Lot n° 5
Sélection Bibliorare

APOLLINAIRE Guillaume - Lettre autographe signée. «Aux Armées, le 27 août 1915» ; 8 pages grand in-8°.

Estimation : 8 000 - 10 000 €
Adjudication : Invendu
Description
► Extraordinaire et très longue lettre sur la guerre :

«Je suis maintenant Maréchal des logis. Votre lettre m'a fait un très grand plaisir.
Je vous demande pardon, mais je crois qu'ont peut bien savoir des choses sur la guerre avec les éléments que je possède et même ceux qui sont à votre disposition.
Vous pourrez demander aux Mortier si quelque chose m'a été caché par avance et ce qui à Nice a le plus étonné Alfred Mortier et même Aurel, c'est que sachant les choses de ce temps là, je me fusse engagé. J'ai toujours estimé qu'avec un tout petit effort de rien du tout, tout devait finir et magnifiquement mais cet effort sur soi-même et sur le reste qui peut se flatter en France de l'avoir fait Personne, ni les décorés, ni les braves, ni les embusqués ni même les morts.
[...]
Notez que cet effort pourrait encore être fait mais que trop de vos confrères qui devraient se contenter de défendre la veuve et l'orphelin (et pensez s'il y aurait du travail) jouent dans les postes les plus élevés le rôle de guerriers in partibus sans profit aucun pour nous. [...]
En tout cas, il faut que tout le monde collabore, non pas à cette victoire certaine et lointaine à l'infini des programmes officiels des alliés mais à la victoire très rapide qui est possible si on veut bien se servir des bonnes volontés, si on veut mettre les gens à leur place. Cette victoire là n'est possible qu'aux Français; et qui sait peut-être même se fera-t-elle malgré eux et mystiquement comme aux temps admirables de Jeanne d'Arc.»
Il demande à son correspondant de se rendre à la Mairie de Nîmes pour savoir si sa demande de naturalisation a été satisfaite. «Je peux être tué d'un moment à l'autre et ce me serait une grande satisfaction d'être Français si je mourrais pour la France. [...]
Pour ce qui est de la guerre, je ne me suis pas ennuyé une minute depuis que je suis sur le front. Je me suis fait très vite à la vie des camps comme on disait. Il y a cinq mois que je n'ai plus couché dans une maison ni dans un lit et je me suis vite habitué ayant le 1er jour de mon arrivée rien [que] 174 obus autour de moi. Le lendemain un obus de 120 autrichien a éclaté dans une chambre où je buvais du champagne, peu de temps après le 14 avril un 88 autrichien a éclaté à moins de 4 mètres de moi. [...]
J'habite maintenant une cagnat en gazon, il y a peu de jours, j'étais dans un trou profond de 2 mètres sous terre et recouvert de rondins. Un est tombé sur ma cagnat et bien d'autres choses. Il y a 2 mois, j'ai été arrosé par les balles [...].

À cette école on s'habitue bien à la guerre.»
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