Lot n° 42
Sélection Bibliorare

Jacques-Bénigne BOSSUET (1627-1704). L.A.S. « JB E de M », marquée « addition », [Paris 4 mars 1694, à Madame Guyon] ; 3 pages et demie in-4.

Estimation : 3000 / 4000
Adjudication : 6 500 €
Description
Importante addition à une lettre à Madame Guyon où il condamne les écrits qu’elle lui a confiés en acceptant qu’ils soient brûlés, dans sa lutte contre le quiétisme ; il commente ici le texte de la Préface avant le sacrifice de la messe. [Correspondance, éd. Ch. Urbain et E. Levesque, t. VI, p. 161-187.] « Pendant que je ferme ce paquet Dieu me remet dans l’esprit le commencement de l’action du sacrifice, qui se fait par ces paroles du Pontife : Sursum corda, le cœur en haut : par où le Prestre excite le peuple et s’excite luy mesme le premier à sortir saint[ement] de luy mesme pour s’élever où est J. C. C’est là sans doute un acte reflechi mais tresexcellent et qui peut estre d’une treshaute et tressimple contemplation : a quoy le peuple repond avec un sentiment aussi sublime : nous l’avons (nostre cœur) à N. S. cest à dire : nous l’y avons elevé, nous l’y tenons uni : ce qui emporte sans difficulté une réflexion sur soy mesme mais une reflexion qui en effet nous fait consentir à l’exhortation du Prestre qui en s’excitant soy mesme à ce grand acte, y excite en mesme temps tout le peuple pour lequel il parle et dont il tient tous les sentimens dans le sien, pour les offrir à Dieu par J. C. Le Prestre donc ou plustost toute l’église et J. C. mesme en sa personne après avoir oui de la bouche de tout le peuple cette humble et sincere reconnaissance de ses sentimens, nous avons le cœur élevé au Seigneur, la regarde comme un don de Dieu et afin que les assistans entrent dans la mesme disposition, il élève de nouveau sa voix en ces termes : rendons graces au Seigneur nostre Dieu : c’est à dire rendons luy graces universellement de tous ses bienfaits et rendons luy graces en particulier de cette sainte disposition où il nous a mis d’avoir le cœur en haut : et tout le peuple y consent par ces paroles : il est raisonnable, il est juste : après quoi il ne reste plus qu’à s’épancher en actions de graces et commencer saintement et humblement tout ensemble par cette action le sacrifice de l’Eucharistie. Voilà sans doute des actes parfaits, des actes tres simples, des actes tres purs, qui peuvent estre comme je l’ay dit d’une treshaute contemplation et qui sont tresasseurement des actes d’une foy tres vive, d’une espérance tres pure, d’un amour sincere. Car il est bien aisé d’entendre que tout cela y est enfermé. Ce sont pourtant des actes de reflexions sur soy mesme et sur ses actes propres et si le retour qu’on fait sur soy mesme pour y connaitre les dons de Dieu estoit un acte interessé il n’y en auroit point qui le fust d’avantage que l’action de graces. Mais ce seroit une erreur manifeste de le qualifier de cette sorte et encore plus d’accuser l’église d’induire ses enfans à de tels actes quand elle les induit à l’action de graces. Il en faut dire autant de la demande qui comme nous avons dit n’est ni plus ni moins interessée que l’action de graces. Toutes ces actions sont donc pures sont simples sont saintes sont parfaites quoique reflechies et ayant toutes un rapport à nous. Il faut que tous les fideles se conforment au desir de l’église qui leur inspire ces sentimens dans son sacrifice : ce qu’on ne fera jamais mais plustost on fera tout le contraire si on regarde ces actes comme interessez car cest leur donner une manifeste exclusion. Il faut donc entrer dans ces actes : il faut qu’il y ait dans nos oraisons une secrette intention de les faire tous ; intention qui se developpe plus ou moins suivant les dispositions où Dieu nous met mais qui ne peut pas nestre pas dans le fond du chretien quoiquelle y puisse estre plus ou moins cachée et quelquefois tellement qu’on ne l’y apperçoit pas distinctement. Ce sera là peutestre un denouement de la difficulté : mais pour cela il faut changer non seulement de langage mais de principes en reconnaissant que ces actes sont tresparfaits en eux mesmes soit qu’ils soient apperceus ou non excités ou non par nostre attention et par nostre vigilance pourveu qu’on croye et qu’on scache qu’on ne les fait comme il faut qu’autant qu’on les fait par le St Esprit : ce qui n’est pas d’une oraison particulière mais commun à tous les etats du christianisme quoique non tousjours exercé avec une egale simplicité et pureté. Si on entre veritablement dans ces sentimens la doctrine en sera irrepréhensible ».
Partager