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Lot n° 105

HUYSMANS (Joris-Karl). Marthe. Histoire d'une fille. Bruxelles, Jean Gay, 1876. In-12, cartonnage percaline rouge, dos lisse, pièce de titre noire, non rogné, couverture (Pierson).

Estimation : 3 000 - 4 000 €
Adjudication : 8 125 €
Description
Édition originale.

Premier roman écrit par Huysmans, Marthe inaugure le roman de moeurs (ou «roman de filles») qui aborde la question de la prostitution et où la prostituée devient le personnage central du texte. Ce thème connaît son apogée dans les années 1880, notamment après la parution de Nana de Zola en 1879.
Important exemplaire d'Edmond de Goncourt, portant cet envoi autographe.

Goncourt a écrit sur un feuillet de garde cette note à l'encre rouge: Exemplaire de l'édition originale publiée en Belgique.

De Goncourt.

Cet envoi de Huysmans à Edmond de Goncourt n'est pas anodin. Effectivement, ce dernier travaillait à son roman La Fille Élisa, dont l'histoire s'inspire également de la prostitution et des maisons de joie.
En octobre 1876, Huysmans lui envoie cet exemplaire de Marthe; et dans une lettre, il l'avertit de la censure dont il vient de faire l'objet, laquelle pourrait contrarier la publication de La Fille Élisa (cf. Huysmans, Lettres inédites à Edmond de Goncourt, 1956, p. 47) : J'apprends que vous travaillez à un roman qui a nom La Fille Élisa. Je me trouve par un hasard malheureux pour moi, avoir travaillé, une année durant, sur un livre dont la donnée est, paraît-il, la même que la vôtre.

Ce volume Marthe vient de paraître à Bruxelles. Il a été arrêté immédiatement en France comme outrageant la morale publique.

Cette lettre éveilla la plus vive inquiétude chez Edmond de Goncourt qui resta hanté par la crainte de poursuites judiciaires jusqu'à la parution de La Fille d'Élisa en 1877. Dans le Journal, (t. V, 1891, p. 289), il avait écrit: Hier, j'ai reçu un livre d'un jeune homme, nommé Huysmans: l'Histoire d'une fille, avec une lettre qui me disait le livre arrêté par la censure. Le soir, dans le fond du salon de la princesse, j'ai causé, une bonne heure, avec l'avocat Doumerc, de l'affaire de ma désastreuse hypothèque. De cette persécution d'un livre semblable à celui que je fais, et de cette séance avec cet homme de loi, glabre et de noir habillé, il est advenu, la nuit, que j'ai rêvé que j'étais en prison [...] j'étais emprisonné simplement pour écrire le livre de La Fille Élisa, et cela sans qu'il eût paru, sans qu'il fût plus avancé qu'il ne l'est en ce moment.

On a ajouté à cet exemplaire la rare eau-forte originale de Jean-Louis Forain représentant Marthe nue, en bas de soie et appuyée sur une ombrelle.

Cette gravure, qui devait servir de frontispice à la seconde édition de 1879, fut refusée par l'auteur qui la jugea indécente (reproduite par Marcel Guérin, J.-L. Forain aquafortiste, 1912, n° 12).
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