Lot n° 111
Sélection Bibliorare

VRAIN-LUCAS (Denis). 1816-1881. Célèbre et fascinant faussaire, qui vendit plus de 27 000 fausses lettres au mathématicien Michel Chasles (membre de l'Académie des Sciences et auteur de la relation qui porte son nom) pour la somme de 140.000 fr....

Estimation : 1 000 / 2 000 €
Description
(francs-or de 1870).

Lettre autographe signée « Galileo Galilei, à Mademoiselle de Gournay », Femme de lettres et amie de Montaigne. 2 pp. sur 1 f. 15 x 20 cm.

Lettre à l'allure faussement érudite, où Galilée vante les mérites d'un traducteur italien : « Mademoiselle, en réponse à ma lettre du 3 juillet dernier, que je vous adressay en vous envoyant un exemplaire du grand livre de l'Enéide de Virgile, traduit en latin par Jean André dell Anguillara, et par laquelle je vous disois que la langue italienne devoit beaucoup de ses beautés à ce traducteur, qui avoit en mesme temps traduit les Métamorphoses d'Ovide en stance de 8 vers, le mesme qu'il la fait pour le premier livre de l'Enéide / ... / . 
Le traducteur dites-vous a employé une stance de huit vers pour rendre ce seul vers d'Ovide dans la description du chaos quaque fuit tellus illic et pontus aër. Et vous ajoustez que Du Bartas dans sa Semaine n'en a employé que quatre / ... / . 
J'admets Mademoiselle votre observation / ... / . 
Je suis Mademoiselle votre très humble, très dévoué et très affectionné Galileo Galilei ». 2 pp. sur 1 f. 15 x 20 cm. à l'encre jaunâtre, sur un papier vergé artificiellement vieilli, 2 anciennes traces de pli, 2 trous de vers, un petit manque en marge et une large tache de rousseur au centre. Déchirure postérieure sur 10 cm, sans manque, en partie restaurée. La signature Galileo Galilei est identique aux 4 lettres du Fonds déposé par le Ministère Public à la BnF, dont deux adressées à Mlle de Gournay ; dans l'une il est question de Petrarque et de la Rose mystique du Dante, dans l'autre, de Guido Cavalcanti et de Shakespeare. Issu d'une modeste famille de journaliers de Chateaudun, Vrain-Lucas se découvre très jeune une passion pour les livres et l'histoire. Monté à Paris, il tente en vain d'obtenir un poste à la Bibliothèque Nationale, puis trouve un emploi dans un cabinet de généalogie. Dès lors il commence sa carrière de faussaire, à laquelle sa rencontre avec Chasles va donner une ampleur vertigineuse. Pascal, Newton, Galilée, Shakespeare, Virgile, Platon entreprennent, sous sa plume – et avec le soutien énergique de Chasles qui communique ses nouvelles révélations à l'Académie des Sciences, semaine après semaine – de corriger quelques erreurs historiques. César, Vercingétorix et Cléopatre, Ponce Pilate, Lazare le resssuscité, Marie-Madeleine, Saint-Jean et Saint-Pierre s'en mêlent également, toujours en vieux français et sur papier, échaffaudant une des plus gigantesques mystifications de l'histoire des Lettres, mobilisant durant près de deux ans la communauté scientifique. Le procès attira un énorme public, et donna lieu à un immense éclat de rire. Vrai-Lucas plaida sa cause en déclarant avoir agi ainsi dans l'intérêt public et par patriotisme, afin de redonner à la France tout son rayonnement, et à Pascal l'antériorité sur Newton dans la découverte des lois de la gravitation universelle. Il fut condamné le 6 février 1870 à deux ans d'emprisonnement et 500 francs d'amende, peine relativement bégnine. La double énigme de la fécondité hors-norme du faussaire, et de l'incroyable crédulité de l'illustre savant a donné lieu à une abondante littérature, du premier ouvrage – Bordier et Mabille, Une fabrique de faux autographes ou récit de l'affaire Vrain-Lucas. Techener, 1870 – au plus récent – Gérard Coulon, Signé Vrain-Lucas ! Ed. Errance, 2015 – en passant par le roman d'Alphonse Daudet, l'Immortel. Lemerre 1888. Les autographes de Vrain-Lucas dans les collections privées sont très rares. En effet, une partie des pièces de la « collection Chasles » a été déposée par le Ministère de la Justice à la Bibliothèque Nationale. 
Les autres ont en principe été détruites.
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