Page 66 - cat-vent_drouot18-12-2012

Version HTML de base


.
Thomas-Arthur de LALLY-TOLENDAL
. M
ANUSCRIT
autographe,
Tableau historique de l’expédition
de l’Inde
, [1766] ; cahier de 27 pages in-fol., lié d’un ruban vert.
. ⁄ .
M
ÉMOIRE POUR SA DÉFENSE
,
EXPOSANT LES DIFFICULTÉS AUXQUELLES IL DUT FAIRE FACE ET LA MAUVAISE VOLONTÉ
ET LES DÉFAILLANCES DE SES COLLABORATEURS
, notamment du comte d’A
CHÉ
, commandant l’escadre de la mission,
du lieutenant-colonel B
USSY
, qui tenait le Deccan, et du conseiller M
ORACIN
, qui commandait la garnison française
de Masulipatam. Le manuscrit présente de nombreuses ratures, corrections et additions ; la fin en a été fortement
remaniée. Après remaniement et développement, cette relation fut publiée en 1766 sous le titre
Tableau historique
de l’expédition de l’Inde pour le comte de Lally, contre M. le Procureur Général
(Paris, impr. de Simon).
Nommé au mois d’août 1756 pour commander l’expédition de l’Inde, Lally a connu aussitôt des obstacles : un
départ retardé, une réduction sévère des forces prévues, et une traversée inhabituellement longue (12 mois), ayant
pour conséquence que les amiraux britanniques purent joindre leurs forces et arriver à la côte de l’Inde avant les Fran-
çais… L’avantage qu’eut le chevalier de S
OUPIRE
de débarquer à Pondichéry des mois avant tout le monde fut perdu
car le sieur de L
EYRIT
[le gouverneur] « l’a tenu pendant ces 8 mois dans l’inaction et a consommé sans fruit l’ar-
gent qu’il avoit apporté d’Europe »… Dès son arrivée, Lally livra combat et perdit un vaisseau de 74 pièces de ca-
nons. Il assiégea Saint-David avec succès, puis prit Divicottey, mais le comte d’A
CHÉ
s’était éloigné à 60 lieues de
crainte de l’escadre anglaise et refusa de protéger la marche de Lally vers Madras… Là-dessus Leyrit annonça qu’au-
delà de 15 jours, il ne paierait ni ne nourrirait l’armée, mais que Lally obtiendrait des fonds en intimidant le Raja
de Tanjaour, qui avait une vieille dette à la Compagnie… Au cours de cette opération infructueuse, Lally fut vic-
time d’une tentative d’assassinat par un général de cavalerie noir parvenu jusque sous sa tente par ruse : l’aventure
se solda par la mort de l’assassin et de ses 50 cavaliers… Ayant appris que Pondichéry était menacé, Lally y retourna
pour découvrir que le comte d’Aché abandonnait la côte pour se mettre à l’abri à l’Île de France [Maurice], et que
B
USSY
et M
ORACIN
refusaient de collaborer à une expédition à Madras, voire d’obéir aux ordres… Lally multiplie
les précisions sur les combinaisons échafaudées pour solder l’armée… Il occupa rapidement Madras (13 décembre
1758), mais pendant ce temps, l’escadre de M. de L
ÉGUILLE
, qui amenait à Pondichéry 4 vaisseaux du Roi et 3 mil-
lions, fut retenue par d’Aché à l’Île de France, alors qu’elle eût été maître de toute la côte de Coromandel, eût em-
pêché la compagnie anglaise de débarquer 600 hommes à Madras, et eût permis de reprendre ce qu’on avait perdu
dans le Bengale... « Quelle autre cause cherche t’on donc de la perte de Pond. et de toute l’Inde »… Les malheurs
s’accumulent : Lally manque de succomber à une « fièvre chaude », une partie de l’armée se révolte, le comte d’Aché
reparaît après 13 mois d’absence pour annoncer qu’il part le lendemain pour les îles, et une protestation du Conseil
ne réussit qu’à ramener cet amiral à Pondichéry pour quatre jours avant sa disparition définitive, et cela malgré la
