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
.
[
VOLTAIRE
]. Copie autographe par son secrétaire Jean-Louis W
AGNIÈRE
(1739-1802) d’une lettre
adressée à V
OLTAIRE
par M. de B
OURCET
, Pondichéry 1
er
février 1776 ; cahier de 9 pages in-4.
. ⁄ .
L
ONGUE ET TRÈS INTÉRESSANTE RÉPONSE AUX PAGES DE
V
OLTAIRE SUR L
EXPÉDITION DE L
’I
NDE ET SUR
L
ALLY
-T
OLENDAL
,
DANS LE
P
RÉCIS DU
S
IÈCLE DE
L
OUIS
XV
(1768). B
OURCET
cadet était le neveu du
lieutenant-général Pierre-Joseph de Bourcet (1700-1780). Voltaire tint compte de cette lettre en corrigeant un
exemplaire de l’édition de 1775, et, à son tour, Beuchot répercuta les corrections de l’auteur dans son édition du
Précis
(
Œuvres
de Voltaire, t. XXI, Paris, 1831). Le texte de cette lettre fut publié par Wagnière dans ses
Additions
au « Commentaire historique sur les œuvres de l’auteur de la Henriade »
(
Mémoires sur Voltaire et sur ses ouvrages, par
Longchamp et Wagnière, ses secrétaires
, Paris, Aimé André, 1826, t. I, pp. 100-112).
Voltaire sera peut-être surpris qu’un inconnu lui « écrive de six mille lieues » pour l’assurer de sa renommée : les
Brahmes, les Malabars et les Maures « sentent ainsi que nous, que vos divins écrits sont des sources inépuisables de
vertu civile et morale, non moins que de sagesse ». Cependant de savants Indiens, et des témoins européens en Inde,
ont relevé des erreurs dans le
Précis du Siècle de Louis XV
, et Bourcet en fait part, se référant aux chapitres et pages
pour apporter des précisions sur les princes indiens, la géographie du pays, les conquêtes respectives de D
UPLEIX
et
de S
AUNDERS
, les dates et les circonstances exactes d’événements historiques. Il rectifie ainsi une série d’erreurs
concernant l’emploi des Marathes, lors de la dernière tentative de L
ALLY
de reprendre le fort de Vandavachy, au
début de 1760 : « Les anglais n’avaient point de marates dans leur armée à Vandavachi ; ils ont pour principe de ne
pas se servir de cette mauvaise troupe sur laquelle ou ne peut compter. Les marates qui s’y trouvaient étaient à nôtre
service. Un cordelier portugais, évêque d’Halicarnasse, nommé N
ORONHA
, plus guerrier que bon prélat, avait
marchandé ce secours chez Moravao un de leurs chefs. Ces marates nous coutaient beaucoup et nous furent plus
nuisibles qu’utiles. Gagnés par les anglais ils furent spectateurs oisifs de la bataille, nous abandonnèrent dans le fort
de l’action, et se retirèrent ensuite chargés de butin dans leur païs, après avoir selon leur coutume, incendié et
ravagé nos campagnes et celles des anglais. Il paraît indubitable que si cette cavalerie avait fait tête, les anglais […]
étaient perdus sans ressource ; la ville de Pondicheri était sauvée, et ces insulaires ne seraient peut-être pas aujourd’hui
aux Indes à un si haut point d’élévation »… Le philosophe, « le précepteur de l’univers », ne trouvera sûrement pas
mauvais que Bourcet signale ces fautes dues aux personnes qui ont fourni les matériaux pour le
Précis
… Puis, en
« supplément », il commente longuement « l’article Lalli » du chapitre 34, « tome 4 du Siècle de Louis 15 » : « Ce
général, comme vous le faites judicieusement remarquer, n’a jamais trahi le roi, et n’a point vendu Pondicheri, que
les anglais, qui ne sont point absurdes, étaient moralement assurés de prendre, puisqu’ils étaient les maîtres de la terre
et de la mer ; et quoi qu’en disent plusieurs, et nommément le jésuite Lavour ou Lavaur et son mauvais mémoire
[…], M. de Lalli ne pouvait pas non plus être accusé de péculat, ce général n’aiant jamais été chargé ni de l’argent
du roi, ni de celui de la compagnie. […] Plusieurs indiens vénérables de la première classe, et plusieurs européans
éclairés et impartiaux, inglobés comme le reste dans la malheureuse catastrophe de Pondicheri, m’ont assuré que ce
général n’avait rien à se reprocher ; il y avait déjà deux ans, m’ont-ils dit, que l’on était ici aux expédients pour vivre,
avant même l’arrivée de M. de Lalli »… L’expédition de Tanjaour, au lieu du siège de Madras voulu par Lally après
la prise de Saint-David, fut entreprise sur l’insistance du Conseil de Pondichéry ; il y entra des « intrigues de jésuites »,
et ce « fut la cause premiere de tous nos maux ». L’échec des Français devant Madras était inévitable : « Les
colonies, comme l’on sait, ne se soutiennent que par les flottes ; nôtre général n’en avait point, le seul vaisseau qu’il
eut lorsqu’il assiegea Madras, était une misérable frégate de vingt-six à trente canons, commandée par un officier de
la compagnie »… Le général eût pris Villénour si nos troupes avaient pu faire « une petite lieue sur un terrein uni
et sec sans se tromper »… Victime de libelles, d’affiches affreuses, de corrompus et de rapaces qui le craignaient, et
de « calomnies atroces », Lally n’a jamais rencontré que de la mauvaise volonté : « On était plus occupé à lui faire
la guerre qu’à éloigner l’ennemi qui était à nos portes. De là tous ces discours, toutes ces lettres terribles, monuments
de désespoir pardonnables à un héros dont l’honneur et la gloire se trouvaient ainsi compromis dans un païs de
licence, où le nom de la compagnie était pour son malheur en plus grande vénération que celui du souverain ».
À Voltaire, « le plus éclairé des hommes » et philosophe, de juger « si M
r
de Lalli méritait une fin si tragique »…
O
N JOINT
une
AFFICHE
d’hommage à Voltaire ; la copie ancienne d’un poème de l’abbé de V
OISENON
,
Jean qui
pleure et qui rit
(Ferney 1772) ; et des vers de T
RIMOLET
, de Collioure (1821), sous forme d’épître de Voltaire à
Lally-Tolendal.