Lot n° 116
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Sélection Bibliorare

PSAUTIER A L’USAGE DE GAND (BRUGES, MILIEU XIIIe S., V. 12551260, EXECUTE DANS L’ATELIER DU « MAITRE FRANCISCAIN DE BRUGES). Parchemin. 174 ff. non foliotés, mesurant 158 x 106 mm (justification : 100 x 61 mm ou 75 mm si l’on englobe les...

Estimation : 100 000 - 150 000 €
Adjudication : 290 000 €
Description
initiales). Réglure à la mine de plomb, 20 longues lignes par page.
La reliure est trop serrée pour envisager un compte des cahiers, or ceux-ci sont sans signature ni réclame.
Le manuscrit est peu annoté.
Quelques additions plus récentes ont cependant été ajoutées sur 2 feuillets insérés en tête de l’ouvrage et au recto des 5 miniatures en pleine page (f. 8 à 12).
On relève cependant l’absence du premier feuillet du calendrier (janvier-février) et du premier feuillet page de titre du psautier (Beatus vir //).
Pour le reste, le manuscrit est bien complet.
Reliure maroquin brun sur ais orné sur les plats d’un triple encadrement, dos plat orné de même.
2 fermoirs avec lanières en soie, tr. dor. (XVIIe s.).

Les marges de ce manuscrit ont été rognées à la reliure.
CONTENU
f. 1-2v° (d’autre main plus récente que le celle du corps de l’ouvrage) :
[ORATIONES PASSIONIS IESU CHRISTE. Oratio I.] O domine ihesu christe eterna dulcedo...
— (f. 1v°) [Oratio II] O ihesu christe vera libertas angelorum...
— Oratio III . O ihesu fabricator mundi quam nulla dimensio...
— Oratio IIII . O ihesu celestis medice recordare...
— Oratio V. O ihesu christe speculum claritatis...
— (f. 2) Oratio VI . O ihesu christe rex amabilis...
— Oratio VII. O ihesu fons in exhauste pietatis et potestatis...
— Oratio VIII. O ihesu christe dulcedo cordium...
— Oratio IX. O ihesu christe regalis virtus...
— (f. 2v°) Oratio X. O ihesu christe alpha et omega...
— [Oratio XI.] O ihesu christe abissus profundissime...
— [Oratio XII.] O ihesu christe veritatis sperulum unitatis signum...
— [Oratio XIII.] O ihesu christe leo fortissimis rex immortalis...
— [Oratio XIV.] O ihesu christe unigenitue altissimi parris splendor et figura....
— [Oratio XV.] O ihesu christe vitis vena et facunda memento...
— f.3-7v° : CALENDRIER discontinu de Bruges. (17 mars) « Gertrudis virg. »
— (30 avril) « Depositio s. Herenberti ep. »
— (26 mai) « Francisci mart. »
— (14 juin, en rouge) « Translatio s. Basilii ».
— (3 juil.) « Translatio s. Thome ».
— (15 juil.) « Divisio apostolorum ».
— (22 juil., en rouge) « Marie Magdalene ».
— (12 août) « Clare virg. »
— (1er sept., en rouge) « Egidii abb. ».
— (3 sept.) « Bertini abb. ».
— (9 septembre) « Audomari ep. »
— (17 sept.) « Lamberti ep. et mart. »
— (25 sept.) « Firmini ep. et mart. »
— (1er oct., en rouge) « Remigii, Germani, Vedasti, Bavonis ».
— (8 oct.) « Benedicte virg. »
— (9 oct., en rouge) « Dyonisii et sociorumque ejus ».
— (14 oct.) « Donatiani ep. »
— (19 oct.) « Amati ep. et mart. »
— (26 oct.) « Amandi ep. »
— (6 nov.) « Winnoci mart. »
— (27 nov.) « Maximi ep. et conf. »
— (1er déc.) « Eligii ep. et conf. ».
— (14 déc., en rouge) : « Nicasii ep. et mart. ».

