Lot n° 410
Sélection Bibliorare

BAUDELAIRE Charles (1821-1867). L.A.S. « Charles », [Paris] 29 mars 1862, à sa mère, Mme Caroline AUPICK ; 6 pages in-8 remplies d’une écriture serrée.

Estimation : 8 000 - 10 000 €
Adjudication : Invendu
Description
Belle et longue lettre à sa mère.

Baudelaire demande à sa mère de lui avancer de l’argent avant que paraissent ses articles sur L’Esprit et le style de M. Villemain (restés à l’état de projet), pour payer son maître d’hôtel.

« Je t’assure qu’il n’y a pas de désordre dans ma vie. L’ordre y prend chaque jour un peu plus de place. Je suis triste, résigné à tout, même à souffrir jusqu’à la fin de ma vie, résigné au conseil judiciaire et décidé à faire simplement tout ce que je dois faire pour le faire détruire. – Je vais avoir quatre vol. à publier cette année. Je parierais que ces quatre vol. passeront inaperçus. On ne me rend pas justice. [...]
Les Poëmes en prose passeront aussi à la Presse. 1 000 francs ! mais, hélas ! ce n’est pas fini. Les Dandies littéraires passeront à la Presse. Peut-être aussi les Peintres philosophes. Il faut rester à Paris pour finir tout cela. Et puis pour conclure. Je crois qu’Hetzel m’achètera la réimpression, en volume, des Poëmes en prose.
L’argent de tout cela est distribué à l’avance.
J’ai encore deux autres ressources, mais moins sûres que le travail. Comme il faut des années de fatigue et de châtiment pour apprendre les vérités les plus simples, par exemple que le travail, cette chose si désagréable, est l’unique manière de ne pas souffrir, ou de moins souffrir de la vie ! »...

Baudelaire parle alors de FLAUBERT qui termine Salammbô :
« Dernièrement j’ai lu chez Flaubert quelques chapitres de son prochain roman ; c’est admirable ; j’en ai éprouvé un sentiment d’envie fortifiante. HUGO va publier ses Misérables, roman en dix vol. Raison de plus pour que mes pauvres volumes, Eureka, Poëmes en prose et Réflexions sur mes contemporains ne soient pas vus.
Avoir plus de quarante ans, payer mes dettes et faire fortune par la littérature, dans un pays qui n’aime que les vaudevilles et la danse ! quelle atroce destinée ! ».
Baudelaire reste encore à Paris pour finir ses « recherches sur les peintres et les graveurs », mais il espère, à Honfleur, « trouver, inventer des formes nouvelles pour des ouvrages de pure imagination »...
Il enverra avant son arrivée à Honfleur « une nouvelle caisse de tableaux et de gravures (c’est mon seul amusement) ».
Il ajoute qu’il attend « depuis 17 semaines » les épreuves de son article pour L’Illustration : « Je suis désolé d’avoir donné ce travail important à un journal à images. On ne lit pas ces journaux-là. Mais dans ce moment-là, je ne savais où me fourrer ». Et il craint d’avoir bientôt « des manuscrits dans 5 ou 6 endroits », qui risquent d’être retardés par la discussion du Budget...

Correspondance (éd. Claude Pichois), Bibl. de la Pléiade, t. II, p. 236.

• Anciennes collections Armand GODOY (1982, n° 159),
puis
• Daniel SICKLES (IV, 1039).
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