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mieux que tous ces placements chez des particuliers. […] Si tu n’as pas commandé mon piano j’y renonce pour cette année ».
[Arenenberg] 19 juin
. Elle évoque le sort des enfants d’Églé et du maréchal Ney : « Je conçois que ce soit affigeant qu’on ne puisse espé-
rer les placer dans leur patrie c’est là le bonheur. Moi-même n’avois-je pas tout fait pour conserver aux miens ce bien précieux ; mais
la méchanceté, le sort en a décidé autrement ; il n’y faut plus penser. Les tiens portent un nom qui les fera repousser du gouvernement,
tu le penses et tu désires les envoyer ailleurs ! réféchis bien à ce que tu vas faire, rien ne se passe dans le monde comme on le désire ».
Églé pense à la Suède, mais Hortense lui expose longuement les servitudes d’une carrière militaire au service de l’étranger : « mais quel
est le souverain qui donnera une place chez lui, qui en frustrera ses propres sujets, pour
faire apprendre l’état militaire à un étranger
. Voici
ce que tu veux pour tes enfants et ceci est inadmissible. […] Si tes enfants ne veulent qu’apprendre le métier de militaire, il est dit-on
peu diffcile et fort ennuyeux en tems de paix, surtout loin des siens, s’ils veulent entrer au service d’une puissance. […] Si par hazard
la Suède étoit en guerre, c’est différent, on va avec l’autorisation de son gouvernement faire une campagne et l’on revient après ; mais
je te le répète pour prendre du service dans un pays, il faut malheureusement renoncer au sien et se faire sujet d’un nouveau roi ce qui
est bien triste »… Elle continue ses « arrangements champêtres […] Notre solitude est complette. J’attends cependant bientôt mes
enfants. Mon mari veut décidément voir son fls cette année et je partirai cet automne pour ramener l’un et conduire l’autre en Italie.
Je ne crains plus les tourments de raccomodement, il me semble que tout a prouvé qu’il falloit y renoncer. Ma voisine de Sandegg
[Louise Cochelet] est de retour tu sais que je ne fais pas grand cas du voisinage. J’aime avant tout ma tranquillité et les caquets et les
gens remuants me fatiguent »…
145.
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. 2 L.A.S. « H. », septembre-octobre 1823 ; 1 page et 2 pages et demie in-8.
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11 septembre
. « Je n’ai pas perdu dans les faillites mais j’ai toujours besoin de beaucoup d’ordres car on m’a fait vendre mes rentes et
racheter bien cher, ce qui est une perte réelle. Aussi sans mon voyage je prolongerois beaucoup mon séjour à ma campagne où je
dépense très peu ». Elle conseille « de placer sur les gouvernements et jamais chez les particuliers ». Elle fait avec sa cousine « un char-
mant voyage à cheval à pied en bateau, j’étois un peu fatiguée comme la plus faible de la troupe mais au total je suis bien »….
Augsbourg 16 octobre
. Elle n’a pas eu le temps d’écrire : « J’avois chez moi ma cousine [Stéphanie] nous ne nous quittions pas, Thomas,
nous dessinions pour profter de ses conseils, mon fls aîné dont je fais l’éducation morale, et quand je bavarde je ne puis pas écrire.
Ensuite mon frère, ma sœur arrivent un jour chez moi, un jour chez eux nous passons la journée »… Elle prépare son grand voyage à
Rome : « J’amène un chambellan du roi de Bavière qu’il m’a donné pour m’accompagner c’est le baron de Madrousse […] la fgure n’est
pas belle ; mais cela me convient assez. Quoique je ne sois plus jeune il faut encore penser à ceux qui veulent bien ne pas me trouver
encore trop vieille ». Elle a peur des dépenses du voyage, « car n’ayant pu vendre encore mon collier mes fnances ne sont réellement
pas brillantes ». Elle parle de son fls Napoléon-Louis (1804-1831) : « Je suis toujours bien contente de mon cher enfant. Je le ramène
à son père, et de le voir plus longtems me consolera des petites tracasseries auxquelles je dois m’attendre. Car tu sais bien qu’il est cer-
taine famille [Bonaparte] au milieu de laquelle je vais me trouver et avec laquelle il est diffcile de bien vivre. C’est pourquoi je ne suis
pas aussi enthousiasmée que toi par ce beau voyage d’Italie. Le beau pays est où l’on se trouve bien tranquille et entourée de ceux qu’on
aime. J’ai été bien heureuse cette automne : mon frère, ma sœur, mes enfants, la Grande Duchesse enfn ce qui reste de ma propre
famille et qui en vaut bien une autre nous avons passés un tems bien agréable et bien doux. C’est ce qui rend si désirable le sol de la
patrie on naît ensemble, on doit vivre et mourir ensemble ; mais le ciel a voulu que nous fussions tous jettés sur des terres étrangères,
éparpillés pour toujours. Enfn le malheur nous rassemble un peu et quoique ce ne soit plus dans cette belle France au moins ne faut-il
plus tant se plaindre puisque la destinée permet qu’on se retrouve encore. […] Toute la bonne ville d’Augsbourg veut bien pleurer mon
départ je ne puis qu’être très reconnaissante des regrets qu’on me montre »…
146.
