Lot n° 8
Sélection Bibliorare

Guillaume APOLLINAIRE (1880-1918). L.A.S. « Guillaume », Nîmes 17 décembre 1914, à Lou, Louise de Coligny-Châtillon ; 2 pages in-4 à en-tête du Grand Café à Nîmes (infime manque marginal, petites fentes réparées).{CR} Belle lettre...

Estimation : 2 000 / 2 500
Adjudication : 3 200 €
Description
d’amour à Lou au début de la guerre.{CR} « Je viens mon Lou adoré de recevoir la lettre que tu as mise mardi soir à la poste […] elle est bien belle mon chéri, digne non seulement de toi mais de nous. Le Dr Robin ne se trompe point, tu écris merveilleusement. Je viens de lire les journaux italiens. La situation est excellente pour nous. Les Serbes viennent de battre les Autrichiens. Le Temps que j’ai lu aussi parle même d’ouverture de paix faite aux Serbes par les Autrichiens mais je n’ai pas vu trace de cela dans les journaux autrichiens. Toutefois Anglais et Français progressent en France, les Serbes en Autriche, les Allemands ont un échec en Pologne, et un sous-marin anglais est entré dans les Dardanelles où il a coulé un cuirassé turc. La parole de Joffre aux Alsaciens reconquis, vous êtes Français pour toujours est plus que rassurante dans la bouche d’un tel homme. Donc, mon amour, confiance et courage. Ce matin, j’ai fait du trot pour de bon pour la première fois et pendant plus d’une heure. Cela m’a donné mal au ventre, pas plus. On m’a dit qu’au début le cheval en tape-cul produisait cela. Pour le reste aucun mal. Pourvu que ça dure. […] L’adjudant qui est un homme charmant bien élevé, mais à cheval c’est le mot sur la discipline, m’a dit que pour la première fois que je faisais du trot ce n’était pas mal. En revenant, il m’a fallu panser le cheval, ce qui est embêtant. A 1 heure on nous a emmenés au loin dans la campagne, pour nous faire assister à du tir réel. C’est très émouvant. Comme à la guerre, disent nos s/officiers qui reviennent du front, comme à la guerre moins les risques. Après 14 km à pied pendant lesquels je pensais à toi qui aimes tant le footing, manœuvre du canon. En route, on chantait des chansons et chaque fois qu’une femme était signalée au loin, on gueulait, c’est le cas de le dire :{CR}Une pucelle à l’horizon{CR}Tontaine{CR}Une pucelle à l’horizon{CR}Tonton{CR}Et quand on passait près de la femelle, si elle était vieille, on ajoutait en chœur :{CR}Mais ce n’était qu’une illusion{CR}Tontaine{CR}Mais ce n’était qu’une illusion{CR}Tonton{CR}Si elle était jeune, au contraire :{CR}Ce n’était pas une illusion, etc.{CR}Je suis maintenant avec un groupe du peloton où il n’y a que des polytechniciens, des centraux et des gens très riches de Nîmes, surtout un gros type nommé Favre de Tirens. Je crois qu’ils sont tous tantes. Je regrette mes jeunes gens simples de l’autre groupe et mon premier Maréchal des logis, qui n’était certes pas meilleur type que celui-ci, mais bien meilleur instructeur, ce qui compte. Mon Lou adoré, j’ai en somme passé une bonne, journée, sauf un peu mal au ventre, je suis gai et dispos, je viens de prendre un thé au rhum, j’ai vu partir des obus, j’ai appris à trotter, j’ai fait une belle promenade. Je t’aime, tu m’aimes, que me faut-il de plus. A bientôt donc, mon très cher chéri, je t’embrasse et te respire partout, ma tubéreuse de Nice, mon jasmin de Grasse, ma baie de laurier de Nîmes. Je baise ton pied et ta bouche ma bien-aimée ».
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