Lot n° 202
Sélection Bibliorare

[Révolution - Prisons parisiennes] Maisons de santé transformées en prisons, 3 pièces, 1794. Rare P.S. " Belhomme " [Jacques Belhomme (1737-1824), directeur de la maison de santé], Paris, 15 novembre 1794,

Estimation : 300 / 400
Adjudication : 850 €
Description
1 page in-4, cachet encre noir " N° 18 BEL-HOME R. CHARNE " : " Maison de Santé de Belhomme rue de Charonne n° 70. État nominatif des détenus comme suspects nouris à 2# 10s par jour. Toustaint de Cresne [Claude Alexandre de Toustain, marquis d'Ecrennes, 77 ans, ancien lieutenant général de Louis XVI], femme Pinthievre [Marie-Louise-Adélaïde de Bourbon-Penthièvre, princesse de Penthièvre (1753-1821), mère du futur Louis Philippe.] (…), total - 5 "... - P.A.S. d'Eugène COIGNART, gardien de la " maison de santé Coignart " " rue de Picpus n°6 ", 12 octobre 1794, cachets cire rouge, ordonnant la mise en liberté d'une détenue. - P.S. par 6 membres du " Comité de sûreté générale et de surveillance de la Convention nationale ", Paris, 7 août 1794, ordonnant la mise en liberté d'un détenu. Mention manuscrite au verso : " reçu du citoyen Montprin directeur de la maison de santé rue Notre Dame des Champs, reconnais avoir reçu le dénommé… ", cachet encre noir " JD " [JD = Jean Desnos, associé avec Montprin, tous deux directeurs de la maison de santé] Suite au vote de la loi des suspects en septembre 1793, les prisons de Paris sont bientôt bondées et l'État réquisitionne les cliniques privées pourvues de barreaux, en commençant par la pension Belhomme, qui était un ensemble de bâtiments situé au 157-163 rue de Charonne, Paris 11e, d'abord utilisé à la fin du XVIIIe siècle comme maison de santé. Belhomme s'entend avec les policiers pour se faire envoyer de riches prisonniers qui paieront une forte pension pour vivre cette épreuve aussi confortablement que possible. Dès lors se bousculent chez lui, au milieu des fous, marquises, banquiers, journalistes, comédiennes célèbres, vieux nobles, officiers, et une foule d'anonymes en disgrâce qui soudoient médecins et policiers pour s'y faire transférer sous prétexte de maladie. Pour s'agrandir, Jacques Belhomme loue le bâtiment voisin, l'hôtel de Chabanais, confisqué par l'État suite au départ en émigration du marquis de Chabanais. Belhomme finira par acheter cette maison pour investir l'argent gagné sous la Terreur. C'est à la pension Belhomme que se rencontrent Marie-Adélaïde de Bourbon-Penthièvre, veuve du duc d'Orléans " Philippe Égalité ", et Jacques-Marie Rouzet, député de la Convention, qui se marieront en secret à leur sortie de prison. A la même époque, à la fin de 1793, Eugène Coignart ouvrit aussi une maison de santé pour recevoir de riches "suspects," détenus dans les différentes prisons de Paris, que l'on faisait passer pour malades, située non loin de la maison Belhomme qui l'avait précédé. Moyennant une pension exorbitante, la plupart de ces prisonniers privilégiés échappaient à la guillotine. Naturellement, des intermédiaires rançonnaient ces détenus de luxe au prix fort et négociaient avec les autorités leur transfert dans ces maisons. La corruption n'était pas le seul motif de cette activité : l'influence de membres du Comité de sûreté générale ou du Comité de salut public, soucieux de protéger leurs amis prisonniers, s'exerçait également. Les détenus les plus célèbres furent le marquis de Sade et Choderlos de Laclos, l'auteur des Liaisons dangereuses qui y résidèrent ensemble du 27 mars au 15 octobre 1794. La maison de santé Montprin fut également une prison de luxe permettant à quelques privilégiés assez fortunés pour se l'offrir de se faire temporairement oublier tant que la Révolution battait son plein. Montprin, un manufacturier ruiné " ayant perdu son état et sa fortune par cause des circonstances ", eut l'idée d'ouvrir une maison de sûreté pour se refaire. Il venait de s'associer à Desnos, homme louche. Ensemble, ils cherchaient l'immeuble adéquat, mais ne trouvaient rien d'assez vaste, d'assez sûr, et surtout d'assez bon marché. Le policier Dangé leur conseilla, plutôt que de se fatiguer à accomplir les démarches nécessaires à l'installation et à l'enregistrement d'un nouvel établissement, de reprendre tout simplement celui de Belhomme, sur le point d'être réformé. Belhomme, à qui l'on demandait de brader l'œuvre de toute sa vie en lui expliquant qu'il avait déjà un pied dans la fosse commune, s'indigna, feignit un malaise et les envoya paître. Dépités, les deux hommes se rabattirent sur un couvent désaffecté de la rue Notre-Dame-des-Champs, du côté de la rue d'Assas. Les formalités furent expédiées tambour battant. Ils obtinrent leur validation dès le 16 février 1794.
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