Lot n° 176
Sélection Bibliorare

Proust Marcel [Paris, 1871 - id., 1922], écrivain français. Lettre autographe signée, adressée à Harry Swann. [Paris, 11 décembre 1920] ; 8 pages in-12, enveloppe timbrée jointe. (Publiée dans la Correspondance XIX 360, p. 660-661). « C’est par un miracle véritable que je peux vous répondre. Depuis que je suis si malade, des milliers de lettres se sont entassées sans que je les ouvre. ....... TRÈS BELLE LETTRE DE MARCEL PROUST ÉVOQUANT SES ROMANS ET L ’ORIGINE DU CHOIX DU NOM DE SWANN.

Estimation : 15 000/20 000 €
Description
[Paris, 1871 - id., 1922], écrivain français. Lettre autographe signée, adressée à Harry Swann. [Paris, 11 décembre 1920] ; 8 pages in-12, enveloppe timbrée jointe. (Publiée dans la Correspondance XIX 360, p. 660-661). « C’est par un miracle véritable que je peux vous répondre. Depuis que je suis si malade, des milliers de lettres se sont entassées sans que je les ouvre. Quel hasard a donné ce sort différend à la vôtre et aussi m’a donné un instant de force pour y répondre, c’est ce que j’ignore. Il est d’ailleurs assez fâcheux pour nous deux que ce soit justement cette lettre là que j’ai lue. Car je ne suis pas en mesure de vous fournir le renseignement que vous me demandez. Quand j’ai fait paraître, il y a huit ans (et écrit il y en a douze) “Du côté de chez Swann” (paru en 1913), j’étais déjà fort malade et pour beaucoup de noms, je me suis servi tout simplement, comme faisait Balzac, de noms réels appartenant à des gens existants. Mais ce ne fut pas le cas pour mon héros, car je me connaissais et n’avais entendu parler d’aucun Swann. Le prototype de Swann, c’était M. Charles Haas, Haas l’ami des princes, l’israélite du Jockey [Club]. Mais ce n’étais qu’un point de départ. Mon personnage évolua bien entendu autrement. Malgré tout je voulus chercher un nom d’apparence qui put être anglo- saxonne et donner à mon oreille la sensation de blanc de l’a précédé d’une consonne et suivie d’une autre (je vous dis tout cela confidentiellement bien qu’il n’y ait aucun secret, mais parce que après plusieurs années écoulées, je peux me tromper sur la chimie assez particulière qui se passe dans notre cerveau quand nous fabriquons un nom). Les deux n étaient destinés à compenser les 2 a, à éviter l’idée de cygne liée à M. de Guermantès (en quoi j’avais raison puisque une soeur du roi d’Angleterre dit, soit par esprit, soit par naïveté: Du côté de chez Swann. C’est l’histoire de Léda vue du côté du cygne). Si je n’étais si fatigué j’aurais mille choses amusantes à raconter à ce sujet. Mais une réflexion que je ne puis m’empêcher de faire avec mélancolie, c’est le peu de choses qu’est ce qu’on nomme notoriété (et qui j’avoue m’est absolument indifférent). Voici un livre qui a paru il y a près de huit ans. Si je ne connaissais aucun Swann avant, en revanche après plusieurs Swann (comme je sortais encore un peu) se firent présenter à moi, bien qu’en vérité je n’eusse pas cherché à leur faire le plaisir qu’ils disaient éprouver, puisque je ne les connaissais pas. Le livre fut commenté dans presque tous les pays (même en Chine). Il m’a valu d’être décoré, et ce qui flatterait plus un auteur revenu de tout, on a fondé en Belgique, en Angleterre, des clubs portant le nom de Swann où des lecteurs (la modestie m’empêche de dire des admirateurs) se réunissaient pour parler de moi. Tous les grands journaux anglais français et italiens y sont revenus à plusieurs reprises. Avec ce livre que, si j’étais fat, je pourrais croire comme, est inconnu, je le vois par votre lettre, d’un homme évidemment lettré (votre lettre le prouve) et dont le nom est justement Swann. Avouez qu’il y a là une leçon quasi religieuse infligée à un auteur, s’il avait été tenté de se croire en vue (?). Hélas Monsieur, au moment où vous venez de connaître mon “Swann” il va justement mourir et jusqu’à son nom s’efface des derniers volumes car sa femme épouse M. de Forcheville et sa fille change également de nom. Heureusement la mort du héros ne se répercute en rien sur la santé de ceux qui dans la vie portent son nom et qui continue à rester très bonne. J’espère qu’il en est ainsi de la vôtre. Ce n’est pas le cas hélas pour la mienne. Veuillez agréer Monsieur, l’expression de mes sentiments les plus distingués. Marcel Proust. » TRÈS BELLE LETTRE DE MARCEL PROUST ÉVOQUANT SES ROMANS ET L ’ORIGINE DU CHOIX DU NOM DE SWANN.
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