ADER Nordmann. Paris. LETTRES AUTOGRAPHES & MANUSCRITS

LETTRES ET MANUSCRITS AUTOGRAPHES Jeudi 28 mars 2024

division du cAtAloGue BEAUX-ARTS Nos 1 à 34 MUSIQUE ET SPECTACLE Nos 35 à 49 LITTÉRATURE Nos 50 à 167 SCIENCES Nos 168 à 183 HISTOIRE Nos 184 à 274 Abréviations : L.A.S. ou P.A.S. : lettre ou pièce autographe signée L.S. ou P.S. : lettre ou pièce signée (texte d’une autre main ou dactylographié) L.A. ou P.A. : lettre ou pièce autographe non signée Thierry BODIN Syndicat Français des Experts Professionnels en Œuvres d’Art Les Autographes 45, rue de l’Abbé grégoire 75006 Paris lesautographes@wanadoo.fr Tél. : 01 45 48 25 31 EXPERT

LETTRES ET MANUSCRITS AUTOGRAPHES vente aux enChÈres publiQues Salle des ventes Favart 3, rue Favart 75002 Paris Jeudi 28 mars 2024 à 14 h exposition privée CheZ l'expert Uniquement sur rendez-vous Du lundi 18 mars au vendredi 22 mars exposition publiQue Salle des ventes Favart 3, rue Favart 75002 Paris Mardi 26 et mercredi 27 mars de 11 h à 18 h Jeudi 28 mars de 11 h à 12 h Téléphone pendant l’exposition: 01 53 40 77 10 Catalogue visible sur www.ader-paris.fr Enchérissez en direct sur www.drouotlive.com, interencheres.com et auction.fr En 1re de couverture est reproduit le lot 28. En 4e de couverture est reproduit le lot 155.

Lot 69

David NORDMANN Xavier DOMINIQUE Commissaires-priseurs Responsable de la vente Expert Marc GUYOT Responsable du département marc.guyot@ader-paris.fr Tél. : 01 78 91 10 11 Thierry BODIN lesautographes@wanadoo.fr Tél. : 01 45 48 25 31

3 4 Beaux-arts 1. BEAUX-ARTS. 4 L.A.S. de peintres et sculpteurs. 150 / 200 € Ferdinand Humbert (1900, sur ses peintures du Panthéon), Julien Gagliardini (1892, sur ses tableaux), Jean-Pierre Laurens (1926, sur son portrait de Mme Péguy), Aimé Millet (1883, il termine la statue de George Sand). 2. BEAUX-ARTS. 4 dessins et 5 photographies. 300 / 400 € Francis Bernard : femme au miroir, gouache avec collage signée en haut à gauche (27 x 21 cm). Alfred Le Petit : dessin au crayon signé en bas à droite représentant un lion (7,5 x 10,5 cm) ; paysage, aquarelle signée en bas à gauche et légendée «La chaîne des Maures» (20 x 34,5 cm). Maurice Savin : paysage, aquarelle signée en bas à droite (23 x 31 cm, avec carton à son adresse). Photographies : Hans Hartung à un vernissage, Moretti et son monstre (3), André Villers. 3. Pierre BONNARD (1867-1947). L.A.S., [Paris] 8 rue de Parme, 3 décembre 1889, à sa mère ; 4 pages in-8. 400 / 500 € Lettre de ses débuts. Le jeune Bonnard, qui loge chez sa grand-mère [Caroline Mertzdorff], a fait une demande pour entrer dans l’administration, et espère « être nommé dans un temps relativement court ». Il fait très froid : « on va patiner. Je me suis payé une énorme pipe qui te fera reculer d’horreur un gros brule gueule anglais pour fumer sur la glace tu sais que c’est extrêmement chic ». Il travaille dans sa chambre « au portrait d’Andrée [sa sœur]. Cela commence à avoir l’air de quelque chose mais j’aurai besoin du modèle. Les avis sont très partagés sur le mérite de ma toile ; quant à moi, je suis très content et cela me suffit ». Il donne des nouvelles de sa santé et va s’acheter « un vrai paletot d’hiver »…

