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… « où conduiroit la morosité qu’épaissit chaque jour et teint du noir le plus sombre, le spectacle des choses humaines ?.. à
haïr tout ce qu’il y a d’excellent sur la terre : la beauté qui rassérène les climats de fer et flechit les cœurs de tigre, mais sur les
traces de laquelle l’enfer vomit ses serpens : la bonté douce, facile, indulgente, généreuse, propice, mais qui fait naître les ingrats ;
l’amitié qui console la douleur, adoucit l’infortune, prodigue des plaisirs purs ; l’amitié que la bienfaisance du ciel inventa pour
nous faire supporter et chérir la vie, mais dont le méchant dérobe le masque pour mieux affiler le stilet de la perfidie : le génie
près duquel veille toujours, l’impudente calomnie et l’envie implacable ; la liberté cette ame de l’ame, cette divinité de tout
ce que la nature fit paroître de grand sur la terre, mais qui tient sans cesse le poignard levé sur son propre cœur… Maudirons
nous ces dons du ciel, parce que la main des hommes peut les empoisonner ? Oh ! non : ne donnons pas ainsi prise sur nos [
la
fin de la main de Mirabeau :
] sentimens à tout ce qui nous entoure : perfectionnons notre raison, affermissons notre volonté,
aggrandissons notre ame ; croyons que si l’on excepte les accidens suites inévitables de l’ordre général, il n’y a de mal sur la
terre que parce qu’il y a des erreurs ; que le jour où les lumieres et la morale avec elles pénétreront dans les diverses classes de
la société, les ames foibles auront du courage par prudence, les ambitieux des mœurs par intérêt, les puissans de la moderation
par prevoyance, les riches de la bienfaisance par calcul ; et qu’ainsi l’instruction diminuera tôt ou tard, mais infailliblement les
maux de l’espèce humaine, jusqu’à rendre sa condition la plus douce dont soient susceptibles des êtres perissables ».
313.
Honoré-Gabriel de Riquetti, comte deMIRABEAU
.Manuscrit avec additions et corrections autographes,
Suite de la Dénonciation de l’agiotage
, [1788] ; 30 pages in-fol. (qqs petits manques par corrosion d’encre).
3.000/4.000
Manuscrit du célèbre ouvrage de Mirabeau,
S
uite
de
la
D
énonciation
de
l
agiotage
, paru au début de juillet 1788,
incomplet de la fin. Mirabeau y dénonce les privilèges exclusifs et l’agiotage, et s’attaque en particulier à la Compagnie royale
d’assurances sur la vie, défendant par ailleurs la firme concurrente, la Chambre d’accumulation [dans laquelle le banquier Isaac
Panchaud, fondateur de la Caisse d’escompte, avait des intérêts].
Le manuscrit comprend l’avant-propos et les chapitres I à VII (pages 1-62 de l’imprimé) ; il manque la fin du chapitre VII
et le chapitre VIII (pages 63-81). Le manuscrit est écrit par un secrétaire (probablement De Bourges) sur la moitié droite des
pages, la moitié gauche présentant des modifications et d’importantes additions, dont plusieurs sont autographes. Ainsi corrigé
et augmenté, le texte sera reproduit avec seulement de légères variantes dans la version imprimée.
Dans un avant-propos, Mirabeau expose le but de son travail : « Quand je me suis imposé le devoir de m’instruire de ces
funestes secrets de banque, de finance et d’agiotage que tant de bons citoyens se font un point d’honneur d’ignorer, certes, je
n’avois pas un attrait naturel pour ce genre d’étude. Mais le délire de l’avarice tourmentoit les esprits. L’introduction des hauts
dividendes dans le régime de la caisse d’escompte, systématiquement liée avec tous les agioteurs soit nationaux, soit étrangers ;
la dangereuse prépondérance de cette compagnie colossale qui viciée jusque dans ses principes pouvoit décourager toutes les
industries honnêtes et productives et dépouiller la France d’une importante partie de son numéraire, enfin le rétablissement
de la Compagnie des Indes nous menaçoient des mêmes excès qui avoient troublé la France, lors de la création de la Banque
de Law et de la Compagnie du Mississipi »… Etc. Suivent les chapitres : I, De la Compagnie d’assurances sur la vie ; II, De la
Chambre d’accumulation ; III, Objections de la Compagnie d’assurances sur la vie humaine contre la Chambre d’accumulation ;
IV, Parallèle des deux Compagnies ; V, Des privilèges exclusifs ; VI, Observations faites par la Compagnie d’assurances, sur son
privilège exclusif – Réfutation des observations ; VII (mal chiffré VI sur le manuscrit), Moyens de réprimer l’agiotage (la fin
manque, ainsi que le chap. VIII, Remède général aux maux de l’État).
On reconnaît la main de Mirabeau, outre des corrections, dans les interlignes du premier développement marginal, dénonçant
la caisse d’escompte « systématiquement liée avec tous les agioteurs soit nationaux, soit étrangers ». Citons aussi cette addition
autographe de la page 1 (p. 4 de l’imprimé) : « quand ce ne seroit pas une grande et salutaire leçon que la chute de ces fortunes
du jeu, de ces trésors d’un jour si soudainement acquis, si hâtivement dissipés ; quand il ne seroit pas profondément utile que
l’évènement eut rendu notoire à tous, incontestable pour tous qu’au sein de l’agiotage il n’est de profit que pour les usuriers
qui prêtent aux joueurs, pour les courtiers qui ramassent l’argent des cartes et les vils objets de la corruption qu’enfante, que
nourrit, que soudoye, que multiplie l’ivresse d’un gain subit », etc. De même, page 2 (p. 5-6 de l’imprimé), cet ajout : « Mais
en épargnant les personnes, je dois dévoiler les choses ; en taisant le nom des conspirateurs, je dois éventer leurs complots. Je
dois poursuivre l’agiotage »… On relève aussi un développement autographe page 27, vers la fin du chapitre v (p. 55-56 de
l’imprimé), où Mirabeau explique sa décision de nommer la Compagnie royale d’assurances : on eût pu le trouver suspect, « car
c’est là leur logique ; comme si je devrois m’abstenir de dire la vérité parce qu’elle est utile à ce qui m’est cher ! Ou que je ne
pusse pas m’honorer de rencontrer toujours les intérêts de mes amis sur le chemin de la justice, de la vérité, du bien public !
Mais enfin j’ai du par ménagement pour les esprits superficiels ou crédules », examiner minutieusement la question…
Reproduction page précédente
314.
Honoré-Gabriel de Riquetti, comte de MIRABEAU
. Manuscrit avec corrections autographes,
De la
Chambre d’accumulation comparée à la Compagnie d’assurances sur la vie
, [1788 ?] ; cahier in-fol. de 9 pages et
quart (cote d’inventaire, légère salissure au bord de la première page).
1.500/2.000
Intéressant document probablement utilisé par Mirabeau pour la rédaction de sa
S
uite
de
la
D
énonciation
de
l
agiotage
(1788), où Mirabeau oppose l’un à l’autre ces deux organismes. Cette note, comme la
Suite
, est favorable à la
Chambre d’accumulation.
Le manuscrit est très soigné, d’une écriture fort lisible. Parmi les modifications et corrections apportées à ce manuscrit, on en
relève une quinzaine de la main de Mirabeau dans les interlignes, par exemple le remplacement de « demande » par « desire »,
et l’insertion de la mention « la liberté » (p. 1) ; l’ajout, ensuite rayé, de « si l’on veut subtiliser », et celui de « S’il n’a pas