Nota. Un calendrier sans grandes surprises, où l’on trouve les grandes strates de la christianisation de l’espace gallo-romain puis de son organisation mérovingienne.
f. 8r°, 9r° et 10r° (De la même main que la précédente.
Le verso est occupé par des illustrations en pleine page) :
[MEDITATIONES.] Meditacio post matutinas aut conclusio, matutinarum.
Domine Ihesu Christe fili Dei et vivi qui hora matutina a Juda tradi...
— Meditacio deprecatina et conclusiva primarum. Domine Ihesu Christe fili Fei vivi qui hora diei prima permisisti...
— Meditacio deprecatina et conclusiva Tierciarum. Domine Ihesu Christi fili Dei vivi qui hora tercia linguis in Deorum cruci fuisti...
— Meditacio post Sextam. Domine Ihesu Christi fili Dei vivi qui hora diei tercia ante crucem fuisti denudatus...
— [Post nonam.] Domine Ihesu Christi fili Dei vivi qui hora Diei nonas in cruxem pendens...
— [Post vesperas.] Domine Ihesu Christi fili Dei vivi qui hora Diei vespertia cum piscipulis tuiq...
— [Post completorium.] Domine Ihesu Christi fili Dei vivi qui hora Diei competorii dixisti, tristis est anima mea.
— Has horas canonicas cum devotione... tradidit illum. Oremus. Domine ihesu christe... quia dixisti nolo mortem peccatoris ut supra in matutinas.

Nota. Ces méditations, dont la composition est attribuée au pape d’Avignon Benoît XII
(1334-1342), semblent avoir été de quelque importance à la charnière des XVe et XVIe s. ; éditées très tôt, elles figurent à la fin du Precordiale devotorum (Strasbourg, Johann Prüss, 1489 ; Paris, Geoffroy de Marnef, 1501 ; Paris, Guy Marchand, 1503 et 1509), seules éditions connues à ce jour.

─ f. 11r° et 12r° (d’une main plus récente, XVIe-XVIIe s. Le verso est à nouveau occupé par des illustrations en pleine page.) : A domino factum est istud (Ps. 117, 23). — Actiones nostras quesumus domine aspirando (MOELLER 74).
─ f. 12r° : [Benedictio aquae.] Benedic domine hanc aquam benedictione celesti. — J. DESHUSSES, Le sacramentaire grégorien [Fribourg, 1982], n° 4322.
─ f. 13-155v° : PSAUTIER BIBLIQUE sans hymne ni antiennes (le début manque). [Beatus vir] // Qui non abiit in consilio imperium (Ps 1.1).

Nota . La division biblique ici mise en œuvre est une combinaison de la division en cinq livres du psautier, comme dans la Bible, et de sa division fériale, ce qui aboutit en une division en dix parties, ce qui dicte ici la décoration.

─ f. 155v°-170 : CANTIQUES BIBLIQUES. Confitebor tibi, Domine, quondam iratus es (Is., XII) - Ego dixi : In dimidio dierum meorum (Is., XXXVIII, 10-21) - Exultavit cor meum in Domino (I Sam., II, 1-11). - Cantemus, Domino, gloriose enim (Ex., XV, 1-20). - Domine, audivi auditionem tuam (Hab., III). - Audite, caeli, quae loquar (Deut., XXXII, 1-44) - Benedicite, omnia opera Domini (Dan., III, 57-89). - Benedictus Dominus Deus Israel (Luc, I, 68-80). - Magnificat anima mea Dominum (Luc, I, 46-56). - Nunc dimittis servum tuum, Domine (Luc, II, 29-33) - Quicumque vult salvus esse (Symbole de la foi ou Symbole d’Athanase. — CPL 167, 1052, 1747 et 1762).
─ f. 170v°-173 : LITANIES. « (...) s. Benedicte, Winnoce, Servati, Odomare, Bertini, Nicolae, Martine, Bricti, Gudwale, Bavo, Remigi, Vedaste, Germane, Ambrosi, Jeronime, Ausberti, Machuto, Eusebi, Egidi, Eligi, Wulframne, Basili, Dominice, Francisce et Omnes sancti confessores ; s. Marie Magdalena..., Aldegundis, Radegundis, ... Affra..., Walburgis..., Pharahildis, Eufemia, Landradis, et omnes sancte virgines.
─ f. 173v°-174 : ORATIONES. Omnipotens sempiterne Deus dirige actus nostros (MOELLER 3830). — Deus qui corda fidelium (MOELLER 1666). — Deus qui unigeniti filii (MOELLER 2149). — Concede nos famulos tuos (MOELLER 706). — Exaudi nos deus salutaris (MOELLER 2498). — Omnes sancti tui quesumus (MOELLER 5357). — Exaudi quesumus domine supplicans preces (MOELLER 2541). — Fidelium deus omnium conditor (MOELLER 2684b).
— Per te ihesu christe salvator mundi. Qui cum patre et spiritu sancto vivis et regnas deus.