8 5 4. Pierre BONNARD (1867-1947) peintre. L.A.S. « Pierre », [1891 ?], à sa mère ; 3 pages et demie in-8. 300 / 400 € Il espère venir passer quelques jours au Grand Lemps [maison familiale du Dauphiné] et pour l’instant cherche une chambre à Paris: «Je me méfie des chambres meublées de la rue de Douai. C’est un quartier en général assez mal habité». Il y a de la neige « tout comme au G. Lemps»; il regrette de n’avoir pu accompagner au Havre son ami Poulaillon qui s’embarque pour l’Amérique : « Cela m’a toujours tenté d’assister à un départ de Transatlantique ». Il a beaucoup à faire : « Les Indépendants auront lieu cette année de bonne heure et je veux être prêt ». Il conseille à sa mère le remède des citrons et « d’en absorber beaucoup, sans aller jusqu’à 25. Contrairement à ce qu’on croit le citron ne fait pas mal à l’estomac »… 5. Pierre BONNARD. L.A.S., 10 décembre, à M. Henry ; 1 page in-8. 100 / 150 € «Je ne vois pas pour ma part d’empêchement à ce que l’exposition danoise reçoive de mes tableaux – Vous en trouverez bien cinq à y envoyer – je suppose qu’ils prennent les frais à leur charge »… 6. Philippe BURTY (1830-1890) critique d’art. 13 L.A.S., 1871-1884 et s.d., à Henry Houssaye ; 18 pages in-8 et in-12. 250 / 300 € Invitations, condoléances pour la mort de l’épouse de l’oncle Édouard Houssaye, (1871), annonce d’une conférence sur le Japon ancien et le Japon moderne, à propos d’articles pour la revue L’Artiste et de leur illustration (notamment avec des petits bois japonais) ; une à Édouard Houssaye, au sujet d’un sonnet dont Burty demande la copie autographe. 8 mars 1877 : il voudrait insérer une lettre de Fromentin dans son volume « Maîtres et Petits Maîtres qui s’élabore en ce moment chez Charpentier » ; dans sa lettre Fromentin remercie pour l’envoi par L’Artiste d’un volume, dans lequel il est question de lui : « Serait-ce le volume de votre père ? De Gautier ? En tout cas, il doit être question d’un Été dans le Sahara car Fromentin annonce Une année dans le Sahel. » 12 juillet 1880 : remerciements pour une note sur les Lettres d’Eugène Delacroix : « ces lettres nous découvrent un robuste ouvrier, un passionné de la profession. C’est un sentiment devenu rare»… 7. Gaston CHAISSAC (1910-1964). L.A.S., [vers 1960] ; 1 page et demie in-4, au stylo bille rouge. 400 / 500 € Il a du mal à travailler, mais a l’idée de nouveaux tableaux. « Vous aimeriez peut-être mes fantaisies que je fais parfois avec des planches de cabanes à lapins. Pour un marchand de tableaux je fais en ce moment un totem décoré autrement qu’avec de la peinture. Quelque chose de très inédit. Je suis en pourparlers avec une galerie pour un contract et il semble que ça marchera ». Il voudrait être « déchargé au maximum des travaux subalternes qui m’accaparent outre mesure au préjudice de mes créations. J’ai été impressionné dernièrement par la technique des enfants lorsqu’ils font des constructions abstraites »… 8. Gaston CHAISSAC. L.A.S. à un ami, avec dessin au verso ; 1 feuillet in-8 de papier ligné (19,5 x 12 cm), encadré. 800 / 1 000 € «Cher ami, parmi mon stock d’œuvres anciennes, le clou est peut-être une bonne grande gouache de 1938. Madame Albert Gleizes voulais que j’en fasse un abat jour. Je reculais épouvanté. J’ai montré cette gouache de 38 dimanche à Iris Clert en présence d’un grand indianiste de ses amis »… Au verso, dessin d’un personnage au stylo bille noir.

6 9. Giorgio De CHIRICO (1888-1978). Manuscrit autographe signé, Il monomaco parla, Florence avril 1922 ; 20 pages petit in-4 ; en italien. 4 000 / 5 000 € Important texte polémique sur la peinture. Cet article était destiné à la revue Valori Plastici, dirigée par le peintre Mario Broglio, mais n’y fut pas publié ; longtemps resté inédit, il a été recueilli en 1985 dans Il meccanismo del pensiero (pp. 119-124), puis en 2008 dans les Scritti/1 (pp. 786-793). Chirico rend compte de la grande exposition Mostra della Pittura Italiana del Seicento e Settecento, rassemblant 1 500 œuvres au Palazzo Pitti. De toute cette exposition monstrueuse, Chirico retient surtout les œuvres du Caravage, soulignant les affinités des meilleures œuvres du grand Lombard avec le dernier académisme français représenté par Léon Bonnat, voyant dans la Morte della Madonna l’origine d’un certain académisme qui trouve sa parfaite conclusion dans la Cacciata del duca d’Atene de Stefano Ussi. Il dénonce l’inutilité de la peinture du Seicento : les figures du Caravage, qui ont toutes un air de famille, ne peuvent rivaliser avec l’émotion que dégagent celles du Greco. Il reproche au Caravage ses visages stupides, ses toiles bitumeuses et sales, tristes et ennuyeuses, etc., qui ne peuvent rivaliser avec des œuvres de génie, comme un portrait de Raphaël, de Holbein ou de Dürer, avec un paysage de Poussin ou du Lorrain, avec les fresques de Giotto à Padoue… Cette exposition offre l’occasion de découvrir en certains maîtres du grand siècle l’origine de tant de maux qui affligent la peinture d’aujourd’hui et constituent le leitmotiv de la peinture moderne jusqu’à la Sécession, le divisionnisme, et l’impressionnisme… Puis Chirico s’attaque à la nullité des petits maîtres du XVIIIe siècle, qui ne peuvent intéresser l’homme moderne… Loin de lui cependant la volonté de choquer ni d’irriter le prochain. Mais il continuera fermement et librement ses remontrances tant vers les antiques que vers les modernes. Il conclut en déplorant la polémique déclenchée par Mario Bacchelli… Le titre de « monomaque » définit bien sa position dans le combat qu’il mène en solitaire. Provenance : ancienne collection Mario Broglio (1891-1948). 10. Michel CIRY (1919-2018). 30 L.A.S., “La Bergerie” Varengeville 1971-1983, et 2 cartes postales de Tolède et Venise, à Pierre Lhoste et sa femme ; 33 pages in-4, 25 enveloppes. 300 / 400 € Lettres amicales : vœux annuels, rendez-vous parisiens, invitations (en 1978 pour un déjeuner avec Jacques de Bourbon-Busset). Ciry envoie régulièrement les tomes de son Journal au fur et à mesure de leur parution (le Buisson ardent en 1973, le 5ème tome en 1977). Il est très satisfait de ses interviews, et remercie Pierre Lhoste « On parlerait des heures (pauvre public !) si bien questionné […] votre entretien avec Le Clezio est d’une vie étonnante » (9.11.71) ; « Sûrement un de mes meilleurs interviews. Merci mon cher Pierre de lui avoir donné ce ton » (1978) ; « Merci de m’avoir permis de m’exprimer en totale liberté, une fois de plus ! J’aime cela ! » (1982). En 1979, il se réjouit que Plon ait accepté de publier Lhoste et l’encourage : « Étant donné votre talent de chroniqueur-né et la variété autant que l’importance des personnalités que vous avez rencontrées et bien connues, je ne doute pas que ce Journal sera passionnant (à m’en rendre ombrageux !) ». En 1982, il part pour Rome où il doit rencontrer Jean-Paul II : « Quelle joie d’approcher ce saint grand homme!» On joint une L.A.S à M. Estrade pour l’organisation de l’interview avec Pierre Lhoste en 1971 et 2 cartons d’invitation pour le vernissage de ses expositions Solitude de Jésus (1972) et Peintures et aquarelles (1977, avec dédicace a.s.). 11. Eugène DELACROIX (1798-1863). L.A.S., [septembre 1845 ?], au comte Albert Grzymala ; 2 pages et demie in-8, adresse. 1 000 / 1 500 € Il rentre des eaux, aussi malade qu’il était parti… « je reviens accablé de travaux que j’ai mis de côté pour tacher d’aller trouver à deux cent lieues un peu de santé. Je suis donc aussi prisonnier qu’avant ; j’irai cependant une fois vous embrasser à l’opéra, un jour que je n’aurai pas travaillé, car ces jours-là je suis accablé ; il m’aurait fallu après les eaux du repos, de la campagne, mais le métier me reprend dans ses serres». Il a eu des échos du voyage qu’a fait Grzymala, où il a « éprouvé de bien douces joies. Chopin m’avait parlé de tout cela et en était heureux pour vous. Moi, je suis tout à fait oublié de ces ingrats-là que j’aime pourtant beaucoup ». Il ne peut dîner en ville : « c’est une trop longue séance pour ma gorge :je suis à la lettre épuisé après une heure de conversation. J’irai donc vous surprendre dans votre loge»… 12. Maurice DENIS (1870-1943). L.A.S., Saint-Germain-en-Laye 8 août 1892 ; 1 page et demie in-8. 300 / 400 € « Vous avez bien voulu vous intéresser aux œuvres des jeunes peintres idéistes qui chaque année exposent au Pavillon de la Ville de Paris. Vous connaissez MM. Bonnard, Bernard, Ranson, et moi-même, entre plusieurs. Ces jeunes peintres ont fait accepter quelques toiles à l’Exposition de St Germain, qui par ce seul fait présente un tout autre intérêt qu’en général les Expositions de province. Voulez-vous nous accorder l’honneur d’une visite ? »…

