Lot n° 39
Sélection Bibliorare

François-René de CHATEAUBRIAND (1768-1848). Deux manuscrits en partie autographes. Sans date. 12 ff. in-4.Deux précieux chapitres de l’Essai sur la Littérature anglaise, dont la conclusion tirée des Mémoires, et citant le titre des Mémoires...

Estimation : 8 000 / 12 000 €
Adjudication : 10 160 €
Description
d’Outre-tombe. L’Essai sur la Littérature anglaise et considérations sur le génie des hommes, des temps et des révolutions (Furne et Gosselin, 1836) a été conçu par Chateaubriand pour servir d’introduction à sa traduction de Milton. À des notes de diverses époques sur l’Angleterre et sa littérature, Chateaubriand a mêlé des considérations sur les époques, en introduisant des extraits d’une première rédaction de ses Mémoires. « Les romans en lettres ». Ces 6 feuillets forment la plus grande partie (à part deux paragraphes d’introduction et deux de conclusion) du chapitre : « Romans. Tristes vérités qui sortent des longues correspondances. Style épistolaire ». Le manuscrit présente des variantes avec l’imprimé. Les deux premiers feuillets sont écrits par Mme de Chateaubriand et abondamment corrigés par Chateaubriand : plusieurs lignes sont biffées et réécrites en interlignes ; suivent 2 feuillets entièrement autographes, très raturés et corrigés ; puis deux feuillets de mise au net par Pilorge, à nouveau très corrigés par Chateaubriand. « Les romans en lettres (vu l’espace étroit dans lequel l’action et les personnages sont renfermés) manquent d’un intérêt triste et d’une vérité philosophique qui sortent de la lecture des correspondances réelles ». Et Chateaubriand de donner en exemple la correspondance de Voltaire, dans laquelle on saisit la fuite du temps et « la longue procession des morts […] ».- « Conclusion – Milton ». Les 6 feuillets, paginés 462 à 467, sont de la main de Pilorge et portent de nombreuses corrections autographes de Chateaubriand. On relève des variantes et des passages supprimés. Cette conclusion provient manifestement des Mémoires : on en retrouve le thème, dans des termes fort proches, dans les Mémoires d’Outre-Tombe. Trois titres successifs : « Conclusion qui ne conclut rien pour la Littérature Anglaise, mais qui conclut pour moi, pour quelques hommes, pour le peuple et pour le génie de mon siècle – Mirabeau, Danton, le Peuple, le Vendéen, Bonaparte – Avenir, Milton et moi ». Chateaubriand les biffe, et les remplace par « Conclusion. Milton » ; c’est en effet la conclusion de l’Essai, intitulée « Milton ».« Quand on a vu comme moi Washington et Bonaparte ; à leur niveau, dans un autre ordre de puissance, Pitt et Mirabeau ; parmi les hauts révolutionnaires Robespierre et Danton ; parmi les masses plébéiennes, l’homme du peuple marchant aux exterminations de la frontière, le paysan vendéen s’enfermant dans les flammes de ses récoltes qui brûloient debout sur le sillon, que reste-t-il à regarder derrière la grande tombe de Ste Hélène ? ». Après un passage biffé, Chateaubriand s’interroge : pourquoi a-t-il survécu à ses grands contemporains : « Pourquoi suis-je demeuré seul à chercher leurs os, dans les ténèbres et la poussière d’un monde écroulé ? […] Mais moi, dont l’existence n’est plus qu’un boulet attaché à mon pied ; moi, qui n’ai rien à transmettre à personne, qu’avois-je besoin de me trainer si tard sur terre ? Etoit-ce donc pour affermer mes derniers jours [à un libraire], afin de conserver ma liberté d’homme, dans le court espace qui me sépare de mon affranchissement final ? Dure épreuve ! Épreuve qui m’oblige à suspendre mes [MÉMOIRES TRAVAUX D’OUTRE TOMBE] justices d’outre tombe, à renfermer dans leur sépulcre les squelettes et les souvenirs que j’évoquois, à dépenser dans un travail stérile des moments dont je devois être avare ! […] Milton servit Cromwell ; j’ai combattu Napoléon ; il attaqua les Rois, je les ai défendus ; il n’espéra point en leur pardon ; je n’ai pas compté sur leur reconnaissance : maintenant qua dans nos deux pays la monarchie penche vers sa fin, Milton et moi n’avons plus rien à démêler ensemble. Je viens me rasseoir à la table de mon hôte ; il m’aura nourri jeune et vieux : il est plus noble et plus sûr de recourir à la gloire qu’à la puissance ».
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