Lot n° 783
Sélection Bibliorare

BECQUEREL HENRI (1852-1908) PHYSICIEN. MANUSCRIT autographe signé, Sur le rayonnement de l’Uranium et sur diverses propriétés physiques du rayonnement des corps radio-actifs, [1900] ; 26 pages in-fol. sous chemise autographe ; dans une...

Estimation : 15 000 - 20 000 €
Adjudication : 19 500 €
Description
monumentale boîte-étui in-fol. en chagrin noir avec titre en lettres dorées sur le plat sup., l’intérieur en suédine bleu nuit à compartiments sous plexiglas contenant également le tiré à part imprimé, 3 photographies originales et divers objets du laboratoire de Becquerel (Lobstein-Laurenchet).

► Important manuscrit scientifique résumant ses travaux et recherches sur le rayonnement de l’uranium, et la découverte de la radioactivité, parallèlement aux travaux de Pierre et Marie Curie. Il est accompagné de divers objets de laboratoire.
Becquerel a présenté cette communication au Congrès international de Physique de Paris du 6 au 12 août 1900.

♦ Le manucrit a servi pour l’impression dans les Rapports présentés au Congrès international de Physique réuni à Paris en 1900… (tome III, p. 47-78) ; il présente de nombreuses ratures et corrections.

→ En 1903, Henri Becquerel partagera le Prix Nobel de Physique avec Pierre et Marie Curie pour leurs découvertes sur la radioactivité.

L’étude est divisée en 7 parties, suivies de « Conclusions ».

Elle commence (I) par un Historique dont nous citerons le début :
« La découverte du rayonnement spontané de l’Uranium a été une conséquence des idées que fit naître la découverte des rayons X ; on peut en suivre facilement la genèse dans les Comptes Rendus de l’Académie des Sciences pour le premier semestre de l’année 1896 (T. CXXII). Si l’on écarte quelques publications hâtives de M. Le Bon et de M. Ch. Henry, dont les conclusions ne furent pas vérifiées, et qui avaient eu pour point de départ une idée publiée par M. H. Poincaré, la première expérience nette qu’on rencontre dans l’ordre de faits qui nous occupe est due à M. NIEWENGLOWSKI qui le 17 février 1896 montra que certaines préparations phosphorescentes de sulfure de calcium exposées au soleil émettaient des radiations qui traversaient le papier noir. Je reviendrai plus loin sur les effets, encore inexpliqués, que présente ce corps.
De mon côté, depuis le jour où j’avais eu connaissance de la découverte du professeur RÖNTGEN, il m’était également venu à l’idée de rechercher si la propriété d’émettre des rayons très pénétrants n’était pas intimement liée à la phosphorescence. Après divers essais incertains, je constatai qu’un fragment d’un sel d’uranium, le sulfate double d’uranium et de potassium, placé sur une plaque photographique enveloppée de papier noir, et posé soit directement, soit sur une lamelle de verre mince, émettait un rayonnement qui impressionnait la plaque, traversant le papier noir et une lame de cuivre mince ou d’aluminium, corps opaques pour la lumière. Cette observation fut communiquée à l’Académie des Sciences le 24 février 1896. Je pensais alors que l’excitation lumineuse était nécessaire pour provoquer cette émission pénétrante ; quelques jours plus tard, du 27 février au 1er mars, je reconnus que l’émission se produisait spontanément, alors même que le sel d’urane était maintenu à l’abri de l’excitation lumineuse ; le phénomène était entièrement différent de l’émission lumineuse par phosphorescence dont la durée, avec ces corps, est voisine de 0s,01.
Le 2 mars 1896, j’ai exposé à l’Académie des Sciences les conditions dans lesquelles j’avais été amené à faire l’observation de la spontanéité du rayonnement, qui constitue le fait nouveau d’où découlent toutes les études qui vont suivre »…
Il relate alors une expérience faite au début de ses recherches « avec des échantillons de sulfure de calcium », et « divers corps phosphorescents » posés sur une plaque photographique :
« Plusieurs des corps phosphorescents très lumineux, tels qu’un sulfure de calcium orangé, du sulfure de strontium vert et de la blende hexagonale n’avaient rien donné, mais les deux sulfures de calcium bleu et vert avaient produit une impression extrêmement intense. Au milieu de la tache noire correspondant à l’action de chaque substance, on distinguait en clair la trace de la section du tube, et surtout les bords très nets des lamelles de verre : ceux-ci, noirs à l’intérieur et bordés d’une ligne absolument blanche, donnent l’apparence d’une impression produite par des rayons lumineux qui se seraient réfractés et réfléchis totalement sur les bords des lamelles »…

Le chapitre II, Rayonnement de l’Uranium, relate les expériences de Becquerel sur les sels d’uranium et l’uranium métallique qui « émettent un rayonnement qui traverse les corps opaques pour la lumière et impressionne une plaque photographique. Au moment où j’ai observé cette action, j’ai montré également que ce rayonnement déchargeait les corps électrisés ». Il décrit longuement ses expériences par la « méthode photographique », puis par la « méthode électrique ». Il résume ensuite les travaux de divers savants prolongeant ses propres recherches sur les propriétés de l’uranium : lord Kelvin, E. Villari, et surtout RUTHERFORD dont il détaille les découvertes capitales.