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13 15 8 13. Henri HARPIGNIES (1819-1916). Dessin original au lavis, signé et daté en bas à droite « H. Harpignies. 92 », avec P.A.S. au dos ; 8 x 10,5 cm. 300 / 400 € Jolie carte de vœux : paysage au lavis ; au dos, envoi au crayon : « à Monsieur Rabut mon meilleur souvenir ce 1er janvier 1893 H. Harpignies ». 14. Julio Pagès LAPARRA (1914-1978). 25 dessins originaux, la plupart signés, 19611962 ; sur 17 feuillets in-4 (env. 32 x 25 cm). 300 / 400 € Dessins au crayon ou à l’encre. Portraits de Pierre et Monique Lhoste, de Winston. Churchill, Pierre Humbourg, Charles Trenet, etc. Coureurs cyclistes, joueurs de tennis… 15. Henri LE SIDANER (1862-1939). 3 L.A.S., 1927-1936, à son ami Albert Dubosq ; 6 pages formats divers, enveloppes. 500 / 600 € [Versailles 6.III.1927]. Il a été malade, mais a pu reprendre « la besogne, pour avoir prochainement terminé mes tableaux de Villefranche dont une partie sera exposée à mon exposition de novembre prochain. Nous avons vécu des jours assombris de pluie et de pauvre lumière et je revivais en mon travail l'atmosphère de pureté que vous sequestrez sur le littoral »… – St Jean Cap Ferrat [18.I.1933] : « J’ai pu travailler devant Villefranche avec la vue que tu connais de la maison de M. Huysmans»… – 4 mai 1936 (avec carton de vernissage) : il n’a pu aller dans le Midi, « harcelé par les obligations » ; mais il ira l’an prochain à l’inauguration de la Villa Ephrussi, « occasion de respirer quelques jours sous ce ciel heureux »… On joint 2 dessins : – tête d’Albert Dubosq, mine de plomb, signé et dédicacé «à mon vieux Dubosq Henri Le Sidaner » (23 x 17 cm, encadré) ; – portrait de Mme Dubosq, crayon noir et estompe (29,5 x 21,5 cm, identification jointe par A. de Mytho).