LITURGIE
Le calendrier et les litanies apportent-ils des éclaircissements sur les commanditaires du manuscrit ? Le calendrier est celui de Bruges. Mais il faut rappeler que l’ensemble de la région, jusqu’à la rive droite de l’Escaut, relevait alors du diocèse de Cambrai.

Le calendrier offre cependant quelques surprises. Certes on y trouve les saints gallo-romains responsables du début de la christianisation de cette partie du regnum Francorum — Servais (13 mai), Paulin (31 août), Firmin (25 sept.), Denys et ses compagnons (9 oct.), Donatien (14 oct.), Amand (26 oct.), Quentin (31 oct.), Maxime (27 nov.) — auxquels viennent s’ajouter les saints issus du développement et de l’organisation de l’Église franque d’Austrasie pendant la période d’expansion précarolingienne — Gertrude de Nivelle (17 mars) ; Audomar (ou Omer) de Thérouanne (9 sept.), qui consacra prêtre saint Wandrille, et Bertin (5 sept.) ; Lambert de Maestricht (17 sept.) ; Remi de Reims, Bavon de Gand, Germain et Vaast d’Arras (1er oct.) ; Amé de Sens (16 oct.) ; Winnoc de Bergues (6 nov.) ; Éloi de Noyon (1er déc.). Trois saints sont apparus à une date beaucoup récente : Thomas Beckett († 29 déc. 1170) — seul élément anglo-saxon avec le roi de Northumbrie Oswald (12 août) —, et surtout François d’Assise († 25 mai 1226) et Claire († 12 août 1253), ces deux derniers honorés aussi, associés dans le présent manuscrit, par une superbe miniature.
Si le calendrier offre quelques singularités, les litanies suffisent à les expliquer. Ainsi, Eremberg, natif du Pecq (Seine-et-Oise) dont on commémore ici la déposition le 30 avril : il s’agit d’un évêque de Toulouse (VIIe s.), complètement ignoré à Toulouse mais, pour y avoir séjourné, vénéré à l’abbaye de Saint-Wandrille de Fontenelle, au diocèse de Rouen, depuis le VIIIe siècle. Il n’apparaît d’ailleurs que dans des manuscrits liturgiques selon l’usage de Saint-Wandrille, mais le 1er juin (V. Leroquais,
Les sacramentaires mss., t. I, p. 136 ; ID., Les bréviaires mss., t. IV, p. 98 ; ID., Les psautiers mss., t. II, p. 188), exceptions faites de deux martyrologes hiéronymiens de l’abbaye bénédictine de Wissembourg (Bas-Rhin) ; sa déposition apparaissant sur l’un le 3 janvier [translation de 703 ?] (Wolfenbüttel, Herzog August-Bibliothek, Codex Guelf. 81 Weiss., add. XIIe s. sur un ms. du VIIIe s.), ce qui est sans doute fantaisiste, et sur l’autre le 30 avril (Wolfenbüttel, Herzog August-Bibliothek, Codex Guelf. 45 Weiss., XIIe s.), commémorant la translation de 1025, comme ici, dans notre manuscrit. Saint Wandrille nous ramène à Gand car, pour éviter les profanations des pirates normands, ses reliques furent emportées en Boulonnais en 858, où elles furent enlevées de force en 944 par le Comte d’Artois, Arnoul le Vieux, qui les partagea entre les abbayes Saint-Gérard de Brogne et du Mont-Blandin à Gand.
Les litanies, où se trouvent l’un après l’autre, Gudwal et Bavon, renforcent l’attribution gantoise de ces litanies. Conséquence du danger que faisaient courir les Normands aux communautés religieuses, le corps de Saint Gudwal (VIe s.), dont le nom est associé à des nombreux sanctuaires bretons, province où il vécut, fut transféré au Xe siècle à l’abbaye Saint-Pierre et Saint-Paul de Gand. Cette identification se trouve confirmer par la présence des deux saintes, Landrada († ap. 690) considérée comme la fondatrice de l’abbaye de Munsterbilzen (Limbourg belge, Belgique, Flandre orientale) dont les reliques furent transférées en 980 à l’abbaye Saint-Bavon de Gand, et Pharahilde († 740) qui vécut à Bruay-sur-l’Escaut (Nord), où elle fut d’abord enterrée, et dont le corps fut par la suite transféré à Gand, dont elle devint la sainte patronne avec Saint Bavon.

