Lot n° 446
Sélection Bibliorare

Eugène SUE (1804-1857) romancier. 40 L.A.S. (la plupart du paraphe, une amputée de sa signature), [1844-1857], à Maurice Lachâtre ; 77 pages in-8 ou in-12, nombreuses adresses (2 lacunes).. Belle correspondance littéraire et politique avec...

Estimation : 3 000 / 4 000
Adjudication : 3 840 €
Description
l’éditeur Lachâtre, dont l’Administration de Librairie publia notamment Les Mystères du peuple, « splendide édition » illustrée en 16 volumes (1849-1857), ainsi que des éditions illustrées de gravures sur acier des Mystères de Paris, du Juif errant et des Misères des enfants trouvés. Cette correspondance parle de l’envoi de manuscrits, des prépublications dans la presse, des épreuves, traductions, propositions pour de nouveaux traités, échéances, illustrations, publicité, prospectus et prix, etc. Elle témoigne des principes politiques communs de l’auteur et l’éditeur. Sue fut parrain de la fille aînée de Lachâtre, Amélie, née en 1850. Nous ne pouvons donner qu’un rapide aperçu de cette importante correspondance. .[Paris 21 mars 1844]. « Mr E. Sue n’étant pas quant à présent fixé sur le mode de publication qu’il adoptera pour l’édition du Juif errant, regrette beaucoup de ne pouvoir répondre aux offres que Mr de La Châtre a bien voulu lui faire »… .[Mars 1849 ?]. Remerciement pour l’envoi de La République démocratique et sociale : « je vais lire cet ouvrage avec l’attention qu’il mérite »... En ce qui concerne une édition illustrée des Mystères de Paris, il a pensé à « une combinaison » : « mes œuvres complettes n’ont jamais été illustrées, et le succès de La Comédie humaine de Balzac (illustrée), me fait penser que peut-être une édition pareille de mes ouvrages publiée avec le soin et la rare capacité qui ont présidé à toutes vos publications aurait quelque chance de réussite. Je rentre en possession de mes œuvres complettes l’année prochaine »… Il parle de son dernier traité avec Gosselin, et renvoie à M. Masset (maison Troupenas) pour ses affaires de librairie… [Août]. Promesse de l’envoi de son premier volume, avec proposition de titre : « Histoire du peuple depuis 2,000 ans ou Mr et Made Lebrenne marchands de toile rue St Denis »… Il donne un exemple de sommaire d’un chapitre, et dresse le plan schématique des époques de la fiction, assurant que l’ouvrage sera « historiquement très sérieusement appuyé »… Aux Bordes 2 octobre. Proposition de donner son premier volume gratis à plusieurs journaux socialistes, à la condition de l’imprimer simultanément, et aussi d’un autre titre qu’il préfère de beaucoup à celui des Mystères, auquel il ne peut se faire : « Ce serait Les Martyrs du Peuple ou la Famille Lebrenn »… Considérations sur l’attrait que cela aurait pour les lectrices, en particulier, et sur le rythme de production. « Une fois le lecteur en train, il faudra bien qu’il marche marche comme le juif errant – surtout lorsque vous le pousserez avec votre merveilleuse intelligence »…– Il craint que l’idée de donner gratis le premier volume ne truque la vente. « Mais je ne reviens pas sur mon idée du titre des Martyrs du peuple que je trouve toujours excellente »… 7 octobre, il est consterné d’apprendre des mouvements entre les éditeurs Gosselin, Paulin et Maresq, pour la propriété d’éditions illustrées des Mystères de Paris et du Juif errant… [6 décembre] : « vous savez que l’association des cuisiniers est considérable et qu’ils ont des maisons dans tous les quartiers de Paris fréquentés par des socialistes – ne pourriez-vous faire imaginer et construire une sorte de planchette garnie de fils de laiton qui recevrait les livraisons à mesure jusqu’à la concurrence d’un demi-volume ou d’un volume ? Ce serait peut-être un bon moyen de propagande »… [8 ? décembre]. Sur la correction des épreuves, et les changements par prudence : « Il est cruel d’avoir de nos jours de telles inquiétudes mais l’aveuglement et la haine des gens qui nous gouvernent autorisent tous les craintes ». Sa participation à la revue est « une dette démocratique payée »… Il expose ses projets pour le théâtre avec Le Juif errant et La Louve tirée des Mystères de Paris, dont les revenus lui permettront de se consacrer aux Mystères du peuple….