19 9 16. LIVRE D’OR. Livre d’or de la Galerie Guy Spitzer ; cahier in-fol. de 16 pages de papier Ingres d’Arches. 300 / 400 € Les pages sont couvertes de très nombreuses signatures : G. Braque, J. Busse, E. Campagnola, L. Carré, P. Charlot, J. Crotti, M. Cuttoli, P. Descargues, F. Desnoyer, G. Duthuit, A. de Fouquières, A. Frédérique, M. Gromaire, G. Isnard, J. Kessel, F. Léger, J. Sabartès, B. Villaret, J. Villon, Vlaminck, Zao Wou-Ki, etc. 17. René MAGRITTE (1898-1967). 2 L.A.S. (cartes postales), [Nice] 7 et 15 juin 1961, à son ami André Bosmans ; au dos de cartes illustrées (Gorges du Verdon et jardin fleuri de la Côte d’Azur), adresses. 400 / 500 € Sur la revue Rhétorique dirigée par Bosmans, dont Matisse espère voir bientôt le premier numéro. : « Je ne crois pas que vous devriez exiger des imprimeurs du “graphisme” parfait, sinon nous ne verrons jamais Rhétorique. Je dois même dire que je préfère un peu de laissé-aller dans les questions d’ordre technique : laissons la correction exemplaire aux maniaques qui donnent tellement de valeur à la marche des progrès mécaniques ». – Il attend l’envoi promis de ce premier numéro et doit faire « des excursions afin de nous éloigner du bruit presque incessant de la promenade des Anglais. La perspective d’un retour à Bruxelles n’a rien de douloureux ; je ne serai pas mécontent d’y retrouver le calme relatif de la rue des Mimosas »… 18. Georges MATHIEU (1921-2012). 7 L.A.S., 1965-1973, à la duchesse de Montesquiou (née Jacqueline Fenaille) ; 3 pages in-4 à son en-tête et 6 cartes ou cartes postales, une avec un dessin original, 3 enveloppes. 400 / 500 € Remerciements et cartes de vœux. 16 septembre 1965 : après un séjour au château de Montrozier, il remercie la duchesse et voudrait lui emprunter un de ses tableaux : « Il y en a un jaune et noir et bleu et rouge qui est très beau. Trop beau même»… On joint une belle photographie dédicacée de Mathieu (29,5 x 24 cm, Foto-Pitz à Bocholt ; petite fente) avec la dédicace autographe : « à Nine, avec l’amitié de Mathieu 69 ». Plus 6 gravures, dont 3 cartes de vœux a.s. de Frédéric Bernath (1963-1967). 19. Henri MATISSE (1869-1954). L.A.S., [Nice fin 1940], à un ami ; 2 pages in-4 (petite réparation marginale). 500 / 600 € Les restrictions d’essence l’ont obligé à « prendre l’antique tram de Cimiez avec tous les incommodités qui comporte. Sans quoi je ne viendrais pas de prendre deux jours de lit ». Il va mieux et ils vont pouvoir manger ensemble «un bon poisson (si vous l’aimez…) ». Il raconte l’histoire de Corot, invité par des amis qui lui ont fait du ris de veau : « Ils lui disent – L’aimez-vous ? – Je l’adore ! – Il le détestait, cependant par gentillesse il le mange, ainsi que chaque fois que ces bons amis lui offrent à dîner. Mais c’était Corot. Je n’en ferais pas autant et vous non plus. Nous mangerons donc un bon poisson à la Coquille à midi ½»…

21 20 10 20. Claude MONET (1840-1926). L.A.S., Giverny 24 avril 1906, à Gustave Geffroy ; 1 page et quart in-8 à son adresse, enveloppe. 1 200 / 1 500 € Il ne peut venir à Paris et doit soigner un gros rhume. Il propose à Geffroy de venir à Giverny jeudi ou samedi : « on irait vous chercher en auto à la gare de Vernon. […] J’espère que la semaine prochaine je serai remis et que je pourrai venir à Paris »… 21. Claude MONET. L.A.S., Giverny 30 mai 1917, à Sacha Guitry ; 2 pages in-8 à son adresse, au crayon violet. 600 / 800 € Il ne pourra venir l’applaudir [à la première d’Un soir quand on est seul] : « Songez que par ce temps je dois travailler et plus que jamais, puisque chaque jour me rapproche de la fin [il s’agit des Nymphéas] et puis je ne vous le cache pas je ne suis pas à la gaîté, il n’y a que le travail qui me soutienne »…

22 25 11 22. Claude MONET. L.A.S., Giverny 2 août 1925, à Charlotte Lysès ; 2 pages in-8 à son adresse, encre bleue (petite fente réparée). 800 / 900 € Il est désolé de la savoir malade et de ne pas la voir. « Mais comme vous le savez j’ai enfin retrouvé ma sacrée vue et repris le travail sur nature, ce qui m’est une joie sans pareille. Malheureusement je suis à la merci du temps qui n’est guère beau, et ne puis quitter un seul moment mon travail dans le seul espoir désiré. Il va s’en dire qu’un jour de mauvais temps nous irons vous surprendre, ne fut-ce qu’un instant »… 23. Pierre PUVIS DE CHAVANNES (18241898). L.A.S., 15 février 1889, à Deban ; 1 page in-8 à son chiffre gravé. 100 / 150 € « Venu hier pour prendre part au banquet, il m’a fallu tout quitter » pour un ami malade. Il envoie sa cotisation avec ses regrets pour ce contre-temps… 24. Auguste RENOIR (1841-1919). L.A.S., [Essoyes 30 août 1917], à son fils Jean Renoir, sous-lieutenant d’escadrille, Secteur 77 ; au dos d’une carte postale illustrée (Essoyes. Rue de la Gare) avec adresse. 600 / 800 € Il reçoit ses lettres régulièrement. « Je vais bien et je pense quitter Essoyes vers le 6 ou 8 septembre »… 25. Auguste RODIN (1840-1917). L.A.S., [1913], à Robert de Montesquiou ; 3 pages in-8, petit cachet rouge de Montesquiou (petite fente au pli central). 500 / 600 € Il le remercie de sa lettre « m’honorant de la dédicace que vous faites à votre livre sur le graveur Bresdin, cette curieuse figure d’homme » [le livre de Montesquiou sur Rodolphe Bresdin, L’inextricable graveur, Rodolphe Bresdin (Floury, 1913), est en effet dédié à Rodin]. Il pense à faire une colonnade « pour y mettre le buste de Madame de Choiseul. Je viens de la voir, très malade, et ne pesant plus que cinquante livres. Elle a tout son esprit, le meilleur. Elle parle comme d’autres écrivent. Ses yeux expressifs sont ceux de Voltaire. Hélas, elle ne se lève plus et cette perfection d’esprit est mise en miettes. Quel drame qui se joue tous les jours, nous tuant les uns les autres. La persistante espérance d’autrefois est partie. Et cette fin me fait comprendre le destin, notre pauvre destin paré, jusque à la dernière minute d’espérance et trahi tout çà coup»…