DÉCORATION
La décoration de ce psautier présente une remarquable homogénéité.
Elle se compose :
■ CINQ GRANDES MINIATURES EN PLEINE PAGE sur fond or :
1) S. François et Ste Claire.
2) Annonciation.
3) Nativité.
4) Adoration des mages.
5) Crucifixion.
Les miniatures en pleine page reposent sur une mise en page commune, tant dans leur présentation que dans la méthode picturale.
L’encadrement est fondé sur une bande dorée soulignée d’un trait extérieur noir, des bandes bleues et mauve pâle, un festonnage ou des croisillons venant en briser la monotonie. À l’intérieur, la scène est située sous un arc trilobé surmonté d’une architecture avec deux ou 4 clochers, qui montent au-delà de l’encadrement, les toits étant bleus, dorés ou vert émeraude. La scène est peinte sur un fond or. La Vierge est vêtue d’une robe brune et d’un manteau bleu ; à l’inverse, Joseph et saint Jean
portent une robe bleue et un manteau brun. La palette de l’artiste est en effet assez réduite
: il faut y ajouter un beau gris, le blanc, un vert émeraude et un rouge orangé sur les nimbes.
Les visages, dans l’ensemble très beaux et fins, sont présentés de trois quarts, une tache orangée soulignant la bouche et les joues. Les habits de saint François et de sainte Claire sont très bien peints, quand ceux des robes et manteaux bleus semblent avoir été soumis à une attention moins soutenue — ce qui n’est pas le cas des robes et manteaux bruns —, et la pause des personnages et leur gestuelle restent rudimentaires.
■ 10 MINIATURES DE TAILLE MOYENNE sur des fonds alternativement bleus
et mauve pâle dans un encadrement à l’or figurant les occupations du moi (f. 3-7v°) : un personnage émondant un arbre à la serpe (mars) ; un personnage tenant des rameaux ou branches dans les mains (avril) ; un fauconnier son faucon sur le poing (mai) ; personnage portant un fagot sur le dos (juin) ; personnage fauchant le foin (juillet) ; personnage moissonnant à la faux (août) ; un vendangeur (septembre) ; un personnage semant (octobre) ; la glandée (novembre) ; l’abattage du cochon (décembre).
Ces miniatures sont d’une hauteur moyenne de 20 lignes, soit plus de la moitié de la hauteur de la surface écrite.
Le fond de la miniature est alternativement mauve pâle ou bleu avec rehauts filiformes blancs.
Les personnages, animés d’une vive gestuelle, sont tous vêtus d’une robe camaïeu orange-jaune, dont les plis sont soulignés des traits noirs, avec des chausses bleu-vert.
Les visages, bien dessinés, sont fins ; lèvres et bouche sont soulignées d’une tache orangée. L’occupation du mois permet la présentation d’outils divers : serpe, serpette, faucille, faux et hache.
■ 9 INITIALES HISTORIÉES SUR FOND OR, hautes de 9 lignes, avec un développement dans les marges qui peut occuper la hauteur de la surface écrite ou la totalité de la marge supérieure, marquant les grandes divisions du psautier biblique.
La première : B (Ps. 1) manque.
— 2) D : Ps. 26 (f. 34v°).
— 3) D : Ps. 38 (f. 49).
— 4) Q : Ps. 51 (f. 61v°).
— 5) D : Ps. 52 (f. 62).
— 6) S : Ps. 68 (f. 75).
— 7) E : Ps. 80 (f. 92).
— 8) C : Ps. 92 (f. 107).
— 9) D : Ps. 101 (f. 109v°).
— 10) D : Ps. 109 (f. 122v°).
Elles présentent, comme les miniatures ci-dessus, des caractères communs. Elles sont placées dans un encadrement à l’or et un fond, entre l’encadrement proprement dit et l’initiale, bleu ou mauve pâle rehaussé d’un festonnage ou de croisillons blancs. Le fond de l’initiale est peint à l’or. Elles figurent des prophètes vêtus de robe bleue, sur laquelle repose un manteau brun-rouge, ou l’inverse. Tous ont un beau visage très fin et sont nimbés. Ils sont assis sur un banc vert émeraude et tiennent dans leur main droite un livre (f. 61v°, 92, 75, 109v°, 123v°), à l’exception du premier, saint Pierre, qui brandit une clé (f. 34v°).
■ 190 INITIALES CHAMPIES DE TAILLE MOYENNE (généralement 3 lignes) peintes à l’or sur un fond bleu et mauve pâle rehaussé de filets blancs.
Les initiales champies se répartissent ainsi : 140 au début des psaumes, 11 au début des cantiques, 1 au début des litanies et 9 au début des orationes, mais il faut en ajouter 21 au début de chacune des sections du psaume 118, pour un total de 180, auxquelles on pourra encore ajouter les 10 « KL » marquant le début de chaque mois du calendrier.
Cependant, un certain nombre d’entre elles peuvent atteindre de l’ampleur lorsque la forme de l’initiale (hampe ou haste) et sa situation dans la page l’autorisent. Ainsi le « I » peut s’allonger dans la marge sur toute la hauteur de la partie écrite, soit 20 lignes (f. 19v, 33v, 37v, 42v, 71v, 88, 95v, 107v, 124v, 128v, 135) ; les « Q » et « P », lorsqu’ils sont situés en bas de page, descendent nettement dans la marge inf. (f. 90v, 101v, 120, 131, 133, 136v, 139), quant aux « F » et aux « L », leur forme même autorise des développements dans la marge, jusqu’à une hauteur pouvant atteindre 8 lignes, surtout s’ils sont situés en haut de la page (96v, 124, 126, 134, 135, 138, 152v, 153, 153v, 155v).
■ UNE PETITE INITIALE MARQUE LE DÉBUT DE CHAQUE VERSET des psaumes et cantiques, et de chaque saint honoré dans les litanies. Elles sont alternativement peintes à l’or, filigranées bleu, et en bleu filigranées rouge. Le reste de la décoration consiste en bouts de ligne bleus et rouges.

