Lot n° 80
Sélection Bibliorare

JARRY (Alfred) poète, romancier, écrivain et dramaturge français. Il fut aussi dessinateur et graveur, (1873-1907) - Ubu Intime. Manuscrit autographe signé deux fois: en page de titre et sur la dernière page; Rennes 6 rue de Belair, décembre...

Estimation : 18 000 / 20 000 €
Adjudication : 53 340 €
Description
1888,
sur un cahier de 29 pages in-4 dont les 5 dernières sont détachées. Corrections et quelques ratures d'une encre noire plus foncée, quelques rayures et notes au crayon bleu. Les manuscrits de Jarry sont d'une extrême rareté.
Ce manuscrit est écrit sur le recto des pages, au verso sont ajoutées quelques notes, une portée musicale et une note destinée aux comédiens. Jarry écrit en bas de la 1ère page: «Pièce antérieure à Ubu Roi et représentée à Rennes en 1888 par les marionnettes du théâtre des Phynances» et signe.
Il s'agit du manuscrit intitulé «Ubu intime»: la datation n'est pas exacte d'après Henri Bordillon qui pense que le titre original date de 1894, 1895, et que les notes au crayon bleu seraient de 1896, précédant de peu la représentation d'Ubu Roi. La mention «théâtre mirlitonesque» en haut de la page de titre ainsi que les notes à l'encre plus foncée correspondent à un remaniement en vue d'une publication chez Sansot en 1905, 1906 dans la collection du «Théâtre mirlitonesque», publication qui n'a jamais vu le jour. En réalité, la date de décembre 1888 correspond à la date de création du théâtre des phynances à Rennes.
Ce manuscrit est très important car il est le premier du cycle des Ubu. Retravaillé à plusieurs époques il montre tout l'intérêt que Jarry lui portait jusqu'à le faire publier. Pour cela il décida de transformer la pièce qui se composait alors d'un seul acte en 25 scènes (voir publication de Bordillon ed. Folle Avoine) en la coupant en 5 actes dont les coupures et les changements de numéros des actes comme des scènes sont indiqués au crayon bleu. Dans la liste des personnages, il ajoute Père devant Ubu, remplace Onésime par Reboutier et Memnon par Barbapoux. Enfin H. Bordillon date des derniers mois de la vie de Jarry les changements de toponymes: parisiens à l'origine, il les raya et les remplaça par des lieux rennais, ex: page 24 du manuscrit: la rue de l'Echaudé devient la rue de la Monnaie, le tramway du pont de l'Alma devient le coche d'eau du port de Viarmes, la gare de Lyon devient le port de Viarmes.
Dans cette première pièce apparaissent déjà les traits caractéristiques du style de Jarry que l'on retrouve dans tout son théâtre. Jarry a été considéré comme précurseur du mouvement surréaliste et du théâtre de l'absurde. Dans sa comédie il mêle la farce, l'invraisemblance des situations, l'absurde de certains dialogues, la satire et invente des nouveaux mots: saut perigiglyeux, giborgne, oneille, cornegibouille; il en détourne certains de leur vrai sens: epiploon, pince porc. Allusion à Musset: «Il faut qu'une trappe soit ouverte ou fermée», les chansons des Palotins page 6 et page 20 rappellent la belle Hélène d'Offenbach. Le comique est rendu également par des expressions particulières à chaque personnage: Ubu: «De par ma chandelle», Achras: «Voyez- vous bien», la Conscience «Et ainsi de suite»; il est rendu également par des jeux de mots: page 4 à Achras qui dit à Ubu «C'est une imposture manifeste», Ubu répond: «Une posture magnifique».
Le personnage d'Ubu est inspiré de monsieur Hébert, professeur de physique au lycée de Rennes où Alfred Jarry a étudié. Il représentait pour ses élèves l'incarnation même du grotesque; ces mêmes élèves qui inventèrent l'épenthèse merdre.
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