Lot n° 65

GONCOURT (Edmond et Jules de). — Manette Salomon. Paris : Librairie internationale ; Bruxelles, Leipzig, Livourne : A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie, 1868. — 2 tomes en un volume in-18, 183 x 116 : (3 ff.), 320 pp. ; (2 ff.), 316 pp. —...

Estimation : 2 000 - 3 000 €
Adjudication : 2 500 €
Description
Demi-chagrin noir, dos lisse orné (reliure de l’époque).
Seconde édition.
« Ce roman des deux frères Goncourt (1867) est une Comédie humaine de la peinture. Le héros principal voit son talent progressivement ruiné par la femme qu’il aime, son modèle et sa maîtresse, Manette Salomon. Il a pour ami un autre artiste, également raté, mais par paresse et goût de la plaisanterie.

En contrepoint, un génie inspiré par Rousseau, Millet, Corot, et un peintre mondain et officiel, couronné de succès.

Cette intrigue fait revivre toute l’histoire de la peinture entre 1840 et 1860, à l’ombre d’Ingres et de Delacroix, à côté de l’École de Barbizon. On y voit l’École des Beaux-Arts, la Villa Médicis, les Salons. » (Arguments des éditions Gallimard pour la réédition de l’ouvrage en édition Folio classique).

♦ Précieux exemplaire enrichi d’un envoi de la main de Jules Goncourt adressé à la lorette Marie Lepelletier :
à Marie / /
souvenir du vieux temps / /
Edmond et Jules.

Lorsqu’elle rencontra Edmond de Goncourt, Marie Lepelletier était une jeune fille de 16 ans. L’écrivain lui fit la cour au bal Mabille et elle devint sa maîtresse avant d’aller dans les bras de Jules en 1847-1848. Elle est plusieurs fois citée dans le Journal des frères Goncourt, notamment en janvier 1855 :

« Je retrouve une maîtresse de mes dernières années de collège, une maîtresse que j’ai désirée fixement, jusqu’à l’aimer pendant trois jours… Je me la rappelle rue d’Isly, dans ce petit appartement où le soleil courait et se posait comme un oiseau. J’ouvrais le matin au porteur d’eau. Elle allait, en petite bonnet, acheter deux côtelettes ; elle se mettait en jupon pour les faire cuire et nous déjeunions sur un coin de table avec un seul couvert de ruolz et le même verre. C’était une fille comme il y en avait encore dans ce temps-là ; un reste de grisette battait sous son cachemire : un jour, elle me demanda quatre sous pour aller à Mabille. Je l’ai rencontrée : c’est toujours elle, avec ses yeux que j’ai aimés, son petit nez, ses lèvres plates et rouges, comme écrasées sous un baiser appuyé, sa taille souple — et ce n’est plus elle. La jolie petite putain s’est rangée. Elle vit bourgeoisement, maritalement avec un photographe. Le ménage a déteint sur elle. L’ombre de la Caisse d’épargne est sur son front. Elle soigne le linge, elle surveille la cuisine, elle gronde une bonne, comme une épouse légitime, elle apprend le piano et l’anglais. Elle ne voit plus que des femmes mariées et vise l’avenir, c’est-à-dire au mariage. Elle a enterré sa vie de bohème dans une armoire à glace » (Journal, éd. Robert Laffont, 2004, p. 114).

Marie Lepelletier fut le modèle du personnage de Manette Salomon. L’histoire de cette dernière, libre et mystérieuse au début et devenant une femme autoritaire, âpre au gain, suite à sa vie en couple avec Coriolis, n’est pas sans rappeler effectivement la vie de Marie Lepelletier.

L’exemplaire est également enrichi d’une très rare photographie originale anonyme sur papier albuminé et contrecollée sur carton, réalisée vers 1860, de Marie Lepelletier nue debout, se cachant le visage. Une légende manuscrite indique qu’il s’agit d’une photographie de Manette Salomon.

Bel exemplaire, très bien conservé malgré quelques frottements d’usage aux charnières et aux coiffes. Timbre collé page 13, recouvrant une partie du texte.

─ Provenance :
• Julien Sirling, avec son ex-libris portant la devise latine « Semper tibi. »
Partager