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HUYSMANS
Joris-Karl.
Lettre autographe signée. Sans date ; 4 pages in-16.
« L’abbé Dufour est un animal peccamineux, excitant aux fautes de représailles. J’ai justement une occasion de lui
flanquer une bonne roulée par interview écrite et il m’a fallu m’injurier moi-même, évoquer la vision d’humilité du cloître pour
résister à la tentation et ne rien faire. C’est égal, c’est dur pour un homme qui croyait si bien, autrefois — les peintres en ont
su quelque chose ! et ils valaient mieux que celui-là ! Enfin laissons cet abbé — ce qui vaut mieux que les gens à joues bleues
du midi, c’est pour l’instant le soleil de ces régions. Vous l’avez et je l’aime, pour cela, cet astre si dénigré — mais je ne serai
vraiment content que lorsque je saurai M. Vigouroux arrivé auprès de vous. Il vous tonifiera mieux que tous les polypharmacons
des médicastres.
[…]
En fait de médecin, ayant passé d’assez lamentables jours, depuis votre départ, avec repris d’influenza,
rhumatisme voyageur et ventre en rage ! J’ai vu un prince scientifique, le grand Lama des maladies l’estomac, à Vichy. Il m’a
déclaré que ce n’était rien (!!) tous me le disent, mais aucun ne me soulage — et il m’a ordonné de la soupe, ce que tous les autres
interdisent, interdit le pain ! et mis à l’eau pure. Ah ça mais, voyons, le froment et le vin ont été faits pour le Seigneur, comme
nourriture principale de l’être humain ! — Celui-la me fait aller contre les préceptes divins.
[…]
Je suis assez détraqué et je
commence à me traîner jusqu’à N. D des Victoires, non plus pour rien demander — puisqu’on n’obtient rien — mais pour
me plaindre.
[…]
Moi, savez-vous, je commence à être frappé d’une chose. Toutes les fois que je réclame une réponse pour la
question du cloître — paff ! — j’ai l’estomac en bringues — et j’ai peur que ce ne soient de trop réelles réponses, celles-là — car
vraiment si ça continue de la sorte, je serai absolument incapable de supporter n’importe quel régime monastique. »
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HUYSMANS
Joris-Karl.
Lettre autographe signée. Paris, le 15 janvier 1897 ; 2 pages 1/2 in-16.
« En fait de nouvelles, celles que j’ai reçues de la pauvre Alice sont peu consolantes. Elle se dit sous la menace d’une
affection nerveuse et comme Coco ne se remonte pas, elle parle de l’emmener dans une maison de santé
[…]
. Je viens de voir
quelque chose de bien intéressant. le vitrail de la grande fenêtre du milieu du porche royal de Chartres. Il a été amené à Paris
pour réparation et j’ai pu le palper et l’examiner à mon aise, en cette occasion unique. C’est très déconcertant vu de près et l’on
admire la science d’optique de ces gens du 12e siècle, qui avec rien du tout de près, obtenaient des effets extraordinaires de loin. »
600 / 700
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AUTOGRAPHES et MANUSCRITS
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HUYSMANS
Joris-Karl.
Lettre autographe signée. 10 octobre 1896 ; 4 pages in-4°.
« L’idée d’un ciel intolérablement bleu, d’un soleil de fournaise et des moustiques, agit sur moi, comme un réactif et me
guérit. J’ouvre les fenêtres pour m’assurer que mon firmament est discrètement gris et que l’air est frais et qu’aucune bestiole ne
s’apprête à endommager ma peau. Et cette constatation me rajeunit. Enfin, le soleil a du bon, et, vous guérissant, mérite que je ne
vitupère plus. Maintenant qu’il ne sert même plus aux opérations photographiques, il faut bien qu’il reste encore bon à quelque
chose ! et ce quelque chose est singulièrement précieux quand c’est la santé.
[…]
J’ai terminé complètement l’hallali des chapeaux de
Chartres. Je pense que ce chapitre vous amusera, me voici au plus dur, aux portails. En lisant cette église, on s’aperçoit que le texte
est plein de répétitions, disposé de façon peu cohérente. Il va falloir expliquer tout cela.
[…]
Avec cela, les grandes statues du porche
Royal représentent on ne sait qui. Les opinions de
Bulteau sont stupides. La délicieuse Reine qui rit près
de la porte, serait Berthe aux grands pieds. Ce n’est
pas possible, puisque celle-là n’était plus une sainte et
que la statue a une auréole. Et ainsi de suite !
[…]
Je pense que Solesmes va se réjouir. Je lui ai annoncé
le retrait définitif de sa maréchaussée pour le 29.
[…]
Ils vont donc être libérés pour la fin de l’année
sauf contre-ordres qui me font trembler. Je ne serai
vraiment tranquille que lorsque les gendarmes auront
déguerpi.
[…]
Descaves que j’ai vu m’annonce que
l’Écho de Paris est résolu à tenter une démarche et
à mettre n’importe quel prix, à la possession de mon
roman. Je refuserai bien entendu de mettre la Mère
de Chartres dans le rez de chaussée de ce journal. »
1200 / 1500