prevenir les dangers, dont on ne se doutoit pas encore »…