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. L.A.S. « H. », [Rome] 25-27 décembre 1823 ; 3 pages in-8.
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Séjour à Rome avec la famille Bonaparte et son mari. Elle évoque d’abord le sort des fls d’Églé, la conseillant dans ses démarches,
et protestant de son dévouement à faire ses « commissions avec le zèle de l’amitié ». Elle est très occupée à « voir toutes les curiosités de
Rome ensuite les visites de famille ma belle-mère [Letizia] qui est toujours bien foible et qui est parfaite pour moi. Je suis toute surprise, on
ne me tourmente pas comme je le craignois au contraire chacun se ressent du triste caractère de mon mari. Chacun a l’air de me rendre
justice car c’est à moi qu’on vient se plaindre. Aussi loin de me parler de raccomodement on me dit, il est impossible de vivre avec lui.
Tu vois que mon voyage sera plus calme que je ne l’espérois, aussi j’espère que ma santé s’en ressentira […] Il pleut quelques jours ici mais
ensuite le tems est admirable pour la saison. La profusion d’antiques que je vois est incalculable tout est colone de marbre ici et quand je
transporte dans mon imagination un endroit qu’on pourroit orner avec goût et qui seroit délicieux à habiter c’est toujours mon plan d’une
petite maison dans cette belle rue du Fbg St Honoré de ma patrie. Tu sais qu’au lieu de palais c’étoit toujours mon ambition que d’avoir là
un petit hotel. Tu vois que même dans la belle ville de Rome je pense encore à ce cher Paris. Mais puisque le sort n’a pas voulu que je vive
et que je meure là je chasse toujours ces idées comme de mauvaises pensées. Ce qui me manque ici dans la ville, c’est le soleil, on ne bâtit
les maisons que pour s’en garantir. Et moi j’ai une sorte d’adoration pour ses doux rayons, j’attends le printems ». Elle va quelquefois chez
la Princesse Pauline Borghese (qui mourra le 9 juin 1825) : « elle n’est plus reconnoissable, et se récrie continuellement sur ma graisse et
ma fraîcheur. Elle veut savoir mon remède. C’est le calme, la vie sans peine et sans bonheur. Se feroit-elle à mon régime ? Je ne le crois
pas ? et je serois bien malheureuse de suivre le sien. Le fait est, qu’elle est mourante et qu’elle veut encore jouir du monde, des concerts,
des fêtes, des toilettes, voilà toute son occupation. Elle me dit d’un air douloureux : je n’ai plus d’adorateurs c’est fni je ne fais plus de
toilette. Je la crois sur parole pour le premier article mais le second je n’ai pas encore porté un chiffon qu’il faut le lendemain qu’elle en ait
un pareil. La toque blanche que tu m’as envoyée, le chapeau rose, tout cela est déjà copié, et je suis enchantée de lui procurer cette petite
distraction. Sa pauvre mère [Letizia] est peu heureuse par ses enfants, croirois-tu que c’est à moi qu’elle conte ses peines, moi qu’on regar-
doit comme une étrangère. Il est vrai que les tems sont changés et qu’on est touché du plus petit soin. Je les prodigue comme tu le penses
bien et cela ne me coute pas. Il m’est doux de rendre le bien pour le mal, et d’ailleurs une vieille femme en proie à la douleur intéresse si
vivement, qui ne seroit pas heureux de la distraire un instant »…
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