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Lot n° 189

BECKFORD, William. Vathek. Lausanne, Isaac Hignou & Comp., 1787 [recte 1786].

Estimation : 4 000 / 6 000 €
Adjudication : 27 320 €
Description
In-8 (195 x 115 mm) de IV, 204 pp. : demi-maroquin rouge à coins, dos lisse orné, pièce de titre de maroquin vert, non rogné (reliure moderne).

ÉDITION ORIGINALE tirée à 500 exemplaires aux frais de l’auteur : exemplaire de première émission.

Paru à Lausanne en novembre 1786, le conte oriental et philosophique a été rédigé directement en français par le richissime et excentrique William Beckford (1760-1844). Mis au ban de la société dans sa patrie, il était alors établi en Suisse, près de Vevey, pour tenter de faire oublier ses frasques.

L’alliance de l’esprit voltairien des Lumières et des noirceurs du romantisme gothique.

Silvio Corsini marque combien la destinée du personnage fut fascinante, se situant aux confins de deux mondes, celui des Philosophes et celui des Romantiques, entre lesquels il joua un rôle de passeur.
Le récit de Vathek, calife débauché, est celui d’un pacte avec le diable suivi d’une inexorable descente aux enfers, non sans résonance avec la fête orgiaque que Beckford avait organisée dans sa propriété de Fonthill lorsqu’il atteignit sa majorité en 1781. Le calife qui a fait édifier un palais pour chacun de ses cinq sens, c’est le jeune révolté lui-même, accusé en Angleterre de sorcellerie et de sodomie. Les éléments du roman gothique fourmillent : démons, goules, palais souterrains hantés et “mille raretés
horribles”, exprimés sur un ton parfaitement enjoué. Alain Morvan souligne que le roman est “à plus d’un titre, proche du conte “philosophique”, avec ses allures d’initiation à rebours, même si le châtiment final qui s’abat sur les pécheurs n’a rien de convaincant, l’auteur semblant faire de son mieux pour que la moralité du récit sonne faux.”
Œuvre stupéfiante, tour à tour sensuelle, fantastique, burlesque, d’une ironie noire. Mallarmé la ressuscita en 1876 en la dotant d’une préface célèbre ; Byron l’appela sa “bible”, Borges en a vanté la vertigineuse description du Gouffre méphitique.

Bel exemplaire, à toutes marges, d’un livre peu commun.

Jugé toxique, le livre ne se vendit pas en Suisse et la douane française fit arrêter les trois cents exemplaires destinés au marché parisien. Quant aux invendus, ils devaient circuler quatre ans plus tard, sous un titre différent.
Petites rousseurs, et tache brune dans le coin intérieur de la page 149 à la fin. Dos passé.

Corsini, Le Livre à Lausanne. Cinq siècles d’édition et d’imprimerie, 1993, p. 55.- Parreaux, William Beckford, 1960, p. 533. Les exemplaires de seconde émission sont intitulés : Les Caprices et les Malheurs du Calife Wathek (Londres, 1791). Parreaux fait un sort à l’hypothèse selon laquelle l’édition lausannoise serait la rétroversion de la traduction anglaise publiée à l’insu de l’auteur, en 1786.-
Frankenstein et autres romans gothiques, Pléiade, 2014, p. 1272 : notice d’Alain Morvan.
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