[11 février 1850]. Correction d’épreuves, avec changement dans l’épisode de Siomara. [18 ? juilllet], sur le baptême d’Amélie : « Je suis désolé de ce que j’apprends sur la pratique du baptême. Il me faudra dire un credo et autres momeries catholiques dont je ne me doutais pas, croyant n’avoir qu’à aller à la sacristie donner mes noms &c. Cher et bon ami, je vous en conjure, songez à ma position à mes antécédens, à la répugnance invincible que me cause cette sorte d’hypocrisie ; dites à madame de Lachâtre que je suis aussi confus que chagrin de cet empêchement »… [5 décembre 1851], trois jours après le coup d’État : « Tâchez de venir me voir au fort du Mont Valérien où je suis détenu. Vous n’avez aucune permission à demander. Présentez-vous seulement à la porte du fort et demandez-moi »… .[Annecy 8 avril 1852]. « J’ai vu avec plaisir […] que vos porteurs avaient été mis en liberté. Cette décision jointe à la levée de l’état de siège vous facilitera peut-être davantage la vente des premiers volumes de l’ouvrage. Je regrette toujours à votre point de vue : de profiter d’une éclaircie que vous n’ayez pas consenti à ce que j’achève complettement l’ouvrage que vous auriez ainsi eu tout prêt en portefeuille. Attendons de meilleurs jours parce que cela vous semble préférable surtout depuis la menace de saisie à l’endroit de toute livraison nouvelle »… 22 mai 1853. Sue renégocie le traité avec de nouvelles conditions financières pour Les Mystères du peuple… Mardi [9 août 1853]. « Je reçois l’épreuve de la Lettre et de la couverture, et je suis navré, atteré. Comment l’auteur de cette lettre a-t-il pu parler de l’appaisement des passions politiques, de la prospérité inouie &c., en mon nom mêlé à tout cela ! Et des oripeaux bonapartistes sur la couverture, encadrant le titre de l’ouvrage et mon nom, cette complicité involontaire m’a tellement révolté que j’avais écrit ce matin une lettre à La Nation journal belge afin de protester du moins à l’étranger contre une pareille surprise, mais ma lettre écrite j’ai réfléchi qu’elle ferait peut-être arrêter l’ouvrage ou retirer le brevet de l’imprimeur, ou fermer votre maison, et je me suis provisoirement abstenu ; voyez un peu dans quel horrible embarras vous me mettez ! Vous me direz que la couverture et cette lettre ne sont pas de moi, que c’est une affaire de boutique et d’enseigne, mais avez-vous réfléchi à ce que les seules apparences avaient de blessant pour les opinions de l’auteur, toujours plus ou moins solidaire de l’éditeur, de l’auteur de cette incroyable lettre qui m’appelle son illustre ami ! Qu’avez-vous besoin de faire l’apologie de cet infâme 2 Xbre et de cette exibition impérialiste ? – Deux mots suffisaient à ma couverture sans aucun emblème. Je vous adjure de ne pas reproduire cette malheureuse lettre dans la livraison à venir et de renoncer à la couverture détestable livrée impériale du moins pour l’avenir, sinon, je vous le déclare franchement, quoiqu’il doive m’en coûter de renoncer à l’espoir de terminer mon œuvre, je m’y résignerais plutôt que d’être même contre mon gré, et le plus indirectement possible complice de cette manifestation bonapartiste ; je ne saurais vous dire le chagrin que cela me fait, la honte que me monte au front, quand je songe que mes amis et mes ennemis lisent cette lettre, voient cette ouverture ! Oubliez-vous donc que je suis en exil, incapable de réclamer par la voie de la presse bâillonnée »… [Août 1855]. Il ne veut pas dépasser les 14 volumes des Mystères du peuple : « il serait impossible de publier l’Empire tel que le comprends à savoir l’exaltation d’Aréna, Topino-Lebrun &c, et autres Brutus du nouveau César. Bornons-nous donc quant à présent à 1792 »… .Annecy 3 mars [1856]. Il redemande que les deux derniers volumes lui soient payés 7.000 F chacun : « Vous savez quelle guerre acharnée me fait le gouvernement de ce bandit, on entrave de toutes forces mes publications afin de me ruiner tout à fait et de me couper les vivres puisque je vis en grande partie de ma plume. […] Il m’en coûte toujours vous le savez d’aborder les questions matérielles, mais ma position que me fait l’exil et les persécutions est telle qu’il me faut braver ma fausse honte et m’adresser à vous en toute sincérité, certain de votre loyauté. Nous voici après tout à la fin de cette œuvre entreprise il y a bientôt 7 ans, et l’espoir de la mener à bonne fin me réconforte contre de bien grands et bien tristes abattements »... 