Lot n° 84
Sélection Bibliorare

François MAURIAC (1885-1970). Manuscrit autographe, [La Paroisse morte, 1920] ; 10 pages et quart in-4 sur 7 feuillets.

Estimation : 4000 / 5000
Adjudication : 4000 €
Description
Manuscrit de premier jet et de travail de cette nouvelle, parue dans la Revue des jeunes de janvier 1921, non recueillie en volume (Œuvres romanesques, Pléiade, t. I, p. 973-980 ; le manuscrit en était alors inconnu).Le manuscrit, d’une minuscule écriture, est surchargé de ratures et corrections, et d’additions marginales, et orné de 7 croquis à la plume (un oiseau, des têtes de femme). Il présente d’importantes variantes avec le texte définitif, qui sera divisé en 4 sections.Cette nouvelle, marquée par le « souci d’édification » du premier Mauriac, se situe dans un village de Seine-et-Oise (qui ressemble à celui de Vémars, où il séjourne dans la maison familiale de son épouse), où la girondine Geneviève est venue passer des vacances chez son amie Lucie Montmélian ; elle vit dans le souvenir de son fiancé disparu à la guerre, et trouve le réconfort dans l’église presque déserte.La dernière partie de la nouvelle a fait l’objet de deux rédactions successives. Voici le début de la première : « Geneviève toute sa vie se rappellera cette messe de dimanche devant trois familles bourgeoises installées chacune dans un banc comme dans ses prérogatives. Mais les bancs des fidèles étaient vides et lorsque le prêtre se tournant vers la nef disait Chrétiens mes frères nous sommes ici assemblés en ce saint jour de dimanche il semblait qu’il s’adressât à une foule invisible et que ce fussent les morts des anciens temps qui fussent venus à la place des vivants infidèles. On entendait dans les intervalles de silence piaffer le cheval que le curé n’avait pas même dételé tant il aimait peu s’attarder dans cette paroisse morte. Geneviève gardait dans son esprit l’image des enfants sales, des femmes dépeignées qui depuis leurs seuils sur le pas des portes regardaient d’un œil dur les belles dames qui vont à la messe »... Suivait un développement où Geneviève méditait sur les paroles du Panis angelicus… Mauriac y renonce, et rédige une nouvelle version, proche du texte final : « Le village ne savait pas que c’était dimanche. La campagne elle-même ne le savait pas. Sur les seuils des femmes dépeignées regardaient d’un œil dur les belles dames qui vont à la messe. Dans les estaminets les hommes commençaient de boire l’eau de feu qui les étendraient le soir sur les routes, bêtes assommées. [La messe commença biffé]. Le prêtre monta à l’autel devant [trois] quatre familles bourgeoises cantonnées dans leurs bancs pareils à des compartiments de troisième classe. On entendait à la porte hennir le cheval que le curé n’avait pas même dételé [pour fuir plus vite cette église] tant il aimait peu s’attarder dans cette paroisse morte... Chrétiens mes frères nous sommes ici assemblés en ce saint j. du d... [L’officiant] Il s’adressait sans surprise à ces bancs vides comme [s’il eût cru] s’ils eussent eu des oreilles ou peut-être parce que les invisibles morts de la paroisse [les remplissaient] y occupaient la place des vivants infidèles »...
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