Lot n° 263
Sélection Bibliorare

RAYNAL (Guillaume-Thomas). Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les Deux indes. Genève, Jean-Léonard Pellet, 1780 ; 4 tomes reliés en 19 volumes In-4, brochés, couverture grise, étiquettes...

Estimation : 18 000 / 25 000 €
Adjudication : Invendu
Description
manuscrites, [brochage de l'époque sous emboîtage moderne avec pièce de titre de cuir rouge], dos en grande partie manquants.


Édition ornée d’un portrait-frontispice gravé sur cuivre par Nicolas de Launay d'après Charles-Nicolas Cochin, et de 4 planches gravées sur cuivre par
Nicolas de Launay (tome 1, livre III, et tome 3, livre X) ,
Jean-Louis Delignon (tome 2, livre VI)
et
Jean-Baptiste Simonet (tome 4, livre XV), d’après Moreau Le Jeune.

Troisième édition de l’Histoire des Deux indes (HDI), parue simultanément aux formats In-4 et In-8, après l’originale de 1770 et la deuxième, de 1774.

♦ Il s’agit de la dernière édition du vivant de Raynal, profondément remaniée et enrichie, grâce notamment à la collaboration de l’auteur avec Denis Diderot, constituant une véritable somme anticolonialiste et une des sources des Lumières.

En effet, Raynal, pour rédiger cette œuvre monumentale, s’adjoint l’aide de collaborateurs, dont le plus prestigieux est Diderot lui-même, l’occasion pour le philosophe, sous le masque de Raynal, de diffuser ses idées libérales – l’ouvrage sera censuré puis brûlé sur la place publique et son auteur, condamné à l’exil.

♦ Exemplaire de l’édition In-4, entièrement interfolié et abondamment corrigée et annotée, ayant servi à la quatrième et dernière édition de l’HDI (1820), préparée par Raynal.

Les feuillets interfoliés portent le même filigrane Raisin que les feuillets imprimés, mais sont d’un grammage légèrement plus fort ; les décharges d’encre, provoquées ça et là par les annotations et traversant parfois 2 feuillets, attestent de l’ancienneté de ces inscriptions. Il est très probable que ces volumes ont été interfoliés par l’imprimeur de l’édition de 1780 à la demande de Raynal lui-même.

Des annotations sur les feuillets imprimés apparaissent en marge de passages biffés et des passages entiers sont rédigés sur les feuillets vierges interfoliés.
Ces nombreuses interventions (plus de 500, sans compter les petites corrections, remplacement de mots, etc.) représentent entre 300 et 500 pages manuscrites en tout.

L’écriture semble être la même dans les 19 volumes, mais les notes ont probablement été rédigées sur une période assez longue, en témoignent de petites variations dans la graphie.

Les très nombreuses annotations sont de la main de Abel François Nicolas Caroillon de Vandeul, époux de la fille de Diderot, Marie-Angélique de Vandeul. On sait que les époux Vandeul ont longtemps assisté Diderot dans ses travaux puis, après la mort de celui-ci en 1784, ont travaillé à la postérité de son œuvre.

Le Fonds Diderot-Vandeul, entré au Département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France (BnF) en 1952, témoigne amplement de leurs travaux, de nombreux documents portant de leurs mains de précieuses notes et corrections.

L’attribution à M. de Vandeul des annotations de notre exemplaire a été établie dès les années 1960 par le Professeur Herbert Dieckmann (Université de Cornell), éminent spécialiste de Diderot et auteur de l’indispensable inventaire du Fonds Vandeul et inédits de Diderot (Genève & Lille, 1951), avant d’être confirmée à la même époque par Michèle Duchet, également spécialiste de Diderot et professeur à la Sorbonne (voir dossier documentaire joint).

Nos propres recherches confirment cette attribution : la comparaison entre l’écriture de M. de Vandeul sur certains documents conservés à la BnF dans le Fonds Vandeul (par exemple : Morceaux détachés, cote NAF 24940, voir reproduction) et les annotations de notre exemplaire atteste que celui-ci a bien été annoté par M. de Vandeul.
Par ailleurs, l’examen des notes manuscrites montre que celles-ci ont été rédigées après 1783 – cette date apparaît dans les annotations – et avant 1792 –un passage de la dernière édition de 1820 mentionne cette date mais pas les corrections de ce même passage dans notre exemplaire.

Le contenu des annotations, essentiellement des données historiques et factuelles, réfutent l’hypothèse qu’elles aient pu être portées par M. de Vandeul sur les indications de Diderot, collaborateur de l’HDI. Plus encore, dans un exemplaire de l’édition de 1780 de l’HDI acquis en 2015 par la BnF, les passages dus à Diderot sont identifiés par Mme de Vandeul : leur teneur philosophique ne correspond en rien aux annotations de notre exemplaire.

Comme le suggère Michèle Duchet elle-même (Diderot et l’Histoire des Deux indes ou l’Écriture fragmentaire, Paris, 1978, p. 46) et comme le confirment plus récemment les professeurs Georges Dulac, Kenta Ohji et Gianluigi Goggi – ces deux derniers œuvrant au sein du Centre international d’études du XVIIIe siècle (Ferney-Voltaire, Suisse) à l’édition critique des différentes versions de l’HDI (voir dossier documentaire joint) –, notre exemplaire constitue une étape de travail entre l’édition de 1780 et la 4e édition, voulue dès le début des années 1790 par Raynal mais parue seulement en 1820.
En effet, la plupart des corrections de l’édition de 1780 que forment les annotations de notre exemplaire se trouvent dans cette ultime édition de 1820, établie, selon le prospectus, sur un manuscrit de Raynal, mort en 1796.
Cependant, certains passages modifiés dans l’édition de 1820 présentent de légères variations avec nos annotations, en raison d’une dernière actualisation des informations. Par ailleurs, ainsi que l’affirme Gilles Bancarel, spécialiste de Raynal (voir dossier documentaire joint), M. de Vandeul a collaboré après la mort de Diderot avec Raynal.

Ces notes de la main de M. de Vandeul pourraient donc avoir été rédigées d’après un manuscrit préparatoire fourni par Raynal lui-même, pour la 4e édition.

► Exceptionnel exemplaire de l’Histoire des Deux indes, richement annoté par le gendre de Diderot et collaborateur de Raynal, M. de Vandeul, en préparation de la dernière édition de l’ouvrage voulue par Raynal dès le début des années 1790.
Sans l’Atlas.
Exemplaire provenant de la Bibliothèque Gay de Taradel.

Bibliographie consultée :
- « Prospectus » de la 4e édition de l’Histoire des Deux indes, Paris, 1820.
- Massiet Du Biest, La Fille de Diderot, Tours, 1949.
- Dieckmann Herbert, inventaire du fonds Vandeul et inédits de Diderot, Genève, Lille, 1951.
- Duchet Michèle, Diderot et l’Histoire des deux indes ou l’Écriture fragmentaire, Paris, 1978.
- Bancarel Gilles, Raynal ou le devoir de vérité, Paris, 2004.
- Édition critique de l’Histoire des Deux indes, Ferney-Voltaire, 2010
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