Page 11 - cat-vent_rossini8-06-2012

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autres, tu montres le Christ aux peuples). La première apparition connue de ce chant date de la décennie
1420
, quand le
compositeur Jean de Limbourg, appelé aussi Jean Vinandi, actif à Padoue et à Vicence, en fit un motet polyphonique.
Or, ce manuscrit est indubitablement antérieur : c’est vers le milieu du XIV
e
siècle, vraisemblablement à Bologne, qu’il fut
enluminé. L’équilibre des coloris de la grande initiale et de ses antennes marginales, atténuant l’opposition entre l’or, les
bleus et les rouges éclatants par des gris, des jaunes et des blancs mats, sont particulièrement caractéristiques. C’est aussi
le cas des procédés suggérant l’imbrication spatiale des volumes et des plans, comme la barre du
A
s’accrochant à la lettre
par un nœud et réapparaissant derrière l’autre montant du
A
par un enveloppement d’acanthes, ou l’usage de filigranes
blancs pour donner de l’épaisseur aux aplats colorés, ou encore le contour capricieux de l’antenne peinte dans la marge
inférieure. Mais l’enlumineur de cette page se distingue de la production bolonaise courante par l’interprétation personnelle
et virtuose qu’il sait en tirer, notamment par la stylisation des acanthes, traitées comme un lambrequin multicolore, ou en
doublant celle placée dans la marge inférieure par une langue bleue filigranée de blanc.
Sa représentation de saint Jean Baptiste dans le désert montrant le Christ dans un nimbe doré est classique et, concernant
le vêtement en poils de chameau qu’il lui fait porter, conforme au premier chapitre de l’évangile de Marc. Il est plus
surprenant de voir le saint représenté une seconde fois sur la même page dans la petite initiale
O
. Identifiable grâce à
l’Agneau pascal qu’il désigne, Jean Baptiste est figuré imberbe et curieusement vêtu d’une tunique partie blanc et vert,
coticée en barre de filets fleuronnés d’or brochant sur le tout, et d’une cape fascée de rouge et de bleu. Difficile d’expliquer
le raffinement insolite de cet accoutrement : l’artiste se serait-il appliqué à vêtir le saint patron d’une église ou d’une ville
avec les couleurs emblématiques du lieu ou les armoiries du commanditaire ? Le seul indice qu’il ait laissé sur cette page
est la représentation au pied de saint Jean Baptiste au désert d’une dominicaine en prière, reconnaissable à sa robe blanche
couverte d’une chape noire. C’est sans doute dans un couvent de dominicaines en Italie du Nord qu’il faudra chercher
l’origine de la composition liturgique
O Baptista mirabilis
et les allusions emblématiques ou héraldiques qui ont pu
procurer au saint la mise bariolée qui contraste tant avec son traditionnel cilice.
Partie peinte frottée, léger manque de peau.
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