Lot n° 81
Sélection Bibliorare

ANTOINE DE SAINT EXUPÉRY (1900-1944) - « Au centre du désert » : manuscrit autographe, abondamment raturé et corrigé. [Janvier 1936]. 55 p. sur 62 feuillets in-4 (27,7 x 21 cm) de papier fin « Extra Strong » (les f. 12, 24, 45 et 58...

Estimation : 180 000 / 250 000 €
Adjudication : Invendu
Description
blancs), encre bistre, crayon noir et bleu, foliotation partielle autographe, foliotation postérieure au crayon noir (1-62), reliure bradel vélin ivoire, titre en long sur le dos (reliure moderne).
▬► TRÈS PRÉCIEUX BROUILLON AUTOGRAPHE DU CHAPITRE VII DE TERRE DES HOMMES.

Le chapitre VII de Terre des hommes, intitulé « Au centre du désert », est à la fois un magnifique témoignage de Saint Exupéry sur un épisode décisif de sa vie de pilote et l’un des plus beaux passages de l’œuvre de cet écrivain hors norme.

Le manuscrit exceptionnel que nous présentons, très travaillé, est donc d’une grande portée historique et littéraire. Il correspond en effet, à quelques variantes près, aux 6 articles sur son récent accident d’avion dans le désert libyen que Saint Exupéry publia en exclusivité dans L’Intransigeant, du 30 janvier au 4 février 1936. C’est ce récit intense qui sera amplement remanié pour former le septième chapitre de Terre des hommes.

« Saint-Exupéry voulait battre le record d’André Japy sur Paris-Saïgon avant le 31 décembre 1935, date limite pour la prime accordée au vainqueur. Il disposait d’un avion tout neuf, un Simoun équipé d’un moteur Renault de 180 chevaux, sur lequel il venait de faire, sans un incident, 11 000 kilomètres autour de la Méditerranée. Ayant alors de graves ennuis d’argent, il se décide le samedi 28 décembre après avoir consulté, à la météo, André Viaud qui avait établi la protection de tous les grands raids de l’époque, et demandé à son ami Jean Lucas de lui préparer les cartes du raid. […] À 7 h 7, Saint-Exupéry, accompagné de son mécanicien Prévot, quitte Le Bourget. Malgré un arrêt forcé à Marseille, pour réparer un réservoir qui fuit, il n’avait mis que 19 h 38 pour franchir 3 700 kilomètres. Il avait donc toutes chances de battre le record Paris-Saïgon (Japy avait mis 21 h 40 pour couvrir la même distance). C’est à 200 kilomètres du Caire que s’interrompt brusquement, dans le désert cyrénéen, le vol si bien commencé. » (Œuvres complètes, I, Bibliothèque de la Pléiade, 2009, p. 1046).

S’ensuit une errance de trois jours et quatre nuits dans le désert, ponctuée d’hallucinations, torturée par la faim et la soif sous la brûlure du soleil… Elle s’achève providentiellement par la rencontre inespérée d’un Bédouin qui sauve le pilote et son mécanicien en leur donnant à boire (« L’eau ! Eau tu n’as ni goût ni couleur et tu es cependant la plus grande richesse qui soit au monde. Mais tu es aussi la plus délicate, toi si pure au ventre de la terre. », f. 61).

Outre la survie, ce sauvetage miraculeux offrit à Saint Exupéry quelques-unes de ses plus belles lignes : « Quant à toi qui nous sauves, Bédouin de Lybie, tu t’effaceras cependant à jamais de ma mémoire. Je ne me souviendrai jamais de ton visage. Tu es l’Homme et tu m’apparais avec le visage de tous les hommes à la fois. Tu ne nous as jamais dévisagés et déjà tu nous as reconnus. Tu es le frère bien-aimé. Et, à mon tour, je te reconnaîtrai dans tous les hommes. » (Ibid., p. 268).

PROVENANCE :
• René Delange, ami et biographe de Saint Exupéry, rédacteur en chef de L’Intransigeant ;
vente anonyme à Paris, le 17 juin 2009, lot 80

EXPOSITION :
• Antoine de Saint-Exupéry : exposition organisée pour le dixième anniversaire de sa mort, Paris, Bibliothèque nationale, 1954, n° 86

Quelques déchirures et pliures marginales ; dernier f. déchiré et restauré anciennement par doublage ; reliure légèrement salie et frottée.
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