Lot n° 48
Sélection Bibliorare

Max JACOB (1876-1944). 7 L.A.S, Saint-Benoît sur Loire 1925-1926, à son ami le collectionneur Adolphe Aynaud, à Lille ; 18 pages in-8, une enveloppe. Très belle correspondance au collectionneur lillois à qui Jacob vend des gouaches, donne...

Estimation : 800 / 1200
Description
des conseils, évoque ses souvenirs de Montmartre, et parle de son œuvre. 4 mai 1925. « La gouache que vous avez dans votre collection fait partie d’une série de formes cubistes que j’étudiais l’an dernier. Elle a été inspirée vaguement par les paysages de la Côte d’Or et les environs de Semur et ne prétend pas à la ressemblance. Je cherchais des harmonies ; et je retournerai bientôt à ces méthodes excellentes ». Il demande de garder le secret sur ces gouaches, craignant de causer de la peine à son marchand… 7 mai. Il a reçu le paiement des trois gouaches, qu’il avait emballées avec soin. Sa préférée est La rue Ravignan « qui me parait plus “peintre” que les autres. Les trois chevaux ont plu à mon entourage. Le Théâtre m’a surtout semblé une difficulté à vaincre : il est presque impossible de donner la lumière au décor quand on la donne à la rampe »… 12 novembre. Il a quelques scrupules à faire concurrence à son ami et marchand André Level, qui lui achète ses gouaches 400 francs, et les revend plus de mille. Aussitôt achevée la Procession qu’il peint pour Level, il fera une ou deux gouaches pour Aynard, « du Pouldu, du Douarnenez ou du Locronan ». L’Italie l’a enchanté, surtout la Baie de Naples, Amalfi, Positano : « j’aime surtout les peintures pompéiennes, les mosaïques chrétiennes et païennes, la campagne de Florence et ma propre âme rencontrée partout là-bas »… 19 janvier 1926. Il a fait une chute lors de son séjour à Paris, et ne l’a pas invité, arrêté par un « scrupule de délicatesse. Vous seriez venu me voir dans un logis très modeste et indigne de vous ». Il espère qu’ils auront bientôt l’occasion de se rencontrer enfin… 25 janvier. Il part faire une conférence en Espagne. Il se réjouit qu’Aynard ait eu des débuts difficiles : « cela nous rapproche. Quant à moi j’ai “fait” vingt ans de misère et un médecin me disait que j’en paie les conséquences ». Il connaît bien l’œuvre du Douanier Rousseau « dont le principal collectionneur fut mon ami intime Serge Jaztrebzoff » [Serge Férat], qu’Aynard peut contacter de sa part. « Picasso connait aussi fort bien l’œuvre de Rousseau mais il ne vous répondrait pas ». Il le remercie de parler de lui : « j’ai grand besoin qu’on élargisse mon nom qui n’est connu qu’à Paris et à l’étranger ». Il évoque ses souvenirs sur Maurice Utrillo, qu’il a bien connu : « Quelle figure ! Je me le rappelle assis au bord d’un trottoir un litre à la main. Pas de boutons à la veste mais des ficelles, pas de chemise, pas de chaussettes, le nez saignant ». Ivrogne, il insultait les boutiques avant de les briser d’un pavé dans la vitrine ; il molestait les peintres modestes et les petits vieux de la Place du Tertre : « La police arrivait ! On m’envoyait chercher Suzanne Valadon qui arrivait en larmes. Et voilà Maurice expédié à Picpus. là on le martyrisait ! Les infirmiers volaient les toiles et le suppliciaient quand il se plaignait », lui faisaient boire du bromure, ce qui le tuait. Quand on obtenait enfin de le sortir, « il se promenait dans Paris avec un gardien qui le faisait boire ! Voilà la vie de ce génie. Celle de Suzanne Valadon n’était pas plus heureuse »… Il n’ose pas donner de prix pour ses peintures : « Level vend mes toiles 1800 francs. Elles font jusqu’à 4000 à l’Hôtel. […] J’ai une église de Bretagne avec des personnages », qu’il doit vendre mille francs en Espagne, mais qu’il propose à Aynard à ce prix… 15 mars. Il donne « des noms de jeunes » à lire : « Vous connaissez la bande Cocteau. Radiguet, Morand, Giraudoux, Delteil, Mac Orlan, moi, etc. Vous connaissez aussi la bande surréaliste André Breton, Louis Aragon, Paul Éluard, Michel Leiris, René Crevel, Soupault, Robert Desnos, Benjamin Péret, Vitrac […]. Il faudrait un volume pour parler de ces mouvements modernes. […] Il y a aussi le clan catholique Maritain, Reverdy, Claudel, Stanislas Fumet, Chesterton, Ghéon, Henri Pourrat, Ramuz », etc. Il joint à cette lettre une liste complète de ses œuvres, en commençant par Le Roi Kaboul et le marmiton Gauvain et Le Géant du Soleil, « introuvables » (1904), jusqu’aux Pénitents en maillots roses, recueil de poésie paru chez Kra en 1926, et son Tableau de la bourgeoisie, actuellement sous presse, « grand luxe illustré par l’auteur, Gallimard ». Il annonce ses ouvrages en préparation : Anatomie religieuse chez Jean Fort, Gribouille ou les gants blancs et Contes du garage, tous deux chez Gallimard, Poème... Il n’a mentionné ni ses articles, ni ses conférences, ni son théâtre … 24 mars. Tous les noms bretons cités par Aynard lui rappellent son enfance : « J’ai connu de vue toute ma vie le chanoine Peyron mais ma famille était juive et il y avait un précipice que l’amour de l’archéologie seul comblait ». Le Roi Kaboul et Le Géant du Soleil sont absolument introuvables : « L’un parut en livre chez Picard et Kaan […] en 1904, l’autre en feuilletons dans les Lectures de la Semaine, revue de famille qu’éditait la Librairie Générale rue Dante. Il pourra trouver plus facilement Alliés en Arménie, et Matorel, à la Galerie Simon… Il est d’accord pour une exposition religieuse : « Mais je n’ai pas une gouache chez moi. Tout part aussitôt fait. Demandez à Level […] il a justement des peintures religieuses qu’il admire et qu’il exposera volontiers »…
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