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Lot n° 1
Sélection Bibliorare

LIVRE D'HEURES en latin à l'usage de Rouen, enluminé sur peau de vélin, avec quelques passages en français. [Rouen, vers 1470]. In-8 (18,5 x 13 cm) de [129] f. (le dernier blanc), veau brun sur ais de bois, décor de filets, roulettes et...

Estimation : 8 000 - 10 000 €
Adjudication : 20 800 €
Description
fleurons à froid sur les plats et le dos à cinq nerfs, tranches dorées (reliure de l'époque, vraisemblablement doublée au XXe siècle de veau à décor pastiche).


Livre d'heures enluminé par un suiveur contemporain du Maître de l'Échevinage de Rouen.

Nommé ainsi d'après les manuscrits qu'il enlumina pour la librairie des échevins de Rouen, le Maître de l'Échevinage, actif de 1460 à 1480 environ, fut aussi appelé le Maître du Latini de Genève d'après l'exemplaire genevois du Trésor de Brunetto Latini.
La richesse de ses compositions, fortement influencées par l'art flamand, provient d'une facture maniérée et d'une importance capitale accordée au dessin, avec une prédominance de lignes anguleuses. Outre les membres de son atelier, nombreux fut le cénacle d'enlumineurs suiveurs de sa conception artistique et travaillant dans une facture très proche, allant même jusqu'à reproduire des compositions similaires pendant la première moitié du XVIe siècle.

Notre manuscrit fut réalisé vers 1470 par un suiveur contemporain et très proche du Maître de l'Échevinage de Rouen, qui emprunta tantôt sa conception spatiale, construite à l'aide de représentations architecturales soignées et d'encadrements sur fond de villes, tantôt son emploi de couleurs chatoyantes.

Le texte est écrit, par plusieurs mains, en textura à l'encre noire et rouge sur une colonne de 15 lignes par page, avec rubriques et rehauts aux petites capitales en or sur fond bleu et rouge filigranées de blanc, réglures à l'encre brune et bouts de ligne en bleu et rouge séparés par un besant d'or (à l'exception du f. 89v qui compte treize lignes et du f. 92v qui en comprend seulement trois).
Le calendrier est écrit en textura or, bleue et rouge, et présenté sur une colonne de 16 lignes par page. La composition du manuscrit est la suivante :
• Calendrier complet des douze mois (f. 1r-12v), indiquant notamment les fêtes des saints locaux, dont sainte Austreberthe, abbesse de Pavilly (f. 2r), la translation de saint Ouen, archevêque de Rouen (f. 5r), saint Godard, archevêque de Rouen (f. 6r), saint Philibert, abbé de Jumièges (f. 8r), saint Maurille, archevêque de Rouen (f. 9r), saint Mellon, archevêque de Rouen (f. 10v) et bien entendu saint Romain, saint fondateur du diocèse de Rouen, nommé à 3 reprises (f. 2v, f. 6v - en sa translation - et f. 10v) ;
• Périscopes des évangiles de saint Jean, saint Luc, saint Matthieu et saint Marc (f.13r-18r) ;
• Prière Obsecro te (f. 18r-21v) suivie du O intemerata (f. 22r-25r) ;
• Heures de la Vierge (f. 26r-67r) avec 7 suffrages après les laudes (Saint-Esprit, saint Nicolas, saint Michel, sainte Catherine, sainte Barbe, tous les saints et pour la paix) ;
• Sept Psaumes de la Pénitence et Litanies des saints (f. 68r-84v) ;
• Petites Heures de la Croix et du Saint-Esprit, très lacunaires (f. 86r-92v) ;
• Office des morts (f. 93r-120v) ;
• Les Quinze Joies de Notre-Dame (" Doulce Dame de miséricorde […] ") et les Sept Requêtes (" Douls Dieu, douls Père, Sainte Trinité […] ") (f. 121r-128v).

Le manuscrit est décoré de grandes initiales en bleu sur fond d'or, soulignées de vermiculures rouges et bleues rehaussées d'encadrements et de champs filigranés ou pointillés de blanc, et de petites initiales champies décorées en or sur fond bleu et rouge filigranées de blanc. Sur certaines pages, la hiérarchisation des sections à l'intérieur des offices se fait à l'aide d'une baguette en bordure marginale à la décoration très sobre, végétalisée de fleurs rouges et bleues sur fond noir pointillé de besants d'or et délimitant la colonne de texte.

Les pages de texte les plus décorées sont celles qui présentent une bordure à triple marge encadrant le texte, ornée de rinceaux bleus et or et de feuillettes sur lesquelles se déploient des feuilles vertes, des fleurs trilobées en or et quadrilobées bleues et rouges. Six grandes et belles miniatures ornent ce manuscrit, avec une décoration marginale similaire à celle évoquée plus haut, selon une homogénéité propre au cercle des enlumineurs proches du Maître de l'Échevinage. Décentrée vers le coin supérieur de la page, chaque miniature est bordée d'un trait doré arqué dans la partie supérieure, et doublée d'une ligne rouge encadrant aussi le texte (sur trois lignes) et la lettrine :
•1. Annonciation (f. 26r) : cette miniature présente une bordure originale ornée de cinq médaillons dont deux figuratifs : Adam et Ève de part et d'autre de l'arbre de la connaissance sur le tronc duquel est enlacé le serpent à visage humain ; une sirène se peignant devant un miroir, figure très récurrente et issue des bestiaires, tout comme le coq peint sous ce médaillon (ces figures raides aux visages anguleux et aux yeux ronds, présentent un lien évident avec la facture propre au Maître de l'Échevinage). Les quatre autres médaillons sont garnis d'une décoration de fleurs blanches trilobées, rouges et bleues, et de rinceaux bleus et blancs sur fond or.
•2. Nativité (f. 50r)
• 3. Le roi David en prière (f. 68r)
•4. Crucifixion (f. 86r)
•5. Office des morts (f. 93r) 6. Vierge à l'Enfant (f. 121r) : cette miniature, d'un grand raffinement, est celle qui est la plus proche du style du Maître de l'Échevinage, non seulement par l'emploi de couleurs vives et la représentation de vêtements tombant dans un drapé anguleux, mais surtout par la présence de la figure, très récurrente dans les miniatures connues du Maître de l'Échevinage, d'une dame en prière portant un voile de veuve, archétype de la commanditaire du manuscrit. Quelques taches et salissures marginales. Mouillure et bavure aux 2 dernières lignes du f. 36r. Reliure un peu frottée avec accrocs au dos et aux coiffes.
Bibliographie : Claudia Rabel, Artiste et clientèle à la fin du Moyen Age : les manuscrits profanes du Maître de l'échevinage de Rouen, Revue de l'art, vol. 84, 1989, p. 48-60 -
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