27 12 26. Georges ROUAULT (1871-1958). L.A.S., Vendredi, [à Henri Lebasque] ; 1 page et demie in-8 à en-tête du Musée Gustave Moreau. 200 / 250 € Il y a eu un malentendu sur la date de sa visite, mais il essaiera de passer demain : « Il faut absolument que nous causions, mes ennuis se sont multipliés » ; mais il n’aura pas le temps d’ici la fin de la semaine prochaine « Si vous pouvez me donner cinq minutes, il faut que je passe entre 6h et 6h moins ¼, après ce serait trop tard pour moi »... 27. John Singer SARGENT (1856-1925). 3 L.A.S., Londres 1914-1915, à Léon Delafosse ; 9 pages in-8 à son adresse à Londres 31 Tite Street, Chelsea, 2 enveloppes. 800 / 1 000 € Correspondance au pianiste et compositeur dont il a fait le portrait (Seattle Art Museum). 22 décembre [1914]. Il voudrait savoir si Delafosse est loin de la mêlée : « J’étais dans le Tirol autrichien lors du commencement de la guerre et j’y suis resté jusque vers la fin novembre. Il n’était pas facile de sortir, sans passeport », sans argent, et avec les manifestations de haine pour l’Angleterre dans les journaux et la population ; il a trouvé à Londres «un sentiment de force et presque de sécurité»… – Jeudi. Delafosse étant de passage à Londres, Sargent l’invite à dîner. – Décembre 1915. Il le remercie de sa sympathie après la perte d’un charmant garçon, mort d’une façon assez héroïque… « Quels souhaits peut-on faire pour l’année 1916 ? […] Jai le spleen et tout plaisir me semble aboli. Je vous souhaite d’avoir des amis autour de vous. Les miens diminuent à vue d’œil. Heureusement mes sœurs vont bien. Je pense aller en Amérique un de ces jours, mettre en place mes toiles décoratives »…

13 28. Henri de TOULOUSE-LAUTREC (1864-1901). Manuscrit autographe avec dessins, signé de son monogramme, Lettre de Rotrou écrivant de Rouen, pour la première représentation du Cid, [vers 1875-1880] ; 2 pages petit in-fol. (30 x 20 cm ; fente et réparations sur un bord). 4 000 / 5 000 € Collégien, Toulouse-Lautrec rédige (avec ratures et corrections) cette lettre fictive de Rotrou, et l’orne de 5 dessins à la plume en tête et de croquis en fin, avec des essais de monogrammes. Rotrou fait part « du plus grand évènement du siècle, de la plus glorieuse conquête de l’esprit français ». Le jeune auteur qu’il a accueilli à Paris et abreuvé de ses conseils a écrit une pièce qui s’appelle Le Cid. Après en avoir raconté l’intrigue, il en fait la louange et conclut : « Jamais sur aucun théâtre rien de pareil ne s’était jamais produit, bien loin des crimes hideux, des massacres horribles. Voici deux grands sentiments qui viennent combattre ; l’amour et l’honneur, celui-ci plus, impérieux, l’autre plus irrésistible, le Cid satisfait aux deux. » En tête, Toulouse-Lautrec a dessiné un personnage coiffé d’un grand chapeau (ou d’une auréole), une paire de jambes à chaussettes noires, un soulier à boucle, une silhouette dansant en levant la jambe, une femme en corset ; et à la fin, à côté de quatre essais de monogrammes HTLM, une petite tête, une jambe repliée et une petite silhouette de femme. Cachet encre de la Collection Séré de Rivières.

