Lot n° 125
Sélection Bibliorare

Gabriel FAURE. 85 L.A.S., 1888-1915, à Fernand HALPHEN ; 117 pages in-8 ou in-12, qqs en-têtes (la plupart Conservatoire national de musique et de déclamation), nombreuses adresses et enveloppes (petits défauts ou fentes à qqs lettres).

Estimation : 5000 / 7000
Adjudication : 5000 €
Description
IMPORTANTE CORRESPONDANCE A SON ELEVE ET AMI, FERNAND HALPHEN (1872-1917), qu’il affuble d’une variété de titres : « jeune homme d’avenir », « hésitant », puis « compositeur », et à qui il donne (ou décommande) des rendez-vous de travail, et à qui il adresse des conseils, des invitations et plaintes, des nouvelles de ses engagements musicaux et mondains, de ses services à la Madeleine et de ses répétitions, des confidences sur ses ennuis financiers et sur la santé de sa famille, aussi bien que des billets enjoués, parfois en vers. On y rencontre les noms d’Emma Bardac, Cavaillé-Coll, Paul Dukas, la comtesse Greffulhe, Vincent d’Indy, Jules Massenet, Porel, Camille Saint-Saëns, etc. Nous ne pouvons en donner qu’un aperçu. [1888] : « Caligula [musique de scène pour la pièce d’Alexandre Dumas à l’Odéon] m’a beaucoup occupé ces derniers temps et va m’occuper encore, bien qu’il ne s’agisse que de très peu de chose. Mais lorsqu’on travaille pour un théâtre où la musique n’est que subsidiaire les difficultés s’accumulent. Donc cela n’a pas les proportions de l’Arlésienne : tant sans faut. Il y a à la fin du prologue une marche et le chœur des Heures du jour et des Heures de la nuit. Au 5e acte 3 petits chœurs et un petit air de danse. Et c’est tout ! […] Vous ne me dites rien de votre Romance ce qui me fait craindre que le baccalauréat ne lui ait fait du tort. Piochez ferme pour vous débarrasser de ce poids et sortir brillamment de la lutte »… [Paris 10 janvier 1890] : « ne commencez pas d’orchestrer votre mélodie avant que je vous ai vu : j’ai des projets à vous communiquer sur les instruments à choisir »... [Mai 1891]. Il part pour Venise : « Je ne vais plus agir et penser qu’en 6/8 » [CITATION MUSICALE] ; « remettez-vous au travail et songez maintenant à entreprendre de grosses besognes ! des morceaux développés et longuement conduits. Le mieux serait de faire bêtement, avec une symphonie d’Haydn ce que je vous ai fait faire jadis avec un de ses quatuors : c’est ainsi qu’on apprend le mieux ! »... Venise dimanche matin [31 mai]. Instructions pour faire un « calque » d’une symphonie de HAYDN : « Prenez des thèmes du même nombre de mesures, et suivez les expositions et les développements comme vous feriez d’un dessin. Les symphonies de BEETHOVEN sont déjà trop touffues pour un premier travail de ce genre. Je voudrais pendant quelque temps vous voir faire de ces travaux qui vous donneront une plume très ferme et très claire et très habile ! » Il évoque son séjour à VENISE : « Vous dire tout ce que je vois et de quelle vie charmante je jouis est tout à fait impossible ! C’est simplement délicieux et vous avez ici en réserve des impressions absolument inconnues, tout à fait merveilleuses. Bien que je n’aie rien à faire je suis si occupé à flâner de tous les côtés que je trouve à peine le temps d’écrire ! »… [Paris 1er novembre]. « Bon nègre viendra demain matin [...] voir si petit blanc a fait bonne musique ! »... [31 mai 1892]. « L’affaire GUIRAUD ne se décidera pas avant longtemps mais je suis en bonne posture ! » [la nomination de Fauré comme professeur de composition au Conservatoire sera repoussée par Ambroise Thomas]... [20 juillet], rendez-vous au Café de Londres : « nous orchestrerons sur une table de marbre. Savez-vous combien je vous envie d’aller entendre Parsifal ? à Vendredi 999,000,000,000,000,000,000,000 d’amitiés. Je ne sais pas combien ça fait, mais ça n’est pas encore assez. Ga-Fau-briel-ré ». – Il l’a trouvé « tiède pour les merveilleux Maîtres chanteurs le plus humain des trois ouvrages que vous avez entendus »… [29 octobre] : « Je suis enchanté que vous soyez entré chez MASSENET puisque vous le désiriez et que vous avez des amis dans sa classe. J’espère que mon amitié pour vous ne sera pas un obstacle à ce qu’il s’intéresse à son nouvel élève. Du reste il a assez de flair pour comprendre vite que vous pouvez lui faire honneur »... [20 novembre] : « Avez-vous demandé à M... [Massenet] de vous donner une longue besogne ? J’ai raconté cela à d’I... [Indy] qui a parié qu’il vous laisserait faire ce que vous voudriez mais ne vous tracerait aucune ligne de travail. Entamez donc une pièce symphonique en la PENSANT orchestralement »... SAINT-SAËNS « a fait un petit article biographique sur G. Fauré (le connaissez-vous G. Fauré ?) »... Il termine par un amusant poème (6 vers) : « Les lapins et le faisan, / quelle bonne nourriture »…., qu’il signe « de Victor Hugo, par télé-tombes »…[Novembre]. Amusante invitation à souper en 12 vers, « Et puis, pleins d’allégresse, / Vers la grande opéra, / dans un vieux véhicule / ous qu’ nous nous empil’rons, / ce n’sera pas ridicule / D’aller entrendr’ Samson ! »... – Deux lettres sont relatives à l’inscription d’Halphen comme auditeur au Conservatoire dans la classe de Théodore DUBOIS ; puis : « Dubois m’a parlé de vous : il est content