PROVENANCE
Ce manuscrit a été exécuté à Bruges. C’est un bon exemple de la production de cette ville au milieu du XIIIe siècle. Peut-on être plus précis ? La présence de saint François et de sainte Claire est évidemment très importante car, illustrée ainsi, elle est très exceptionnelle – voire unique.
L’un et l’autre sont nimbés, et cela illustre une situation postérieure à leur canonisation (1228 pour François d’Assise ; 1255 pour sainte Claire). Ce manuscrit est donc postérieur à cette année-là. Partant de là, il est très tentant d’en attribuer la paternité à un atelier connu sous le nom de « Maître Franciscain », actif dans le troisième quart du XIIIe siècle à Bruges où, rappelons-le, les Franciscains sont présents depuis 1225, comme à Gand d’ailleurs Sans être exceptionnelle, sa production est de très bonne qualité. Enfin un examen attentif de chaque miniature, de chaque initiale historiée montre à la fois une belle unité mais aussi quelques différences d’habileté, ce qui tend à montrer que ce manuscrit est le fruit d’un travail d’atelier.
Notre manuscrit appartient à un groupe de psautiers exécutés par des franciscains et très probablement pour des franciscains. K. Carlvant (op. cit., p. 53), qui les a étudiés, en a repéré cinq appartenant à cette famille : Cambridge, St John’s College, MS N 19 (v. 1240-v. 1265) — Madrid, Biblioteca Nacional, MS Vitr. 23-9 (v. 1250-v. 1255) — New York, Morgan Library, MS M 106 (1255-v. 1256) — Paris, Bibl. de l’Arsenal, MS 604 (1255-1258) —Londres, British Library, MS Harley 5765 (v. 1250-v. 1255). Il faut y ajouter désormais notre manuscrit : la palette est la même ; la décoration des calendriers repose sur le même principe, les travaux du mois dans un tableautin à gauche de la page ; quelques peintures en pleine page entre le calendrier et le psautier proprement dit ; un psautier biblique dont chaque section commençant par une grande initiale historiée, figurant des prophètes dans le manuscrit de New York (Morgan Libr. M 106), dans des positions identiques à celles de notre manuscrit, la même position assise sur la barre horizontale du S au début du Ps. 68.
à ceci près que le peintre les habille en brun-rouge. Ils accordent tous dans l’iconographie une place importante à saint François d’Assise, souvent représenté avec les stigmates et/ou avec saint Dominique, et sainte Claire, représentée devant une religieuse agenouillée (New York, Morgan Libr., M 106, f. 120 ; Paris, Arsenal 604, f. 96v°). Notre manuscrit est le seul qui associe sur la même peinture les deux saints d’Assise.
C’est pourquoi il est possible d’attribuer l’exécution de ce manuscrit au « Maître Franciscain », actif à Bruges approximativement entre 1250-1260 (sur cet artiste, voir Carlvant, op. cit., p. 55-57).