15 mars : « j’ai comme vous le désir de voir notre œuvre achevée le plutôt possible. Lorsque les temps seront venus, nous pourrons si vous le voulez ajouter un volume ou deux où je pourrai à mon aise, mettre en scène l’Empire et Strasbourg et Boulogne, chose impossible à cette heure. L’œuvre telle qu’elle est maintenant s’arrêtant au Consulat est complète, et je puis mourir en disant dans ma petite prière Exegi monumentum car vous le savez les Mys. du p. ont été, seront à mes yeux mon œuvre capitale »… [Avril], précision de ses prénoms et date de naissance en l’an XII de la République. « Avez-vous lu le XIIIe volume et ma petite Lettre aux abonnés (la dernière hélas !!). Je crains bien d’être forcé de faire un volume de plus tant il y a d’admirables choses à dire sur la Révolution puis il faut un résumé du Consulat, de l’Empire, Restauration etc. afin de rabouter la chose en février 1848. Soyez d’ailleurs certain que je m’efforcerai de ne pas dépasser le chiffre XIV […]. Il m’est venu l’idée d’écrire quelque chose comme mes mémoires, je vous reparlerai un jour de cette pensée, et vous dirai de quelle façon je l’entends et peut-être la chose vous conviendrait-elle, mais en tous cas ce ne serait à publier qu’en un temps de liberté »… La Haye 6 août. Il songe à s’établir en Hollande, où il a retrouvé ses amis Barbès, Charras et Lagrange… « l’exil est cruel, et mille fois plus cruel encore, est le spectacle de l’abjection prolongée de la France, et il est funeste pour l’exemple que cet affreux gredin ne soit pas encore pendu. Certes il le sera, j’en ai le ferme et doux espoir, mais il aura joui et désormais son nom est acquis à l’Histoire au lieu d’être acquis au greffe du bagne ainsi qu’il l’aurait dû être le 3 Xbre 1852. Enfin, espérons »... 20 septembre, sur le projet de vente à Lachâtre de ses œuvres en viager… 10 novembre. Des retards dans la publication des tomes XIV et XV des Mystères du peuple l’ennuient beaucoup : « Songez mon ami que je vis de ma plume – que j’aurais pu donner deux volumes au Siècle, je le devais même, mais j’ai tenu à terminer notre œuvre sans désemparer. Maintenant qui sait quand elle paraîtra. Sans parler même du préjudice matériel que cela me cause, puisque Le Siècle ne m’a soldé mes deux volumes contre échange du manuscrit – songez surtout au préjudice moral, que cette interruption si prolongée va causer à notre livre »… Annecy 16 décembre. « Vous pouvez compter pour certain que toute la copie vous sera livrée fin janvier au plus tard – en ce cas, je m’adresserais une dernière fois à votre amicale obligeance afin d’obtenir que le 15e volume soit soldé fin mars – et le 16e fin juin »… 20 janvier [1857]. « Je regrette de ne pouvoir vous envoyer les Lettres sur la question religieuse que j’ai publiées à Bruxelles, et qui ont eu (modestie à part) assez de retentissement en Belgique, en Hollande et en Allemagne […]. Courage, mon ami, vous écrivez et ce qui est mieux vous pratiquez la fraternité, la solidarité humaines »… 28 février. Il a eu « une fièvre de travail » pour une brochure sur les prochaines élections en France [La France sous l’Empire]. « Je ne comptais faire que quelques articles pour Le National, et cela a fini par un véritable livre sur le 2 Xbre et l’Empire. Je m’en suis donné à cœur joie […]. J’ai écrit hier le mot fin et donné le bon à tirer – car le livre s’imprime aussi ici. Me voici donc complettement délivré de cet enfantement intellectuel qui m’a depuis six semaines tenu dans un état fiévreux d’excitation impossible à vous dire. Pourvu que le livre s’en ressente – et je serai content »… Il parle de la rétention de son manuscrit des Mystères à la frontière, et de ses projets littéraires….On joint 3 traités signés par Maurice La Châtre pour la vente du droit de reproduction d’œuvres d’Eugène Sue à des journaux : Les Mystères de Paris à La Marseillaise (1881), Mathilde ou Mémoires d’une jeune femme à La Bataille et Les Misères des enfants trouvés à La Revanche (1882) ; un décompte du 3e volume des Mystères du peuple ; et un fragment de manuscrit non identifié.
Partager