29 14 29. Henri de TOULOUSE-LAUTREC. L.A.S. « Harry », Samedi [24 novembre 1888], à sa mère, la comtesse Adèle-Zoé de Toulouse-Lautrec ; 3 pages in-8. 1 500 / 2 000 € Jolie lettre à sa mère. «C’est de mes 24 ans que je vous écris ma chère maman, en vous remerciant d’abord de tous vos envois qui sont arrivés à bon port. La petite vérole est le point noir de la chose car je me demande s’il faut risquer le paquet n’ayant pas vu Bourges depuis deux jours » [le docteur Henri Bourges, qui partage son logement]. « Gabriel vient souvent me voir et a l’air de s’intéresser à ce qu’il fait. Tant mieux. Je suis d’ailleurs dans une bonne passe, menant trois études de front, avec courage. Le ciel est d’ailleurs clair chose rare dans cette saison et ici, et me permet de donner libre cours à mes bonnes intentions. Je verrai papa demain et ne l’ai point, vu depuis qs. jours, menant une vie de reclus, et le soir ne sortant que juste ce qu’il faut pour faire un peu d’exercice »… 30. Henri de TOULOUSE-LAUTREC (1864-1901). L.A.S., [Paris 3 avril 1896], à Lucien Mulhfeld ; 1 page in12, adresse au dos (carte-lettre). 400 / 500 € « Je vous souhaite de tout mon cœur de rester dans les heureux sentiments de votre très aimable faire part »… 31. Henri de TOULOUSE-LAUTREC. L.A.S. ; 5 lignes au crayon noir sur 1 page petit in-4 (papier calque). 600 / 800 € « Si votre clicheur ne peut pas s’en sortir envoyez le chez Manzi le matin avec un mot de vous » ; il ajoute, sous un espace laissé blanc : « Voici le cliché ».

32 34 33 15 32. Kees VAN DONGEN (1877-1968). Dessin à la mine de plomb, signé V.D. ; à vue 11,3 x 17,5 cm (encadré). 200 / 300 € Femme allongée en maillot. Certificat joint de Mme Van Dongen (1969). 33. André VILLEBOEUF (1893-1956). Manuscrit autographe signé, Papahouette, [1931] ; 53 pages in-4 montées sur onglets, reliées en un volume maroquin vert olive avec large bande décorative de maroquin havane bordée de filets dorés sur les plats et à l’intérieur, dos à nerfs mosaïqué avec filets dorés (un peu passé), étui (Le Douarin). 800 / 1 000 € Manuscrit de travail de ce récit préhistorique fantaisiste contant l’histoire de Papahouette et son amour pour Evohé. Il a paru en avril 1931 dans le Crapouillot et sera édité à la Librairie de France cette même année avec des eaux-fortes de l’auteur, en collaboration avec Dunoyer de Segonzac. Le manuscrit, abondamment corrigé et raturé, en partie au crayon rouge et bleu, comporte une première partie numérotée de 16 pages, et une autre, numérotée de 1 à 37. Il est illustré de 13 dessins ou croquis dans les marges ou sur les versos. Envoi en tête de la première page : « A cet autre Papahouette, au tendre Adal. Fraternellement. Villeboeuf. 13 Août 1931 ». 34. Jacques VILLON (1875-1963). L.A.S., Paris [1893] ; 1 page et quart in-8. 200 / 250 € Il demande de lui envoyer « une carte d’entrée pour le bal des Incohérents qui doit avoir lieu prochainement » ; il la demande «en qualité de dessinateur ». Il signe « Jacques Villon de l’Étudiant » ; et en postscriptum il demande aussi une entrée pour son frère [le sculpteur Raymond Duchamp-Villon]. Chemise et étiquette de la collection Henri Bachimont.

35 16 35. MUSIQUE ET SPECTACLE Hector BERLIOZ (1803-1869). L.A.S., Vienne 16 novembre 1845, à Armand Bertin au Journal des Débats ; 2 pages in-4 (2 petites traces de scotch). 800 / 1 000 € Sur le succès de ses concerts à Vienne. Il le prie d’annoncer aux lecteurs son « premier succès à Vienne. Le 1r concert a eu lieu aujourd’hui, le théâtre était plein et on a fait en conséquence tout ce qu’on y peut faire (4000 fr). […] Faute de patron, je me suis présenté tout seul chez le Prince de Metternich, qui m’a on ne peut mieux accueilli ; j’ai vu hier le ministre de l’Intérieur, qui m’a également reçu en amateur de musique très chaud et très éclairé ». Il a assisté à la grande fête musicale du manège qui lui a fait forte impression. « Mon second concert aura lieu dimanche prochain et je partirai pour Pesth ou pour Prague ». Il fait l’éloge de l’orchestre, qui « s’est tiré avec une verve admirable et beaucoup de précision de toutes ces difficultés, pour lui si imprévues ; le chœur s’est aussi fort bien comporté. Quant à Staudigl [la basse Josef Staudigl], cet homme est la musique même, et sa voix est d’une incomparable beauté ; je ne savais pas assez d’anglais […] pour le remercier et le complimenter mais il a dû comprendre que j’étais réellement extraordinairy satisfied, content and grateful »… 36. Sarah BERNHARDT (1862-1923). L.A.S., 1878, à « Mon cher grand Maître » ; 1 page in-8 à en-tête de la Comédie Française (petit accident). 150 / 200 € Elle recommande « Lucie Arsonval une jeune et intelligente enfant qui va se présenter aux examens », et prie de lui « accorder toute votre bienveillance si paternelle »… Musique et spectacle