de votre assiduité et il croit que vous serez élève cette année »… Mercredi [14 juin 1893], sur un formulaire administratif, il regrette de ne pouvoir venir à Ville d’Avray, avec quelques mesures de musique, et signe « Alexis Colophanor », inspecteur des « Prisons et des Bicyclettes à double échappement pour ecclésiastiques »... Lundi [10 juillet]. Il est pris à la Madeleine et au Conservatoire pour le « concours d’harmonie des femmes ». Il va s’informer du concours de fugue : « je serais bien heureux s’il vous était favorable ». Il mène « une vie errante en perpétuel tramway » entre Prunay et Paris : « Travail nul, par-dessus le marché »… [21 novembre] : « Eh quoi ! Sous l’habit militaire / Ton cœur ne bat’il plus pour moi ? / Ô Fernand, ce doute m’atterre ! », etc. ; il signe « Gabriel Fauré candidat à toutes les académies ». – Lettre confidentielle priant Fernand de demander à son père une avance de 500 F « sur les belles séances que nous ferons l’année prochaine », et lui confiant ses embarras qu’il ne peut avouer à son beau-père : « Malheureusement la musique PURE ne rapporte rien et je viens, depuis trois semaines, de me fatiguer beaucoup dans de nombreuses séances de musique de chambre qui ne m’ont donné que de la gloire un peu et de la lassitude beaucoup. […] Je suis esquinté ! J’ai fait une 9e mélodie ». Lyon 4 avril [1894]. « Entre un basson et une trompette chromatique je veux vous donner de mes nouvelles ! J’erre entre les vents, les claviers et les cordes et j’en suis tout à fait ahuri ! C’est si beau l’orchestre en bloc et c’est si peu satisfaisant en détail ! J’ai beau faire je ne puis pas me sentir ému par des études de contrebasse ! »... [Paris 23 juin]. « Cette après-midi j’ai Melle FUCHS qui vient me jouer du piano ! Et ce soir je dîne chez Mme Clerc... et demain [...], une forte soirée GREFFULHE »... [12 mars 1895] : « J’ai encore des répétitions chez Colonne. [...] J’ai orchestré l’Élégie de violoncelle »… [Dieppe 24 septembre], où il s’amuse « comme un gosse ! Je jette des cailloux dans la mer et de l’eau dans les jambes des baigneurs, et je respire, et je dors, et je mange, et je bois ! Et j’engraisse !! »… [10 mai 1896] : « J’aurai probablement à faire réellement partie du jury pour la cantate »... [13 mai] : « DUBOIS dit qu’on a reproché à votre chœur de n’être pas conçu dans le sentiment de la poésie. C’est tout ce que j’ai pu savoir. Remettez-vous à l’œuvre et préparez un concours de fugue éblouissant pour l’année prochaine »... [27 octobre 1899], il est convoqué « au Conservatoire pour des élections ! (rien de Législatif ni de Municipal !) […] C’était très bien Tristan hier soir »… [23 juin 1900]. Il ne peut lui donner un instant pour regarder sa Sonate, étant pris par la fin de Prométhée : « Il faut que j’y emploie toutes les minutes jusqu’au mot “fin” que j’écrirai avec joie ! […] J’ai déjà entendu parler du scénario qui vous occupe [Le Cor fleuri] et j’ai dit à votre collaborateur tout ce qu’il devait espérer de vous et de votre désir de faire une œuvre solide. [...] je travaille nuit et jour et je ne sors plus jamais le soir depuis déjà bien des semaines »... [15 juillet 1901], il est pris par les concours du Conservatoire et de l’école Niedermeyer. « J’espère que l’Opéra-Comique vous donnera les artistes que vous désignerez et que nous entendrons très prochainement votre œuvre »… [6 mai 1905], condoléances émues pour la mort de la mère d’Halphen. 24 décembre 1907. Il aimerait l’entretenir, avec son excellent collaborateur du Figaro Robert BRUSSEL, « d’un projet de journal de musique qui serait dirigé par un artiste que vous appréciez certainement aussi vivement que moi – et qui est l’honneur et la droiture même – Paul DUKAS »... [8 avril 1908], il est furieux de n’avoir pas été invité à la fête : « J’aurais mis mon magnifique costume de Directeur du Conservatoire et personne ne m’aurait reconnu ! »… Lausanne 26 août. Il réclame son appui auprès d’Albert CARRE en faveur de Louis HASSELMANS « pour remplacer, comme chef d’orchestre, ce malheureux Landry disparu dans des circonstances si navrantes. [...] Cet excellent artiste est absolument doué comme chef d’orchestre, intellectuellement et physiquement. Très bon musicien, instruit, curieux de toute la musique, souple, adroit, de rapports qui l’ont toujours rendu sympathique à tous ceux qui ont eu à faire à lui, à ceux mêmes qu’il a été appelé à diriger. Il serait pour l’Opéra-Comique une acquisition dont on n’aurait qu’à se louer : j’en réponds ! »... [25 janvier 1909] : « pour votre projet de chants chez vous, à côté des miens, vous devriez faire exécuter ceux de mon élève Fernand Halphen… vous feriez grand plaisir à son vieux maître et dévoué ami !! »… [Paris 10 mars 1914]. « Je ne puis vous dire combien je suis touché de votre marque d’intérêt envers la jeune Association et de votre amical empressement à le lui témoigner »... 1er janvier 1915. Il fait des vœux que cette année n’apporte au lieutenant Halphen et aux siens « que des satisfactions, et qu’elle nous apporte à tous la victoire et la Paix ». Il donne des ouvelles de ses fils Emmanuel et Philippe... Etc.
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