Lot n° 32
Sélection Bibliorare

[COLONNA (FRANCESCO)]. HYPNEROTOMACHIA POLIPHILI, UBI HUMANA OMNIA NON NISI SOMNIUM ESSE DOCET, ATQUE OBITER PLURIMA SCITU SANE QUAM DIGNA COMMEMORAT.VENISE, ALDE MANUCE, DÉCEMBRE 1499. Petit in-folio, 234 ff.,Collation : π44, a-y8, z10,...

Estimation : 60 000 - 80 000 €
Adjudication : 69 506 €
Description
A-E8, F4 [π4 1, titre ; π4 1v, lettre dédicace de Crasso à Guido, Duc d'Urbino ; π42r, poème à Crasso de Giovanni Battista Scita ; π43, synopses en vers et en prose ; π44v, vers d'Andrea Maro de Brescia ; a1r, second titre ; a2r, livre I ; A1r, livre II ; F3r, colophon ; F3v, épitaphes ; F4r, errata, F4v, blanc), texte sur une colonne (39 lignes), lettres AM corrigés à la main (ligne 5 second titre) (sig. a1r), 172 bois gravés attribués à l'enlumineur padouan Benedetto Bordone.
(Quelques taches éparses, petit trou au feuillet sig. C1, déchirure réparée au feuillet d'errata, quelques lettres restituées).

Reliure de chagrin brun foncé, datable vers 1565-1579 (en raison des dates du Cardinalat de Benedetto Lomelini), reliure à décor doré de filets et petits fers, armoiries surmontées du chapeau cardinalice au centre des plats et inscriptions en lettres capitales avec sur le plat supérieur :
«Suscipe me Domine secundum eloquium tuum et vivam / Benedictus Cardinalis Lomellinus» (Cardinal Benedetto Lomellino) et au plat inférieur :

«Et non confundasme ab expectatione mea / Vincentia Lomellina» (Vicentia Lomellina, nièce du Cardinal Benedetto Lomellino), tranches dorées, dos à 5 nerfs (refait) orné de fleurons et filets dorés (Dorure passée, cette reliure est sans doute un remboitage).
Boite moderne de conservation de cartonnage et toile.
Dimensions: 183 x 274 mm.

ÉDITION ORIGINALE D'«UN DES PLUS BEAUX LIVRES DU MONDE».

L'Hypnerotomachia Poliphili, connu en français comme le Songe de Poliphile, est un curieux roman allégorique, composé en italien dialectal mêlé de latin, de fragments d'hébreu, d'arabe, de grec et de hiéroglyphes prétendument égyptiens.

Ce «combat d'amour en songe» (hypnos (sommeil); eros (amour); maché (combat)) narre le voyage initiatique entrepris en rêve par Poliphile, l'amant éconduit de Polia, jusqu'à Cythère, l'île d'amour.
Le monde merveilleux que traverse le héros au cours de ses tribulations oniriques, jonché de ruines antiques et peuplé d'êtres fabuleux et allégoriques, est méticuleusement décrit par l'auteur, en de longs développements sur l'architecture, l'art des jardins, les oeuvres d'art, les machines et les inscriptions épigraphiques qui eurent une grande influence sur l'art de la Renaissance italienne et française.

Bien que l'ouvrage soit anonyme, on présume traditionnellement que l'auteur a révélé son nom dans le célèbre acrostiche formé par la succession des lettrines :
«Poliam frater Franciscus Columna peramavit».
Pourtant l'identité de ce Francesco Colonna n'est pas unanimement établie.
Certains l'identifient avec un dominicain vénitien mal connu du couvent de San Zanipolo, professeur de grammaire et de théologie à Trévise et Padoue, mais aussi poète.
D'autres auteurs l'identifient avec Francesco Colonna, Seigneur de Palestrina, rejeton d'une puissante famille de la noblesse romaine.

