Lot n° 64
Sélection Bibliorare

TÉRENCE. - Terenti(us) cu(m) Directio Vocabulor(m) Sententiaru(m), artis Comice, Glosa i(n)terlineali , Come(n)tariis Donato Guidone Ascensio. Strasbourg : Johann Grüninger, 1496. — In-folio, 292 x 209 : (6 ff.), 173 ff. (sur 174) mal foliotés...

Estimation : 15000 / 20000
Adjudication : 20 984 €
Description
CLXXVI (manque le dernier blanc). [sig. a6 b-c8 d-z6 A-E6 F7].

Veau brun, plats ornés d’un encadrement de filets et d’une roulette florale à froid, encadrant trois roulettes florales verticales au centre, dos à nerfs, tranches dorées (reliure de l’époque).

Laure Hermand-Schebat, Texte et image dans les éditions latines commentées de Térence.

- Goff, T94. - BMC, I, 110. - Brunet, V, col. 710.

► UN DES GRANDS LIVRES ILLUSTRÉS DU XVe SIÈCLE.

► Cette précieuse édition est la première que donna l’éditeur et imprimeur strasbourgeois Johann Grüninger (1455?-1533). Elle propose les comédies de Térence accompagnées des commentaires modernes du grammairien et théologien Guy Jouenneaux (1450?-1507) et de l’humaniste Josse Bade (1461-1535), auxquels s’ajoute celui du grammairien et rhéteur du IVe siècle Donat.

Grüninger imprima près de 300 titres entre 1483 et 1531, aussi bien des classiques grecs et latins que des missels, des recueils de sermons, des ouvrages scientifiques, des almanachs ou des romans de chevalerie. Très vite il attacha une grande importance à l’illustration, se distinguant alors de la plupart de ses confrères. Il se contenta au début de faire recopier ou d’imiter des compositions d’éditions plus anciennes, généralement d’Augsbourg, de Bâle ou de Cologne.
Ce n’est qu’en 1496-1497 qu’il orna pour la première fois ses éditions de bois originaux d’une réelle valeur artistique, et le premier ouvrage qui ouvre la longue série d’éditions illustrées de tels bois est ce Térence, d’où son importance dans l’histoire des livres illustrés au XVe siècle.

L’illustration comprend 166 compositions gravées sur bois en premier tirage, dont une sur le titre, représentant un théâtre orné d’un décor de style gothique, 7 gravures à pleine page, dont une reprenant celle du titre, placées en tête de chaque pièce, et 158 gravures dans le texte. La facture de ces bois est typique du style strasbourgeois :
« Ce style caractérise les gravures publiées dans les ouvrages de la plupart des imprimeurs de la ville vers 1500 […]. Il s’agit d’un art inspiré par la gravure sur cuivre à laquelle il emprunte son système de hachures longues et serrées, parfois croisées. On y décèle nettement l’influence des célèbres graveurs sur cuivre haut-rhénans Martin Schongauer et E.S. » (Dupeux, Lévy, Wirth, p. 16).

Autre caractéristique de ces illustrations c’est l’utilisation de la combinaison de bois gravés, inspirée de la technique typographique. Les compositions que l’on trouve dans le texte sont effectivement formées de plusieurs blocs de bois assemblés pour former une scène. Ces blocs représentent des personnages, des végétaux ou des éléments d’architecture. Les personnages sont identifiables grâce à des phylactères placés au-dessus d’eux. Laure Hermand-Schebat précise que Le Térence de 1496 représente ainsi « un pas décisif dans la décomposition de l’image », l’édition utilisant « 85 bois imprimés 745 fois pour former 149 images différentes » (Laure Hermand-Schebat, p. 5).

Les illustrations à pleine page sont également novatrices.
Situées au début de chaque pièce, elles représentent l’ensemble des personnages, groupés selon la maison à laquelle ils se rattachent.
« Le personnage représenté au centre est toujours celui qui dénoue l’action.

La gravure vise aussi à restituer l’intrigue de la pièce ; l’artiste situe les événements les plus éloignés dans le temps en haut de la gravure, invitant le lecteur à adopter un regard descendant pour comprendre les péripéties successives de la pièce. La visée est à la fois pédagogique et commerciale » (Laure Hermand-Schebat, p. 7).

L’intérêt de cette édition ne provient pas que de l’illustration. Le texte et les commentaires y sont présentés également d’une façon très innovante. Le texte de Térence est imprimé en gros caractères romains aux lignes très espacées. Il est entouré du commentaire de Donat comprenant un système de renvoi par lettres permettant un retour facile entre le texte de Térence et les notes. Le commentaire de Jouenneaux est placé entre les lignes des pièces et celui de Josse Bade à la fin de certaines scènes.
Tous ces éléments font que cette édition constitue l’un des livres imprimés les plus réussis du XVe siècle. Grüninger la réimprimera en 1499 et 1503.

▬ ► Exemplaire provenant de l’une des plus prestigieuses bibliothèques d’Angleterre au XIXe siècle,
• la bibliothèque de Syston Park.
♦ Il s’agit de la collection de Sir John Thorold (1734-1815), baronet, et de son fils Sir John Hayford Thorold (1773-1831), qui comprenait parmi ses joyaux une Bible de Gutenberg, de précieux manuscrits enluminés, des livres provenant des bibliothèques de Laurent le Magnifique, Diane de Poitiers, Jean Grolier, etc. ainsi que l’une des plus belles réunions d’incunables et d’éditions aldines.

La bibliothèque fut dispersée chez Sotheby’s à Londres en 1884.
Cet exemplaire figure dans le catalogue de vente sous le numéro 1888.

Exemplaire en reliure de l’époque mais au dos et aux coins refaits et avec les gardes renouvelées au XIXe siècle. Il contient quelques annotations marginales anciennes.
La gravure au verso du feuillet XXXIII possède un dessin naïf ancien.
Manque angulaire aux feuillets h4, o3 et B4, sans atteinte au texte.
Restaurations dans les marges du titre avec légère atteinte au T de Terence. Petite mouillure en marge des 5 premiers feuillets, sans atteinte au texte, et mouillure claire marginale à de rares feuillets.
Ancienne restauration au feuillet x avec restitution des quelques lettres manquantes à l’encre ainsi qu’aux feuillets g5 et k4.
Les jambes de l’un des personnages de la gravure figurant au verso du feuillet S4 ont été coloriées à l’encre qui a débordé sur le feuillet qui précède. Manque le dernier feuillet blanc.
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