Lot n° 589

BELLINI, Vincenzo. Il Pirata. Melodramma posto in musica e ridotto per il Piano Forte da V. Bellini. Paris, Edition Gravée et Imprimée en taille douce par Marquerie Frères, 18 Mai 1840. Grand in-8 (260 x 170 mm) de (4) pp. (titre orné et liste...

Estimation : 10 000 / 15 000 €
Adjudication : 37 596 €
Description
des personnages) et 224 pp. de musique, entièrement gravé :
demi-veau violet, dos lisse orné de filets et rosaces dorées, plats recouverts de papier marbré, gardes et contregardes de papier vélin blanc, tranches mouchetées bleues (reliure de l’époque).

■Belle édition gravée de Il Pirata, offerte à frédéric Chopin par Gioachino Rossini.

Le titre porte cet ex-dono autographe à l’encre bistre :

a Mr. F. Chopin
souvenir de notre
ami V.B.
Passy 1840
►Gioachino Rossini

C’est à la demande de Rossini que Vincenzo Bellini s’était rendu à Paris afin d’y composer
le nouvel opéra commandé par le Théâtre italien, I Puritani, dont la première eut lieu le 24 janvier 1835. Bellini ne survivra que quelques mois au triomphe de son ouvrage : il mourut à Puteaux
le 23 septembre 1835, emporté par un cancer à l’âge de trente-trois ans.

A Paris, Bellini avait rencontré Franz Liszt, et surtout Chopin, qui admirait déjà sa musique
(il connaissait certainement La sonnambula et Norma, et découvrit avec enthousiasme I Puritani). Devenus proches, les deux compositeurs participaient ensemble aux soirées musicales organisées
par la cantatrice Lina Freppa. La mort de Bellini interrompit brutalement cette belle amitié,
mais l’œuvre de Chopin en gardera durablement les traces.

Les Variations en mi majeur, composées en 1837, proviennent en effet d’un air de l'acte II
des Puritani (un hommage à l’ami récemment disparu). Chopin collabora, avec cinq autres compositeurs – Liszt, Pixis, Herz, Thalberg et Czerny – à l’ouvrage collectif intitulé Hexaméron, un cycle de variations sur un thème de Bellini. La musique pour piano de Chopin est d’ailleurs littéralement hantée par Bellini, des mélodies filigranées des Nocturnes, avec cette voix solitaire qui se détache sur l’accompagnement à la main gauche, aux harmonies insouciantes des Impromptus, Valses et autres Ballades. Enfin, nous savons que les notes de Bellini furent les dernières que Chopin écouta, le mourant ayant prié la comtesse Delfina Potocka de lui chanter un air du compositeur italien (voir le n° 588).


►La belle dédicace de Rossini, qui repose comme ses amis Chopin et Bellini au cimetière
du Père Lachaise, rend cet exemplaire particulièrement émouvant.

L’écriture de Rossini, très reconnaissable, est cependant un peu plus serrée et compacte que d’habitude : cela est dû au fait que l’auteur de La Cenerentola avait peu de place pour déployer sa généreuse graphie, coincée comme elle était entre la marge supérieure du feuillet et l’encadrement du titre. Il ne subsiste cependant aucun doute sur l’authenticité de cette inscription autographe, précieux témoignage d’amitié confraternelle.

La reliure de l’ouvrage présente les mêmes caractéristiques que celles recouvrant d’autres volumes de la bibliothèque de Frédéric Chopin conservés à l’Institut Chopin de Varsovie, sur lesquels on retrouve notamment la même police de caractères employée par le doreur pour titrer le dos de cet exemplaire de Il Pirata.

Les modifications apportées à la musique à la page 83 ne sont pas de la main de Chopin.

Des rousseurs ; réparations à quelques feuillets ; les mors de la reliure sont un peu frottés.

▬Provenance :
•Frédéric Chopin (1810-1849), envoi de Rossini. –
•Princesse Nadine Lobanoff de Rostoff, avec sa signature à l’encre noire sur la première garde : personnalité de premier plan de la vie mondaine parisienne au milieu du XIXe siècle, elle était la tante de la Baronne Esperanza de Truchsess-Wetzhausen, grande amie de Louis II de Bavière. –
•Bernard Herrmann (1911-1975), célèbre compositeur de musique de film, collaborateur habituel d’Alfred Hitchcock (notamment pour Psycho,Vertigo, North by Northwest). Une partie de sa bibliothèque a été dispersée en 2009.

Nous remercions le Dr Marta Tabakiernik, de l’Institut Chopin de Varsovie, de l’aide apportée à l’identification de cet exemplaire.
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