Le court chapitre III, Nouveaux corps radio-actifs, souligne l’importance des travaux de Pierre et Marie CURIE sur la découverte du polonium et du radium ; ces derniers ont remis à Becquerel divers produits qui lui ont permis de poursuivre ses recherches, dont « une série d’expériences qui ont montré l’inégalité d’absorption du rayonnement du radium et du polonium (ce dernier rayonnement est arrêté par le papier noir, et très absorbé par une mince lame de mica), puis l’absence de réfraction au travers d’un prisme de verre ou de quartz, de la partie du rayonnement du radium qui a traversé du papier noir ou une feuille d’aluminium, et enfin la production de rayons secondaires lorsque le rayonnement du radium frappe un écran quelconque ; ces rayons secondaires donnent une impression photographique intense dans le voisinage immédiat des points frappés ».

Le chapitre IV est consacré aux Phénomènes de phosphorescence produits par les corps radio-actifs. Grâce à « quelques milligrammes de chlorure de baryum radifère excessivement actif » donnés par les Curie, Becquerel a « pu étudier l’action du rayonnement de cette matière sur diverses substances phosphorescentes, diverses préparations de sulfure de calcium et de strontium très lumineuses, un rubis, un diamant, une variété de spath calcaire manganésifère, divers échantillons de fluorine, et de la blende hexagonale très phosphorescente. J’ai reconnu d’abord que les substances telles que le rubis et le spath calcaire, dont le spectre d’excitation est formé de rayons lumineux, ne devenaient pas phosphorescentes, puis j’ai observé des différences profondes entre l’action du radium et l’action de rayons X émanant d’un tube focus »... Etc.

Le chapitre V étudie la Déviation magnétique d’une partie du rayonnement du radium. Parallèlement aux travaux de chercheurs étrangers (Elster, Giesel, Meyer, von Schweidler), Becquerel a pu montrer « que, si l’on place dans un champ magnétique non uniforme une petite qnantité d’un sel de radium, le rayonnement se concentre sur les pôles. L’observation a été faite successivement avec un écran fluorescent, et par la photographie ». Il a mis en évidence qu’il existe « deux espèces de radiations, les unes déviables et les autres qui ne le sont pas. Toutes les expériences ultérieures vont nous montrer que les premières sont des rayons cathodiques ; la nature des autres nous est encore inconnue. Presque en même temps M. et Mme Curie observaient dans le rayonnement du radium la présence simultanée de rayons déviables et de rayons non déviables ». Becquerel détaille alors ses expériences et les mesures numériques sur les « Trajectoires du rayonnement dans un champ magnétique uniforme », puis sur les « Spectres d’absorption »…

Le chapitre VI, Déviation électrostatique. Identification du rayonnement déviable et des rayons cathodiques, commence ainsi : « Pour achever l’identification du rayonnement déviable du radium et des rayons cathodiques il suffisait de montrer, soit que ce rayonnement transporte des charges électriques négatives, soit qu’il est dévié dans un champ électrostatique ». Becquerel y expose ses expériences « montrant nettement la déviation cherchée et prévue, et permettant de donner une valeur numérique approchée de cette déviation »…

Le dernier chapitre (VII), Sur la transmission du rayonnement au travers des corps, commence ainsi : « Les expériences qui précèdent ont montré que le rayonnement des corps radio-actifs se composait de deux groupes distincts : des rayons non déviables, dont les plus intenses sont très peu pénétrants, et dont d’autres, non déviables également mais très pénétrants, viennent d’être observés par M. Villard ; puis des rayons déviables, identiques aux rayons cathodiques, c’est-à-dire à un flux de matière électrisée négativement, qui traverse les corps, les métaux, le verre, en conservant sa charge comme le ferait un flux de poussières très ténues animées d’une grande vitesse, au travers d’un tamis ou d’un treillage à mailles plus ou moins larges. Dans la transmission du rayonnement déviable, j’ai observé une particularité inattendue, c’est que l’absorption de divers écrans pour des radiations déterminées semble être très différente suivant la distance de l’écran à la source radio-active »...
Becquerel détaille ses expériences, avant d’émettre certaines réserves sur les conclusions tirées par DORN de ses observations…
Viennent les Conclusions. « Ces recherches montrent qu’il existe des corps qui émettent spontanément un rayonnement capable de traverser les corps opaques pour la lumière ; ce rayonnement réduit les sels d’argent, produit diverses actions chimiques et rend les gaz conducteurs par ionisation. Il se compose d’une partie identique aux rayons cathodiques, déviable par un champ magnétique et par un champ électrique, et d’une partie non déviable, dont la nature nous est encore inconnue. On ignore également si les diverses espèces de rayonnement sont simultanées et indépendantes, ou si l’une d’elles provoque les autres, de même que les rayons cathodiques provoquent des rayons X, qui provoquent eux-mêmes des rayons secondaires déviables. On a vu toutefois que l’énergie rayonnée par la partie déviable était tellement faible, que la perte de masse due à la matière transportée (1mg par centimètre carré de surface rayonnante, en un milliard d’années) était inaccessible à nos méthodes expérimentales, et que de ce fait il n’y avait aucune contradiction entre la spontanéité du rayonnement sans cause apparente, et le principe de la conservation de l’énergie. Le phénomène d’émission matérielle pourrait être du même ordre de grandeur que l’évaporation de certaines matières odorantes ».

─ On joint le tiré à part de ce rapport, suivi de celui de Pierre et Marie CURIE, Les nouvelles substances radioactives et les rayons qu’elles émettent (un vol. in-8 cartonnage percaline orange), exemplaire de Becquerel ; ainsi que divers objets utilisés par Becquerel pour ses expériences :
• 5 petites éprouvettes en verre remplies de produits divers ; une pince métallique graduée et deux petites sphères métalliques ;
• 5 boîtes en carton contenant des produits et cristaux divers, certaines avec étiquettes annotées : « uranium », « rubis », « Cornaline, Rubis, Émeraude, Euclase, Boracite » ; un prisme entouré de papier noir ;
• 3 tirages photographiques de rayonnements.
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