nouvelle que l’armée venait de gagner une bataille, « evenement qui eut decidé tous les princes du pays en notre fa-
veur sans cet abandon subit de l’escadre »… Il commente avec amertume : « Si toutes ces manœuvres, si toutes les
horreurs qui les ont suivies […], si l’attentat à la vie du c
te
de Lally et à celle de l’intendant de son armée qui les a
couronné, paroissent des evenements simples et dus au hasard seul, il est inutil que le c
te
de Lally ouvre la bouche
pour sa deffense »… Et de donner de nouvelles preuves de la perfidie de Leyrit, et de la mauvaise volonté du Conseil
à appuyer ses négociations pour approvisionner Pondichéry, et des explications sur « ces fameuses campagnes he-
risséz de victoires que les s
rs
Bussy et Moracin faisoyent retentir dans les gazettes d’Europe », et qui n’étaient autre
chose que la mise à contribution des princes du pays… Enfin, la ville de Pondichéry s’est rendue le 16 janvier 1761,
le fort intérieur le 17, et après avoir esquivé de nouvelles tentatives d’assassinat, Lally, malade, fut ramené en Eu-
rope dans des conditions indignes, pour passer 15 mois en détention sur la foi d’un libelle, avant d’apprendre qu’il
serait jugé pour « des depradations et concussions commises dans l’Inde, comme ayant eté cause de la perte de Pon-
dichery »… Le rapporteur n’ayant rien trouvé qui soutînt cette accusation, on obtint de nouvelles lettres patentes
du Roi pour diriger une instruction pour haute trahison. « Mais les temoins qui ont deposé contre le c
te
de Lally
n’ont pas meme osé hasarder le mot d’intelligence entre luy et l’ennemy […], les temoins militaires les plus achar-
néz contre luy ont deposé formellement qu’ils ne pretendoyent pas inferer cette pretendue intelligence de sa conduite
militaire, quoy que blamable d’ailleurs, et en effet il paroît assez dificile de supposer cette intelligence dans un
homme qui a porté tout son bien dans l’Inde, et qui l’a sacrifié pour le soutien de Pond. ; dans un homme qui a
laissé au tresor de Pond. 400 mil livres de ses appointements pendant tout son sejour dans l’Inde, pour la deffen-
dre contre ce meme ennemi ; dans un homme enfin qui eut fait une fortune eclatante si il eut pu reussir contre ce
meme ennemy, et qui ne s’est attiré la haine de ses accusateurs que parce qu’il exigeoit d’eux de l’aider a se deffen-
dre contre ce meme ennemy »… Il rappelle en outre que l’on n’a jamais inquiété les officiers et employés de l’Inde
qui se sont attroupés pour l’insulter, et pour tuer l’intendant de l’armée… Et de livrer les conclusions que l’on de-
vrait tirer de sa conduite : « pendant que le s
r
de Leiryt a payé son armée, il s’est emparé malgré la deffaite de M
r
d’Aché et la superiorité de l’ennemy sur mer de toutes les places maritimes que cet ennemy possedoit dans le sud
de Pondichery […]. Qu’avec 2700 hommes il a osé assieger, et n’a pu prendre Madras, place forte qui avoit 5 mil
hommes pour sa deffense, et qui en outre avoit la mer libre. Que l’armée que l’ennemy avoit en campagne a tenté
4 fois de luy faire lever le siege, et que 4 fois il l’a repoussé et l’a dissipé entierement. Que malgré le mecontente-
ment d’une armée menaçant a chaque instant de passer a l’ennemy et qui s’est revoltée deux fois sur ce qu’elle n’etoit
pas payé, le c
te
de Lally s’est emparé d’un fort jugé imprenable que l’ennemy occupoit dans l’interieur du pays, et