Page 102 - cat-vent_rossini2-3-07-2012

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Jimmy in memoriam
À la disparition d’Alain Brieux, en octobre 1985, nous nous sommes d’abord retrouvés à trois, avec
Michèle la secrétaire, puis à deux, Jimmy et moi, pour maintenir à flot la librairie du 48 rue Jacob. C’est à ce
moment là que nous avons appris à vraiment nous connaître alors que cela faisait déjà une dizaine d’années que
Jimmy était devenu le bras droit d’Alain à qui des problèmes de santé imposaient de se faire aider. Nous n’avons
pratiquement jamais parlé de la perte de son maître et patron, qui l’avait, je pense, beaucoup affecté, alors que
j’étais moi-même anéantie de me retrouver sans patron et sans époux. Ce qui est sûr est que nous avons été tous
deux galvanisés par cette disparition et que nous nous sommes battus côte-à-côte, chacun à sa façon, avec nos
deux personnalités opposées.
Jimmy était doué de toutes les qualités d’un chercheur et d’un bosseur. Il travaillait avec un sérieux qui
confinait à la rigueur et avec une fidélité à la direction prise par mon mari dont je lui ai toujours été reconnaissante.
Il possédait une mémoire exceptionnelle et une excellente culture littéraire et historique. Il fut très vite conquis
par l’histoire des sciences et des savants. Dans le même temps il fut naturellement pris de passion pour les livres
anciens et, au fil des années, put constituer sa propre collection, en attachant une importance particulière à l’état
de conservation des ouvrages. Pendant ses trente années de librairie, je pense que Jimmy a été heureux.
Je le reverrai toujours à sa table de travail où j’allais quelquefois l’interrompre pour lui demander de
l’aide ou un renseignement qu’il me donnait très spontanément et avec beaucoup de gentillesse. Cependant il
m’arrivait d’essayer de le distraire en évoquant les cours de français ou les récitations de notre enfance ; je me
lançais dans un poème que m’inspirait la saison ou l’air du temps et alors que je calais après quelques vers, Jimmy
enchaînait et allait jusqu’au bout !
Je terminerai donc avec ce beau poème des « Aliscans
» de
Paul-Jean Toulet que j’aimais commencer,
sachant qu’immédiatement Jimmy poursuivrait sans hésitation et sans erreur… « Lorsque tu sens battre sans
cause / Ton cœur trop lourd ; / Et que se taisent les colombes: / Parle tout bas, si c’est d’amour, / Au bord des
tombes ».
Dominique Louette Brieux