Lot n° 6

APOLLINAIRE (Guillaume) — LETTRE AUTOGRAPHE LOUISE DE COLIGNY-CHÂTILLON (LOU), signée deux fois Gui, à Mon petit amour, datée 9 avril 1915, 4 pages sur un bifeuillet in-12 (182 x 140 mm) à l'encre brune, sous chemise demi-maroquin noir moderne.

Estimation : 10 000 - 12 000 €
Adjudication : 10 000 €
Description
DESCRIPTION DE LA TRANCHÉE ET TESTAMENT D'APOLLINAIRE EN FAVEUR DE LOU.
Il y évoque ses droits sur Alcools, Le Poète assassiné, L'Hérésiarque, Les Diables amoureux et Les trois Don Juan.

Lettre écrite le lendemain de la précédente, la guerre fait rage, ils ont reçu trente obus mais un peu trop longs ce qui fait que nous n'avons rien eu. D'ailleurs les obus éclataient mal. Il vante le courage de sa batterie et envoie deux dessins de sa cabane [non joints à cette lettre]: Je suis dans une cabane en roseaux [...] On ne regrette et souhaite ici qu'une chose: la FEMME, la phâme, ça nous affame et Dieu sait si souvent la femme est infâme. Pour le reste c'est l'enthousiasme, le patriotisme simple et parfait et je crois que ma batterie est une des plus braves de l'armée française [...]

Cette forêt est émouvante. Elle contient le patriotisme, l'amour profond et désespéré. Chaque branche défeuillée est un voeu de bonheur, un voeu timide pour soi, un voeu de bonheur ardent pour les autres, surtout pour l'autre, celle qu'on aime. Nos officiers sont gentils.
Puis il lui annonce: J'ai fait mon testament en ta faveur, en cas d'accident quelconque. Hélas: Il n'y a pour le moment [...] que des tableaux. Tu n'as vu aucun tableau de valeur, ils sont tous cachés avec ma collection de statues africaines. Il y a ma bibliothèque et mes livres qui en temps de paix rapportent de 3 à 4 mille francs par an. Tout ça n'est pas grand-chose et pardonne-moi de n'avoir pas plus à te laisser. En cas d'accident, qu'elle prévienne L'Intransigeant et le Mercure de France: Ma mère serait prévenue car j'ai donné son nom avec le tien.

AU SUJET DE SES LIVRES : Si je mourais, n'oublie pas surtout les droits d'auteur sur Alcools. Je ne les ai pas touchés, et pas fait de traité, par conséquent c'est un livre qui est entièrement à moi. Tu ferais aussitôt un traité avec le Mercure selon les habitudes de la maison. C'est un livre qui seul dans 4 ou 5 ans rapportera dans les deux mille francs par an et plus tard il peut rapporter plus encore. Quant au Poète assassiné: Il faut faire un traité, 50 centimes par volume comme droits d'auteur pr. le 1er. mille [...] Pour l'Hérésiarque il y a 2 ans que je n'ai pas fait de compte avec Stock son éditeur. Il faudra voir ce que j'ai à y toucher [...] Il y a aussi au Mercure: les Diables amoureux [ne sera publié qu'en 1964] faire un traité comme pr. le Poète assassiné... Il y a encore un livre tout prêt à paraître [...] Les 3 Don Juan. En post-scriptum, il ajoute tristement: Tout ceci [ne] t'intéressera pas en ce moment que je suis encore en vie. Mais si je meurs, relis cette lettre avec attention, d'ailleurs j'espère que Toutou sera là pour s'occuper de tout cela à ta place.

Un an plus tard, le 14 mars 1916, Apollinaire adressera une lettre testamentaire analogue à Madeleine Pagès, son nouvel amour.

Lettres à Lou, éd. M. Décaudin, lettre n° 119 — Correspondance générale, édition de V. Martin-Schmets. t. 2, 1915, n° 838, p. 288-290.

Deux restaurations à l'adhésif et une infime déchirure sans manque.
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