Lot n° 111
Sélection Bibliorare

Paul VERLAINE. L.A.S. avec dessins, Stickney 8 février 1876, à Irénée Decroix à Fiefs par Heuchin (Pas-de-Calais) ; 4 pages in-8, enveloppe (timbres découpés).

Estimation : 15000 / 20000
Adjudication : 15000 €
Description
Magnifique lettre illustrée de deux pages de dessins avec deux autoportraits.Il a perdu la lettre qu’il avait commencée, « accompagnée de beaux (beaux ?) dessins », et il en recommence une autre « ornée de non moins autres bonshommes pour lesquels je réclâme toute votre indulgence ». Il salue l’effondrement des bonapartistes aux élections sénatoriales du 30 janvier [Verlaine était devenu néo-monarchiste] : « bravo pour le Pas-de-Calais, enfin désembadinguisé. Excellentes élections puisqu’il paraît que ce M. Huguet, maire de Boulogne, est un républicain des plus modérés, révisionniste et catholique [...]. Mais que vont être les grandes élections ? » Il félicite aussi « le Merle » [de Decroix père, qui lui avait appris à siffler le refrain anti-bonapartiste] : « En apprenant la mirifique culbute de ses mortels ennemis, en a-t-il du pousser des “L’pèr’, la mèr’ Badingue”. Heureux coquin ! » Puis il évoque un projet de spéculation numismatique « à propos des pièces du Pape. Il y a là, je crois, toute une petite affaire à réaliser. Donc ne vous lassez pas de collectionner »... Il a reçu des nouvelles du « grrand Ernest [Delahaye] qui se porte bien, “potasse” à mort son “bachmard” [baccalauréat] et très-certainement, vers août prochain, reviendra dans nos départements cueillir les lauriers universitaires dont il a déjà fait l’an dernier une moisson qui ne le rend que plus insatiable. Il serait fameux de saisir cette occase pour l’entrainer vers la blonde Albion sur le rivage de laquelle je vous attendrai prêt à vous piloter tous deux dans la capitale (pas jolie, mais très-intéressante) de ce pays tout à fait curieux pour les “Continentaux” comme ils nous apppellent »... Il donne son adresse à la Grammar School de Stickney près de Boston (Lincolnshire), et ajoute : « Quant au mal de mer, merci de votre bonne sollicitude. Grâce à un plantureux déjeûner, et malgré une mer atroce je n’ai pas cessé de fumer et causer tranquillement avec un voyageur français également invincible. » Une pleine page de dessins à la plume, avec légendes, représente : « Notre voyage à travers les terres labourées, par cette bonne petite gelée », avec cette citation détournée du Montagnard exilé de Chateaubriand : « Ma sœur, t’en souviens tu des jours / De France / Et du soleil levant si beau ? » À gauche, sous « la cloche qui sonne faux », « le soleil levant » à l’effigie d’Elias Howe (l’inventeur américain de la machine à coudre [Decroix était commis-voyageur]). Au centre, Verlaine, avec chapeau, cache-nez, grand parapluie, sac de voyage, disant dans une bulle : « Heureusement que Sarcey est un imbécile », et Irénée Decroix montrant du doigt la direction à suivre etn disant : « Encore une petite demi-heure » ; dans le ciel, « Le soleil levé » (avec les traits d’Elias Howe). À droite, « le mossieu aux belles moufles », marchant vers la gare avec la pancarte « St Pol. Pas-de-Buffet », et un minuscule train fumant.Sur la 4e page, grand dessin à la plume à pleine page : Verlaine s’est représenté en redingote, chapeau melon et pipe à la bouche, tenant à deux mains « Mon drapeau (jusqu’à la Révision) », grand étendard à l’effigie d’« Elias Howe, U.S.A. », et aux devise : « A bas Sarcey ! Vivent les œufs crus ! Pourtant pas trop n’en faut ». Sur la pointe du drapeau, le Merle chante : « L’père, la mère Badingue ».[Correspondance générale, 76-3.]
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