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GRANDVILLE (J. I. I. Gérard, dit Jean-Jacques… ). Scènes de la vie privée et publique des animaux.
Paris, J. Hetzel et
Paulin – J. Hetzel, 1842
, 2 vol. grand in-8°, chagrin vert bouteille, sur les plats, jeu de filets à froid enserrant un décor de
plaques animalières, dos lisses ornés de plaques sur le même thème, roulette intérieure dorée, tranches dorées (
reliure
d’éditeur
).
2 000 / 3 000
Des écrivains renommés, un éditeur inspiré…
Pour des raisons de coûts, les éditeurs de livres illustrés des années
1830
-
1840
ne peuvent guère espérer obtenir d’écrivains
célèbres autre chose que « quelques pages spirituelles et bien écrites ». Ainsi, à l’instar des
Français peints par eux-mêmes
,
édité par Léon Curmer en
1839
-
1841
,
Les Scènes de la vie des animaux
que publie Jules Hetzel en
1842
est un livre à
plusieurs mains. Balzac, Nodier et sa fille, Marie Ménessier-Nodier, Jules Janin, George Sand, Alfred de Musset et son frère
Paul, Hetzel lui-même, sous le nom de P.-J. Stahl, participent, entre autres, à cette vaste fresque, qui sera le premier grand
succès éditorial du futur éditeur de Jules Verne.
… et un dessinateur de génie, pour un monument de l’édition illustrée du XIX
e
siècle.
À la différence des
Français
de Curmer, auquel collaborent aussi plusieurs illustrateurs, Hetzel décide de confier toute
l’illustration des
Scènes
à Jean-Jacques Grandville (
1803
-
1848
), dont il apprécie le talent de dessinateur animalier.
En
1840
, celui-ci est à l’apogée de son art. Caricaturiste hors pair, collaborateur de journaux tels que
La Caricature
ou
Le Charivari
(on lui doit le fameux portrait-charge de Louis-Philippe en poire), il est accablé par la police de Thiers qui a
établi une censure préalable à la publication de caricatures. Il se tourne alors plus intensément vers l’illustration de livres
et donne de nombreux dessins pour les
Fables
de La Fontaine (
1838
-
1840
),
Gulliver
de Swift (
1838
) et de très nombreuses
autres éditions. Il compose aussi ses propres ouvrages :
Un autre monde
(
1844
) ou encore
Les Fleurs animées
(
1847
). Pour
les
Scènes de la vie des animaux
, il parvient à unifier et à magnifier avec fantaisie, ce tableau satirique de l’époque, dont le
thème n’est pas sans rappeler le principe de la fable.
Alors que le XIX
e
siècle finissant l’avait un peu oublié (à l’exception d’un Odilon Redon (
1840
-
1916
)…), ses animaux
et ses fleurs anthropomorphes, ses fantasmagories et métamorphoses empreintes d’un bizarre baudelairien… feront que
Grandville, au début des années
1920
, sera « redécouvert » par les surréalistes, en particulier par Max Ernst (
1891
-
1976
) qui
le revendiquera comme l’un de ses maîtres.
Deux frontispices,
199
figures hors-texte et de nombreuses vignettes, l’ensemble gravé sur bois d’après les dessins de Jean-
Jacques Grandville.
Premier tome en deuxième tirage, second tome en premier tirage.
Exemplaire en reliures d’éditeur en chagrin, condition rare.
Elles sont ornées de plaques spécialement réalisées d’après les couvertures dessinées par Grandville.
Il existe des variantes dans les plaques.
Des cartonnages et reliures décorées de scènes animées : une première accroche visuelle du texte.
Recouverts le plus souvent de papier ou de percaline, les cartonnages et reliures d’éditeur décorés furent regardés par les
amateurs du milieu du XIX
e
siècle comme des produits commerciaux de petite qualité et d’un goût clinquant. À l’origine,
leurs décors, sur les plats et sur le dos, ne voulaient de fait que reproduire à moindres frais ceux des sompteuses reliures
romantiques. Mais très vite, ces décors firent appel à de véritables scènes animées – lithographiées ou gravées sur plaques
et frappées ensuite à l’or – qui bientôt s’inspirèrent des illustrations mêmes de l’ouvrage. Ils constituent ainsi la première
tentative pour donner au livre une vêture qui annonce et préfigure son contenu. Pour Henri Béraldi, cette « idée originale »,
qui avait pour premier motif de concourir à une meilleure diffusion des livres, et en particulier des livres illustrés s’adressant
à un public d’enfants, donna naissance à « un art particulier, très à l’aise […] qui a son style et ses chefs-d’œuvre ».
Dimensions :
258
x
176
mm.
Provenance
: N. Rauch (
Cat. 1, 1948, n°293
).
Expositions
:
Dix siècles de livres français,
Lucerne,
9
juil.-
2
oct.
1949
, n°
434
; Culot (P.),
Relieurs et reliures décorées
en France à l’époque romantique
, Bibliotheca Wittockiana,
7
oct.
1995
-
20
janv.
1996
, Bruxelles, n°
198
, avec reproduction..
Carteret (L.),
Trésor
, III, pp.
552
-
559
(« Il a été exécuté pour les
Scènes des animaux
des reliures et des cartonnages
artistiques qui sont parmi les plus beaux dans ce genre. ») ; Martin (O. et H.-J.), « Le Monde des éditeurs », dans
Histoire de
l’édition française
, III, Promodis,
1985
, pp.
178
-
180
; Renonciat (A.),
J. J. Grandville
, ACR-Vilo,
1985
, passim ; Béraldi (H.),
La Reliure au XIX
e
siècle
, IV, p.
242
; Getty (C. F.), « Max Ernst and J. J. Grandville », dans
Twenty-First-Cent. Perspectives
on Nineteenth-Cent. Art
, Rosemont Publ.,
2010
, pp.
116
-
123
; Malavieille (S.),
Reliures et cartonnages d’éditeur en France
au XIX
e
siècle
, pp.
122
,
125
,
190
, avec reproduction (exemplaire en percaline) ; Forgeot (B.),
Jean-Jacques Grandville, 1803-
1847
,
2007
, n°
64
(pour un exemplaire présentant des plaques différentes pour le dos).
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