Lot n° 4

APOLLINAIRE (Guillaume) — LETTRE AUTOGRAPHE À LOUISE DE COLIGNY-CHÂTILLON (LOU), signée Gui, datée 8 avril 1915, 4 pages in-12 (180 x 135 mm) à l'encre brune sur papier bleu, sous chemise demi-maroquin noir moderne.

Estimation : 15 000 - 20 000 €
Adjudication : Invendu
Description
UNE DES TOUTES PREMIÈRES LETTRES DU FRONT (LA 4e), AVEC QUELQUES PASSAGES TRÈS LIBRES. APOLLINAIRE Y DÉCOUVRE LA VIE DES TRANCHÉES: LA VOIX DES OBUS EST UN VÉRITABLE MIAULEMENT, ILS MIAULENT COMME DES CHATS AMOUREUX.

Arrivé le 6 avril, Apollinaire lui écrit le 8 cette lettre alternant images du front, certaines très poétiques, et souvenirs souvent très libres de leur amour passé. Toutou, son rival et amant régulier de Lou, y est souvent évoqué. Adressée au Ptit Lou, elle porte une annotation au crayon à papier censurant un passage érotique.
Dès le début, Apollinaire adopte un ton très intime. À propos de confidences que Lou lui avait faites peu avant à Marseille sur SES HABITUDES SOLITAIRES, il recopie un long passage d'un dictionnaire médical: Hypertrophie des petites lèvres.
- Sous l'influence d'attouchements répétés... les petites lèvres ou nymphes peuvent acquérir un développement exagéré et faire saillie en dehors de l'orifice des grandes lèvres ou fente vulvaire. Cette hypertrophie occasionne une grande gêne dans la marche. Il indique comment y remédier par une petite opération sans danger [...] En affrontant avec des serres fines ou des points de suture les bords de la muqueuse, il ne se produit pas d'hémorragie et on obtient une guérison rapide.
NOUVELLES DES TRANCHÉES: on vit sous terre. C'est curieux. Mais tout ça manque évidemment de femmes et Toutou est un type rudement heureux de t'avoir eue là-bas [...] La vie est dure [...] C'est une vie grandiose qui ne va pas sans une mélancolie lyrique extraordinaire. Il pense à elle et a donné son nom à une étoile qu'il contemple la nuit. Revenant aux habitudes solitaires, il lui fait cette singulière prière: Je crois bien qu'il faudra en arriver à menotte. Ecris-moi des lettres qui au moins autorisent cette suprême ressource [...] Tu seras rudement gentille si tu fais ça. Enfin, on verra et peut-être même arriverai-je à une chasteté parfaite en ton honneur, ô petit Lou adoré.

Il se console par certains SOUVENIRS EXTRÊMEMENT LIBRES, VOLONTIERS SADIQUES, et qu'il détaille : Mais quels beaux souvenirs j'ai de toi à Grasse, quand je te tenais sur le canapé, comme un petit garçon que l'on va fouetter, t'avais peur de [coups] cinglants... je t'ai forcée à tenir les fesses hautes, tes grosses fesses merveilleuses, hautes sous la lumière et la schlague commença, tu te tordais, ouvrant et refermant ton petit derrière [...] Et à Nîmes, quand je t'ai prise entièrement là où tu ne voulais pas avant, te souviens-tu. Je t'ai eue vaincue, complètement vaincue et t'aurai encore... Et puis au fond tu es pure, petite Démone-Ange-Enfant que j'adore, singulier mélange de La-plus-grande-joie et de La-plus-triste-vie.

TRANSFIGURATION DU SPECTACLE DE LA GUERRE: Mon Lou, la voix des obus est un véritable miaulement, ils miaulent comme des chats amoureux. C'est fantastique. Après une anecdote sur un curé, il évoque un petit voyage en auto avec elle qui n'a jamais eu lieu mais ainsi il lui indique où il se trouve et termine : Mon petit Lou, au revoir, je t'écrirai demain: me suis plus déshabillé depuis départ de Nîmes, essayerai de le faire ce soir, mais je me demande si je ne gèlerai point [...].

Lettres à Lou, éd. M. Décaudin, lettre n° 117 — Correspondance générale, édition de V. Martin-Schmets. t. 2, 1915, n° 838, p. 288-290.
Tache d'encre rouge p. 2.
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