Lot n° 44
Sélection Bibliorare

Gary (Romain). Manuscrit autographe signé. [1968]. 9 pp. dont 7 in-folio et 2 in-4 oblong. récit d'un entretien avec Robert Kennedy Publié le lendemain de son assassinat, dans le Figaro du 6 juin 1968, sous le titre « Il y a quelques jours, Bobby...

Estimation : 5.000 / 6.000
Adjudication : 15 000 €
Description
me disait : "Je sais qu'il y aura un attentat tot ou tard" ». Robert Kennedy avait accordé cet entretien à Romain Gary en mai 1968, à la suite de sa victoire à la primaire de Californie. « ... iL s'agissait pour moi essentieLLement De savoir s'iL était concevabLe qu'un "israëL noir", composé de deux ou trois États du Sud, put un jour apparaítre comme une solution plausible du problème aux États-Unis. Kennedy considérait cette hypothèse comme "impensable"... Il m'avait déclaré, dès les premiers mots : "Une telle éventualité constituerait un échec impensable de l'idéal démocratique américain." Kennedy venait de sortir de l'océan, glacial en cette saison, et se tenait assis sur la moquette, les jambes croisées, le torse nu, vêtu d'un Bermuda short. Ma première question... fut de demander au sénateur quelles précautions il prenait contre un attentat éventuel. - Il n'y a aucun moyen de protéger un candidat pendant la campagne électorale. Il faut se donner à la foule et à partir de là... il faut compter sur la chance, dit Kennedy. Il rit, secouant la mèche juvénile qui lui retombait sans cesse sur le front. - De toute façon, il faut avoir la chance avec soi pour être élu président des États-Unis. On l'a, ou on ne l'a pas. je sais qu'iL y aura un attentat, tót ou tarD. Pas seulement pour des raisons politiques : par contagion... par émulation... Nous vivons une époque d'extraordinaire contagion psychique. Parce qu'un type tue Martin Luther King ici, un "contaminé" va immédiatement tenter de tuer un leader des étudiants allemands. Ils faudrait faire une étude profonde de la traumatisation des individus pas les mass media, de la création de climats dramatiques, avec un besoin d'événement spectaculaire... Et il faut dire que le viDe spiritueL est tel, à l'Est comme à l'Ouest, que l'événement dramatique, le happening est devenu un véritable besoin. Et d'un happening à l'autre, il y a la réaction en chaíne... Il y a aussi la congestion Démographique, surtout dans les villes : les jeunes se mettent à éclater,littéralement. Les individus - nous voyons ça dans nos ghettos noirs - sont à ce point comprimés ou opprimés qu'ils ne peuvent plus se libérer que par l'explosion. J'en viens même à me demander si l'éclatement dans la peinture, avec poLLocK et L'action Painting ne finit pas par pousser à la violence ceux des jeunes qui n'ont pas de talent artistique ou d'autres moyens de s'exprimer... Et puis, il y a eu hemingway. J'aime beaucoup Hemingway comme écrivain, mais il faut bien dire qu'il a été le fonDateur D'un mythe riDicuLe et Dangereux : ceLui De L'arme à feu et De La beauté viriLe De L'acte De tuer... Il a été absolument impossible d'obtenir du Congrès une loi interdisant la vente libre des armes à feu. Je lui dis qu'il y avait aussi Le conDitionnement par La "protestation" : depuis la guerre au Vietnam, la jeunesse avait pris une telle habitude de la protestation impuissante et continuellement frustrée qu'aucune autorité, à l'Est comme à l'Ouest, n'était plus à l'abri. Il ne s'agissait plus de programmes politiques cohérents : il ne s'agissait plus que de crier "non" à la puissance sous toutes ses formes... » Romain Gary raconte ensuite comment l'entretien roula sur la situation politique en France et sur l'action du général degaulle en qui Robert Kennedy dit voir la dernière grande figure historique française : «À combien d'attentats, au juste, a-t-il échappé ? - Cinq ou six, je crois. Kennedy hocha la tête et se mit à rire. - Je vous disais bien : la chance. On ne peut-être président sans the good old luck... »
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