POSSESSEURS
─ f. 12, dans la marge inf. : armoiries rapportées (XVe s. ?) : écartelé au 1 et 4 d’or au dauphin d’azur, crêté, barbé et oreillé de sable ; au 2 et 3 de gueules à trois croissants de sable surmontée d’une croisette croisettée
de même ».
La plus grande réserve s’impose quant à l’identification des armoiries.
Parce qu’elles présentent quelques similitudes avec celles de la famille de Bueil (d’or au dauphin d’azur, croisettes, etc.), il serait tentant de les attribuer à un membre de cette famille, d’autant qu’il existe un lien intéressant avec la famille du grand seigneur bibliophile flamand Louis de Bruges, seigneur de Gruuthuse : son fils Jean s’est marié en 1479 avec Renée de Bueil, fille d’Antoine de Bueil (et donc petite-fille du compagnon de Jeanne d’Arc et Amiral de France, Jean V de Bueil) et de Jeanne, fille légitimée de Charles VII et d’Agnès Sorel.

─ f. 11v° : « moy auore cheroy demourant » (XVIe s.).
contreplat sup. : « D’azur à 3 fasces ondées d’argent, au sautoir de gueules brochant » ? (lecture supposée des armoiries gravées, XVIIe-XVIIIe s.). Les armoiries gravées posent tout autant de problèmes, car si, dissociées, elles sont bien identifiables, il est encore bien difficile de les trouver associées. On pourrait voir d’un côté : « d’or, à trois fasces ondées de sinople », seigneur du Loir, du Lude, d’Aureville et du Manoir (en Normandie), et de l’autre : « d’azur au sautoir d’argent », Seigneur de Longaunay, de Francqueville (en Normandie) (P.P. Du Buisson,
Armorial alphabétique des principales maisons et familles du roiaumes, Paris, 1757, n° 122 et 128). Jacques de Bueil épouse en 1458 Louise de Fontaine-Guérin, Dame du Bois, héritière de Fontaine après le décès de sa sœur
Renée, Dame du Lude, et enfin Jean VII de Bueil, Comte de Sancerre épouse en 1583 la fille de Guy, Comte de Lude, Anne de Daillon, ce qui, dans les deux cas, nous ramène au Lude. Mais, pour l’heur, il semble bien difficile d’établir un lien entre ces deux armoiries, aussi n’y a-t-il rien de définitif à tirer de tout cela.

BIBLIOGRAPHIE
V. LEROQUAIS,
Les psautiers manuscrits latins des bibliothèques publiques de France, Macon, 1940-1941, 2 vol., et 1 vol. de planches.
— Lilian M.C. RANDALL, « Flemish Psalters in the Apostolic Tradition », dans Gatherings in Honor of Dorothy E. Miner, Baltimore, 1974), p. 172-188.
— K. CARLVANT, Manuscript Painting in the Thirteenth-Century Flanders.
Bruges, Ghent and the Circle of the Counts, 2012 (Studies in Medieval and Early Renaissance Art History, 63).
— Sigles : MOELLER = E. Moeller et al., Corpus orationum, 9 vol., Turnhout, Brepols, 1994-1996 (Corpus
christianorum. Series latina 160A-160H).
— CPL = Clavis patrum latinorum , Steenbrugis, 1995 (Corpus christianorum. Series latina).

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