Page 14 - cat-vent_drouot18-12-2012

Version HTML de base


.
Claudine Guérin de TENCIN
(1682-1749) femme de lettres, animatrice d’un salon littéraire influent.
3 lettres dictées avec additions et corrections autographes (une incomplète de la fin), Paris novembre-décembre
1734, à M
ONTESQUIEU
à Bordeaux ; 4 pages in-4 chaque, une adresse avec cachet cire rouge brisé. [CM 412,
414 et 417]
. ⁄ .
C
HARMANTE CORRESPONDANCE À SON
«
CHER
R
OMAIN
»,
REPARTI À
B
ORDEAUX ET
L
A
B
RÈDE
.
8 novembre
. « Je suis tout à fait alarmée mon petit Romain du gout que vous paroissez avoir pour votre paÿs, il
est vrai que vous y occupez plus de terrain qu’icy. Mais il est vrai aussi que vous avez icy une place dans le coeur d’une
infinité d’honetes gens qui doivent bien vous dedomager de ce surplus de terrain que vous occupéz ailleurs. […] Je
veux bien que vous fassiez des ouvrages chez vous pourveu qu’ils ne soient qu’utils, et que vous renonçiez
absolument à l’agreable. De quoi vous serviroit des agremens dont assurément vous ne jouïrés pas. Car encore une
fois, vous n’êtes point fait pour vivre à Bordeaux. Je suis même persuadée que malgré votre douceur, et votre
affabilité, vous n’y êtes point aussi aimé que vous l’êtes icy, il y a une jalousie parmi les concitoyens plus forte que
le merite, les services, et la bonté. Peu s’en fault même que lon ne vous haÿsse d’être plus en état qu’un autre
d’obliger. L’envie n’a pas tant de prise icy […] dailleurs on peut choisir ses sociétés, et ses amis, et estre assuré qu’on
est presque inconnu du reste du monde ». Elle évoque un article du
Journal littéraire
sur les
Considérations
, etc.
22 novembre
. « Vous ne mécrivez que de petittes lettres mon cher Romain. […] vous voila donc en Province
jusqu’à Noël. C’est un grand mois de plus que vous ne m’aviés dit. […] ne poussés pas la chose plus loing ; si vous
sçaviés combien nous vous aimons icy, […] quoique vous aiés beaucoup d’amis, vous n’en avés aucun qui vous soit
si véritablement attaché que moi. Je suis même persuadée que malgré tout leur génie, ils ne vous connoissent pas
sy bien ; […] c’est seulement que mon esprit éclaire mon cœur »... Elle évoque encore le commandeur de S
OLAR
,
et « un jeune Anglois qui est un des zélés partisans de votre livre » [Richard G
LOVER
], que Montesquieu avait
rencontré en Angleterre et « qui à 15 ans a fait le poëme imprimé devant l’abrégé de la philosophie de N
EWTON
»...
24 décembre
. Elle assure Montesquieu de son attachement : « j’ay la vanité de croire que vous n’êtes aimé de
personne, aussi bien que moi ». Elle a vu « le petit garçon » [Jean-Baptiste de Secondat, le fils de Montesquieu ?]
plusieurs fois : « il n’oze pas m’en dire autant qu’il m’en écrit. Il tâche cependant toujours de me donner quelque
petitte signifiance de ses sentimens qu’il n’a pour moi que parcequil me prend pour une femme. Si vous le
plaisantez jamais sur cet article, je vous étranglerai ». Elle parle de « l’Anglois » [Richard G
LOVER
] qui « ne peut se
taire sur vos louanges, il m’a dit plusieurs fois que votre livre étoit regardé en Angleterre comme un chef
d’œuvre »… Elle parle également du commandeur de S
OLAR
, et du roman
Tanzaï et Néadarné
de C
RÉBILLON
fils :
« Tout Paris devient fou d’un livre du petit Crebillon. Il est vrai qu’il est plein d’ordure, et que l’on a trouvé le moien
d’y nicher la Constitution. […] L’autheur a été honoré de la Bastille. Il y a demeuré très peu de temps, touttes les
Princesses se sont intéressez pour lui. M
ARIVAUX
a donné une 4
e
partie de son
Paysan parvenu
qui n’a pas les mêmes
titres pour réussir. […] Tous nos amis vous attendent avec impatience, pour moi, mon petit Romain, j’ai regret à
tous les diné agréables où vous n’êtes pas »…
.
François, comte de BULKELEY
(1686-1756) lieutenant général au service de France. L.A.S. « B »,
Valenciennes 5 décembre 1734, au Président de M
ONTESQUIEU
à Bordeaux ; 3 pages in-4, adresse avec cachet
cire rouge aux armes (brisé). [CM 415]
 ⁄ .
A
U SUJET DES
C
ONSIDÉRATIONS SUR LES CAUSES DE LA GRANDEUR DES
R
OMAINS ET DE LEUR DÉCADENCE
.
Il saisit avec empressement l’occasion de renouveler sa correspondance avec Montesquieu : « je vous diray que j’ai
lû votre livre malgré vous, et qu’il m’a fait d’autant plus de plaisir que je vous y ay reconnu presque à chaque page ;
je ne scay pourquoy vous en faites aussy peu de cas que l’on m’a dit. Ce n’est pas à moy d’en décider, tous ceux qui
m’en ont parlé ont trouvé, disoient-ils, que c’étoit trop en abrégé, mais ce n’est pas une histoire que vous écrivez ;
en un mot j’en ay été bien content, et le reliray encore plus d’une fois ». Puis il évoque la situation militaire, les « pro-
motions ridicules », le ministère, les affaires en Italie, la division parmi les chefs… Lui s’occupe de son régiment,
« fort tranquillement, quoyque peu gayement ». Il espère venir à Paris lors du retour de Montesquieu, « et je seray
charmé, puisque je ne suis pas assez heureux pour vous voir, vos canards et votre futaye à la Brède, de faire quelques
promenades avec vous dans ce cabinet vis à vis le chevalier de Calonge, et là nous dirons nos pensées sur les sottises
du tems, nous ne manquerons pas de matière »…
O
N JOINT
une L.A. en anglais de Lady Mary H
ERVEY
(1700-1768) à Montesquieu (4 pages in-4 avec déchirures
et manques), le complimentant sur son livre [CM 418]…