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410.
TUNISIE et ÉGYPTE. Ernest LANGLOIS
, fusilier marin. Manuscrit autographe signé,
Récits de la campagne
de l’Alma, prise de Sfax, bombardement d’Alexandrie et prise de Bizerte
etc
., et
Cahier de chansons
, Cherbourg
février-avril 1883 ; cahier petit in-4 de 184 pages, demié demi-maroquin prune, dos lisse, plats de percaline grenat
(reliure de l’époque, coiffes et coins lég. frottés).
3.000/3.500
Précieux témoignage d’un marin ayant participé à l’expédition de Tunisie (avril à juillet 1881), qui aboutit à la mise en
place du protectorat français sur ce pays, et au bombardement d’Alexandrie (juin 1882) lors de la crise franco-anglo-égyptienne.
Ernest Langlois, fusilier, porte le matricule 7148-1. Ce manuscrit, d’une écriture régulière, sans ratures et parfaitement lisible,
a été recopié après le retour en France ; il contient un grand nombre de détails et d’observations sur les opérations militaires,
mais aussi sur les pays visités.
Cuirassé basé à Cherbourg,
l’Alma
quitte cette rade le 14 avril 1881 et se dirige d’abord vers Alger, puis vers les côtes de
Tunisie afin de rejoindre la division commandée par le contre-amiral Conrad. Le 1
er
mai,
l’Alma
mouille devant les murs de
Bizerte avec deux autres cuirassés,
la Reine-Blanche
et
la Surveillante
, ainsi qu’un croiseur,
le Tourville
, et le vaisseau-amiral,
La Galissonnière
: « nous avons tout disposé pour le combat, et une heure après toutes les embarcations étaient à terre, avec
toutes les compagnies de débarquement armées de fusils pouvant tirer neuf coups sans aller à la cartouchière, et des revolvers
à six coups et en plus huit canons obusiers de montagne portant à six mille mètres » (p. 10). Toutefois, la prise de Bizerte
s’effectua sans combat, et peu après le débarquement, les notables remettent les clés de la ville aux autorités françaises.
En revanche, la situation est très différente à Sfax où
l’Alma
arrive le 29 juin : « Lorsque nous accostâmes
le Chacal
[canonnière française], un triste tableau s’offrit à nos regards, le pont était encombré d’hommes, de femmes et d’enfants,
Européens, Italiens, Français, Suisses, Juifs, etc. qui avaient été chassés de chez eux par les Arabes qui s’étaient emparés de la
ville et les avaient obligés de se réfugier à bord des maônes qui se trouvaient en rade » (p. 21). Peu de temps après,
l’Alma
et
le
Chacal
sont renforcés par une autre canonnière,
la Pique
, ainsi que par
la Reine-Blanche
et
la Galissonnière
. Les négociations
avec les Arabes ayant échoué, le bombardement de la ville commence : « Comme nous cessions le feu tous les soirs, la nuit
ils réparaient et rebâtissaient ce que nos obus avaient démoli, mais ils ne pouvaient pas faire ressusciter leurs morts qu’on
leur faisait tomber dans le jour car je vous promets qu’il en a tombé pendant le bombardement » (p. 25). Le débarquement
des troupes a lieu le 16 juillet : « une pluie d’obus tombe sur Sfax… c’est un grondement continuel à en devenir sourd... sous
ces nuées de fumées et d’obus avancent les compagnies de débarquement... enfin on est arrivé, plusieurs marins sont déjà sur
la plage... ils s’élancent bayonnette au canon à la poursuite des Arabes [qui] sont bientôt hors de combat. Pendant ce temps,
d’autres compagnies de marins pénétraient dans la ville en enfonçant les portes avec des haches, alors commence la guerre
dans les rues, les marins gardant toujours leur sang-froid, pénètrent dans toutes les maisons et en débusquent l’ennemi... et
bientôt les rues sont pavées de cadavres... On arrive à la porte de la Casbat et au moyen d’une torpille on fait sauter les murs...
la section entière [s’y] enfonce... et chasse les Arabes devant elle » (p. 28). Langlois insiste sur la violence des combats lors de la
prise de Sfax, notamment pour déloger les Arabes qui s’étaient réfugiés dans le fort : « On amena un canon de 65 m/m que l’on
plaça à environ 30 mètres de la porte, et que l’on pointa juste dedans et coup sur coup on y lança 4 obus qui firent rudement de
la besogne, à l’intérieur alors un officier et une dizaine de marins le revolver au poing y pénétrèrent et bientôt l’on vit sortir
43 Arabes désarmés et tout le corps labouré par les éclats d’obus et autant qui étaient restés couchés sur le plancher endormis
du sommeil de la mort » (p. 33). D’autres détails sont donnés : mise en place de ponts flottants pour faciliter le débarquement
des compagnies arrivées en renfort de l’escadre d’évolutions commandée par le vice-amiral Garnault ; pillage et incendie de
quelques boutiques arabes par les soldats français ; supplices subis par des marins faits prisonniers, etc.
L’Alma
reste au large des côtes tunisiennes jusqu’au 16 septembre 1881 (mouillages à Médhia, Monastir, Sousse, La
Goulette), puis lève l’ancre pour Tripoli, le Pirée, l’île de Paros, Milo et Santorin, puis à nouveau le Pirée le 23 octobre pour le
mouillage d’hiver (p. 57). Après plusieurs allers et retours entre le Pirée et les îles, le commandant du cuirassé reçoit l’ordre
de l’amiral Conrad d’aller le rejoindre à Alexandrie « à cause des troubles survenus en Egypte ».
L’Alma
appareille donc le
2 juin 1882 pour ce port où « tous les Européens commençaient à faire leurs malles et décamper… tous les paquebots et bateaux
qui arrivaient se remplissaient de monde et partaient pour d’autres pays » (p. 63). Le conflit est alors imminent : « La France,
qui allait de concert avec l’Angleterre, devait remettre le bon ordre en Egypte mais on décida qu’elle n’y prendrait plus part et
les Anglais dont les intérêts avaient le plus souffert décidèrent qu’ils s’en chargeaient seuls et c’est alors que le 10 juin [1882]
tous les navires de guerre Français, Italiens, Américains, Autrichiens, Prussiens, Grecs, qui se trouvaient mouillés dans le port
d’Alexandrie sortirent et allèrent mouiller au dehors pour laisser aux Anglais le champ libre ». Langlois assiste, le lendemain,
au bombardement d’Alexandrie par les navires de guerre anglais : 9 gros cuirassés et 5 ou 6 canonnières, partagés en deux
divisions, l’une opérant sur les forts situés sous la ville, et l’autre sur ceux qui se trouvaient échelonnés le long de la côte et
qui défendaient la passe. Les tentatives de négociation n’aboutissant pas, et les combats ayant repris, le chef arabe Arabi Pacha
décide de quitter la ville avec ses troupes, et de la livrer aux Bédouins qui la pillent et l’incendient. Le 19 juin dans l’après-midi,
le bombardement est à peu près terminé, mais la ville est à feu et à sang (p. 73). Après la fin des combats,
l’Alma
appareille pour
Port-Saïd, puis Smyrne (Turquie) où il mouille jusqu’au 28 août, ensuite le Pirée et Paros avec quelques allers et retours. Le
25 novembre, le cuirassé quitte définitivement le Pirée et rentre à Cherbourg le 4 janvier 1883.
Les chansons sont copiées avec soin dans des encadrements tracés à la plume : chansons d’amour et chansons lestes, chants
de soldats,
Le Temps des cerises,
etc.
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