Lot n° 2
Sélection Bibliorare

Colette (1873-1954) & Lucie Delarue-Mardrus (1880-1945).lettres autographes de Colette (brouillons), et 3 L.A.S. « Amande » du pseudonyme et surnom de princesse « Amande », à Colette, et L.A.S. et L.A. (minutes) de Colette à elle adressées, [4-5

Estimation : 1 000/1 500
Adjudication : 1 800 €
Description
décembre 1903] ; 5 pages in-1et 5 pages et demie in-8°. CorrespondanCe amoureuse de la « prinCesse amande », témoiGnant dune attiranCe sensuelle à laquelle Colette résiste. L’échange est classé et daté par Willy. [4 décembre 1903] . Colette est désolée de n’avoir pu courir chez sa « chère » comme promis : « la steppe glacée qui sépare Paris de Passy » l’en a empêchée. « Il faudra donc aujourd’hui que je vous invente, que je vous devine, petite Faveur lointaine, accroupie sur son divan, fixant la neige d’un air épouvanté, et frissonnant de l’échine au bruit soyeux de la neige contre les vitres. Je n’entrerai pas chez vous comme une rafale, décoiffée, essoufflée, et criant “mon nez a perdu connaissance !” »… - « Vous me la baillez belle, Kolette-par-un K », répond « Amande » : « Mon œil est parti pour quelques jours, et c’est la première fois que nous nous séparons, et je suis toute seule au fond de ma maison, comme vous m’avez vue en rêve. Alors, vous en profitez pour me lâcher. Ou c’est du parti pris, ou vous allez venir tout de suite. Point besoin de chevaux. Les locomotives ne sont pas encore assez civilisées pour se rebiffer devant la neige. […] Déjà, la gazelle est morte de vous attendre. Aujourd’hui même, la chèvre est partie. Demain, ce sera la Kathèdre qui trépassera. Et ensuite moi. Je vous attends avec impatience, indignation et douceur »… Samedi matin [5 décembre 1903] . « Kolette, je suis fâchée. Je vous ai attendue hier, abandonnée des dieux, des hommes et des femmes. […] Maintenant, je ne suis plus libre avant Lundi 5 heures. Si vous ne venez pas à ce jour et à cet instant, je ne serai plus fâchée, mais triste. Et si vous venez, je vous ferai payer en une fois tous vos crimes, à ma façon. Quant à Kottinet, dites-lui combien sa lettre m’a émue. Désormais, la Kestion Kathèdre ne me kreusera plus le kœur »… - Colette refuse d’obtempérer. « Il n’y a qu’une victoire avec vous, qui est la fuite […]. Parce qu’une ombre à figure de femme reste entre Willy et moi, il y a, de lui à moi, de moi à lui, une espèce de pacte peureux, une promesse que personne n’a faite, dont on ne parle pas… Il sait bien je sais bien, que ma vertu est toute jeune, que mes envies marchent devant moi et qu’il n’y a pas de danger à les suivre, si elles me mènent seulement aux Fontaines-Américaines. Mais je ne saurais, Faveur charmante, présager de vous une telle impunité, - de moi non plus. Il me semble que vous portez une âme conquérante dans un corps pliant d’esclave ; cela est d’une dissonance séduisante ; pareille anomalie fait depuis trop longtemps ma propre misère pour que je vous ne voue pas, tôt ou tard, une inique rancune. […] Je me plais à ce que vous teniez toute désormais dans de beaux vers dans une fleur mouillée dans le pas de velours de ma chatte bleue, dans l’odeur un peu suffocante d’une chambre surchauffée. Il a fallu que je pense beaucoup à vous pour me décider à vous montrer une Colette qui se cache d’habitude si soigneusement »… Samedi. Le mot de Colette est de ceux qu’on relit bien des fois « avant d’en pénétrer tout le roman. Et voici qu’à cause de ce mouvementqui ressemble si peu à vos virevoltes habituelles, il y a comme une intensité très proche entre nous, ou plutôt, comme un souvenir d’intimité très proche. Vous inventez du passé avec ce qui n’a pas été, et vous y mettez un parfum plus troublant encore que celui des choses qui ne sont plus. Je respire dans votre lettre la senteur de ce qui aurait pu être. […] vous êtes la seule qui ayiez su ne pas toucher à ce qui était tentant, ne pas effleurer le duvet du fruit à point, pour le plaisir d’y mordre jusqu’au noyau. Et pourtant, Colette, le fruit serait peut-être si bon à manger ! Ne pourrions-nous le cueillir après l’avoir épargné, dites ? »…
Partager