39 17 37. Henry DECOIN (1890-1969) cinéaste. 4 L.A.S. et 5 L.S., Neuilly-sur-Seine mars-juillet 1937, à Me LévyOulman ; 3 pages et demie in-4 autographes et 4 pages et demie in-4 dactyl. 100 / 150 € Contentieux avec le Théâtre de la Madeleine, qui avait monté sa pièce Jeux dangereux. 26 mars : «il me semble que le seul arbitrage consisterait à ce que MM. Trébor et Brûlé me règlent la somme qu’ils me doivent »… 8 avril : « refuser tout arbitrage et continuer le procès »… 19 avril, contestant les comptes produits par le théâtre. 23 avril. « Puisqu’il n’y a rien à faire pour que les 35.000 Frs. qui m’ont été escroqués par Trébor et Brûlé me soient rendus par les voies de la Justice, je vous demande d’accepter l’arbitrage »… 5 mai. Il part pour Monte-Carlo tourner les extérieurs de son film, et regrette de n’avoir pu libérer Danielle Darrieux : « Mais le travail au studio est une chose très difficile, et comme j’avais du retard […] les producteurs faisaient la g…. »… 30 mai. Il tourne aux studios PathéNatan «de 10 h du matin à 8 h du soir»… 12 juin. « Je ne devais donner que 30 représentations et j’en ai donné 65 pour être agréables à ces deux gangsters. MAIS Danielle Darrieus n’était pas obligée de jouer au-delà de ses 30 jours»… 6 juillet. Entre les représentations à la Madeleine et le tournage de Mademoiselle ma mère, Danielle Darrieux n’a rien fait. « Vous comprenez donc que si je n’avais pas été en complet accord avec Brulé et Trébor, Danielle aurait joué Jeux dangereux cinq ou six fois de plus ! ! ! et cela ne m’aurait pas coûté 35.000 ! ! ! »… On joint la lettre-contrat signée par André Brulé et Robert Trébor, pour la représentation au Théâtre de la Madeleine de Jeux dangereux de Decoin, 17 décembre 1936. 38. Marie DORVAL (1798-1849). L.A.S., Albi 14 octobre 1847, 1 page in-8 (onglet au dos). 120 / 150 € Elle remercie son correspondant de l’envoi de « ce charmant dessin d’un grand artiste dont je ne connaissais encore que le nom. Certes, rien ne pouvait m’être plus agréable que d’emporter à Paris un souvenir de cette magnifique cathédrale d’Albi »… 39. Georges ENESCO (1881-1955). 5 L.A.S., Bucarest, janvier 1934-novembre 1935, à Yvonne Astruc et son mari Marcel Ciampi ; 4 pages in-8. 400 / 500 € 11 janvier 1934. Il commence l’année sous de tristes auspices, avec la disparition annoncée « d’un frère profondément aimé…ça va être effroyable »… Il demande de repousser les cours qu’il devait donner au printemps à l’automne et de les faire « coïncider, avec l’aide de Brunetière, avec mes concerts que, cette fois, je donnerai coûte que coûte […] Mon désarroi est très grand – Pour me consoler j’ai pondu une 3e Sonate pour piano […] et je demande à Marcel la permission de la lui dédier, en témoignage de reconnaissance »… – 8 juillet. «Comptez absolument sur moi pour cet hiver: même malade, je serai à mon poste […] Je vais admirablement, en pleine composition»… 2 avril 1935. Il est plongé dans « mon gribouillage sur papier réglé, ma suprême volupté. Je n’ai pas fini la copie de la Sonate de Marcel, car je veux y faire 2-3 retouches, incorrigible ! »… – 20 août. Il fait suivre une lettre de recommandation pour le violoniste canadien Lucien Martin (il demande à Mme Ciampi de s’en occuper), au dos de laquelle il se livre à quelques réflexions sur le répertoire violonistique qu’il trouve « miteux » : « Ne pourrait-on pas, pour élargir mon champ d’action, demander à Monteux de me céder les sonates P° et Vn seulement »… – 2 novembre. Il ne peut quitter la Roumanie et a décommandé sa tournée de décembre et celle d’Amérique ; il ne sait même pas s’il pourra venir au printemps : « Pourrez-vous patienter jusque là pour faire les annonces nécessaires ? […] Néanmoins je puis vous assurer que mon travail de composition bat son plein, et que ma santé est parfaite »…

40 42 18 40. Lucien GUITRY (1860-1925). Photographie avec dédicace autographe signée, 1920; 21 x 15 cm montée sur carte (33,5 x 24 cm à vue ; encadrée). 150 / 200 € Belle photographie par Charles Gerschel (signée par le photographe) : l’acteur âgé de profil, coiffé d’un bonnet. Dédicace au-dessous : « à Maniouche que je connais depuis toujours & ce n’est pas fini Lucien Guitry 22-2-20 ». 41. Charles KOECHLIN (1867-1950). L.A.S., Villers-sur-mer 3 janvier [1924, au flûtiste Louis Fleury] ; 2 pages oblong in-4. 200 / 250 € Il évoque le « temps du Conservatoire où je tenais les timbales à la classe d’orchestre (215 mesures à compter dans un 2/4 de final de Mozart, ça n’était pas une sinécure. Heureusement qu’on rentrait avec les trompettes !) Mais tranquillisez-vous. Si j’avais été ingénieur des tabacs, j’aurais quand même écrit de la musique. [...] Mais le destin a voulu que je fusse musicien plus rapidement, car je suis tombé malade à l’X – obligé de prendre un long congé, – et cela, chacune des deux années. Ce qui fait que je suis sorti environ 125e, au lieu de 15e ou 20e – et cela m’a déterminé à démissionner de suite, pour entrer peu après au Conservatoire ». Tout en rédigeant son Traité d’harmonie, il a écrit pendant l’été un divertissement pour 3 flûtes, et un trio flûte-clarinette-basson ; mais il veut « laisser reposer [...] je vois plus clair dans mes œuvres en les relisant à quelques mois de distance ». Il parle d’autres œuvres pour flûte, de sa sonate de cor... 42. Charles KOECHLIN. 4 L.A.S., vers 1938-1946, à Yvonne Astruc ; 4 pages oblong in-4 et in-8. 300 / 400 € Jolie correspondance du compositeur à la violoniste. Valmondois, mercredi : « Je ne sais si vous avez en ce moment l’occasion de jouer en quatuor, mais à tout hasard, je vous ai fait remettre la partition de mon 1er quatuor à cordes. […] Ma sonate p. et violon paraîtra en juin prochain » – 1er février [1938]. « Milhaud me dit que vous pensez jouer ma Sonate à la Radio, j’en serais ravi et je suis à votre disposition » ; mais il regrette de ne pas avoir écrit de Sonatine pour violon et piano ; il se réjouit qu’elle joue la Sonate de Gédalge, « beaucoup trop oubliée ».– 27 janvier 1939. Après le beau concert de la radio, en revoyant son Scherzo, il s’est aperçu qu’« en certains passages l’on peut presser sensiblement, en sorte que pour toute la partie du milieu, le mouvement gagnerait à être plus rapide, et vous n’aurez qu’à vous laisser aller pour animer. A part cela, pour tout le reste de l’œuvre c’était exactement mon mouvement, et l’exécution fut magnifique »… 3 juin 1946 : il envoie « quelques indications relatives à ma sonate de violon, pour le cas où vous auriez à la faire entendre à nouveau. Ce ne sont que de petits détails, et dans l’ensemble votre interprétation fut remarquable, car vous avez très bien compris cette œuvre difficile »… On joint l’engagement par la Radiodiffusion française d’Yvonne Astruc pour jouer les Sonates de Koechlin et Debussy (18 mai 1946).