Emanuela Kretzulesco-Quaranta a défendu quant à elle l'idée que l'auteur véritable du Poliphile serait le grand humaniste et architecte Leon Battista Alberti, ami et protégé de la famille Colonna, et que Francesco Colonna aurait veillé après sa mort, survenue en 1472, à la publication de l'ouvrage.
Le Poliphile sera réédité par les fils d'Alde Manuce en 1545 et connaîtra quatre éditions en traduction française, en 1546, 1554, 1561 et 1600, et une en traduction anglaise en 1592.

Chef-d'oeuvre typographique d'Alde l'Ancien, ce précieux incunable compte parmi les plus beaux livres illustrés de la Renaissance.

Imprimé en caractères romains, hormis quelques mots en grec et en hébreu, dans une typographie sobre et remarquablement équilibrée, le volume est orné au fil du texte de quelque cent soixantedouze gravures sur bois, dont onze à pleine page, qui assurent un contrepoint visuel au récit, et d'une série de trente-neuf lettrines décoratives.

Les admirables gravures sur bois «qui font du Songe de Poliphile le chef-d'oeuvre de la xylographie vénitienne et l'encyclopédie de l'ornementation de la Renaissance italienne» (cat. Willems) ont longtemps été attribuées au peintre vénitien Giovanni Bellini ou à d'autres maîtres italiens, tel Andrea Mantegna.
Déjà en 1900, G. Biadego attribuait les bois gravés au peintre de miniatures padouan Benedetto Bordon, une hypothèse désormais largement reprise.
Deux vignettes portent en effet, aux ff. a6 et c1, un petit monogramme b qui pourrait être une signature.

Exemplaire de premier tirage, avec la correction manuscrite requise sur le second titre. Le volume est bien complet des quatre feuillets liminaires et du dernier feuillet, comportant l'errata qui manque à nombre d'exemplaires, et la planche du sacrifice à Priape, souvent mutilée, s'y trouve intacte.
Or, comme le rappelle Sander, «les exemplaires intacts et en parfait état sont rares».

PROVENANCE :
• 1. Reliure aux armes (réalisées ?) du Cardinal Benedetto Lomellini (Gênes, 1517-1579) complété d'une inscription (plat supérieur: «Suscipe me Domine secundum eloquium tuum et vivam / Benedictus Cardinalis Lomellinus») et sans doute dédié à Viventia Lomellina, sa nièce (plat inférieur: «Et non confundasme ab expectatione mea / Vincentia Lomellina»). Il s'agit sans doute d'un remboitage.
•2. Estampille FA (non identifié) dans un cercle au recto de la dernière garde.
•3 Christie's, Londres, vente du 21 novembre 2012, lot. 101.

RÉFÉRENCES ET BIBLIOGRAPHIE :
HC, *5501 - GW, 7223 - BMC, V, 561 - IGI, 3062 - Proctor, 5574 - Goff, C-767 - Essling, 1198 - Sander, 2056 - Pellechet, 3867 - Debure, 3766 - Brunet, IV, 778 - Rahir, 375 - Renouard, pp. 21-22, n°5 - Ahmanson-Murphy, n°35 - Lowry, pp. 129-135 -
•E. Kretzulesco-Quaranta, Les Jardins du songe :
«Poliphile» et la mystique de la Renaissance, Paris, 1986 -
•Lilian Armstrong, «Benedetto Bordon, Aldus Manutius and Lucantonio Giunta :
•Old Links and New», in D. Zeidberg (éd.), Aldus Manutius and Renaissance Culture..., Florence, 1998, pp. 1-183. -
•D. Stichel, «Reading the Hypnerotomachia Poliphili in the Cinquecento, marginal notes in a copy at Modena», Aldus Manutius and Renaissance Culture, Essays in Memory of Franklin D. Murphy, Florence, 1998. -
•Godwin J. ed. Francesco Colonna Hypnerotomachia Poliphili. The Strife of Love in a Dream, London, 1999.
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