43 19 43. Bohuslav MARTINU (1890-1959). L.A.S., Aix 3 septembre 1940, à Marcel Mihalovici ; 1 page et demie in-4. 300 / 400 € Il a commencé à travailler, et attend sa visite « avec beaucoup de plaisir et espérons que cela vous plaira chez nous ». Il a reçu une lettre de Harsanyi et lui a répondu. Il voudrait aussi aller à Cannes pour l’hiver et demande à Mihalovici de lui chercher « un petit appartement pas trop cher, exposé au soleil. […] J’ai reçu des nouvelles d’Amérique et il faut voir notre consul à Marseille »… 44. MUSIQUE. 32 lettres ou pièces, la plupart L.A.S. 300 / 400 € Émile R. Blanchet (p.a.s. musicale, 1916), Alfred Bruneau (7, dont la liste autogr. de ses œuvres), Gustave Doret (dédicace), Jean Fournet (8 l. à M. Mihalovici, 1964-1977), César Franck, Henri Gagnebin, Walter Gieseking, Fromental Halévy (2, dont note sur l’invention d’un baryton par M. Lacome du Havre), Georges Hüe (p.a.s. musicale, 1916), Maurice Journeau (l. avec musique à Monique Haas), Léon Klepper (p.a.s. musicale), Édouard Lalo (sur carte de visite), Antoine Le Bailly, Marcel Mihalovici (double de l. à Jean Martinon), Frédérick Martin (musique a.s., Ecténie pour piano), Rolf Plagge (musique a.s., Kleine Komposition auf den Namen H-a-a-s, 1978), Francis Poulenc, Emil Sauer (p.a.s. musicale, 1912), Georges-Martin Witkowski (1913, au sujet d’un concert de Busoni à Lyon). On joint 5 photos signées (sur programmes) par Valérie Aimard, Maurice André, Roberto Benzi (sur carte post.), William Christie, Marc Laforet. 45. Louis NIEDERMEYER (1802-1861). L.A.S., Passy Dimanche matin [1836], au ténor Adolphe Nourrit ; 1 page in-8, adresse. 100 / 150 € Il remet au lendemain sa visite à son « cher collaborateur », et s’étonne d’apprendre que Duponchel (directeur de l’Opéra) «revient à son ancienne menace de nous faire passer avant Melle Bertin. Il faut, qu’il ait oublié qu’il m’a formellement promis que nous ne serions pas joués avant le mois de nov., et que ce n’est qu’à cette condition que je lui ai accordé un délai de six semaines »… [La Esmaralda de Louise Bertin sera donnée le 14 novembre 1836, et Stradella de Niedermeyer le 3 mars 1837.] 46. [Édith PIAF (1915-1963)]. 6 photographies ; 18 x 13 cm. 150 / 200 € Piaf en scène, à la campagne, avec Théo Sarapo; 3 portent au dos le cachet du photographe Hugues Vassal (plus une photo de ce dernier lors d’un vernissage à Nice, et une de J. Médecin). 47. Camille SAINT-SAËNS (1835-1921). L.A.S., [au peintre Paul Steck]; 1 page in-8 à son monogramme en relief. 60 / 80 € « J’ai fait ce que je pouvais faire, je n’ose plus insister… J’irai voir samedi »…

49 48 20 48. Marie TAGLIONI (1804-1884) danseuse. L.A.S., La Florida [Lac de Côme] 24 novembre 1841, à son père ; 4 pages in-8 aux armes couronnées. 600 / 800 € Elle souhaite l’anniversaire de son père et le Prince [Alexandre Troubetskoï] lui adresse ses vœux. Le Prince est revenu « fort content de ce qui a été fait à Venise ». Elle fait le point sur la location des appartements des palais Businello, Justiniani et Spinelli ; elle a choisi les papiers peints et les étoffes pour la décoration des différentes pièces : « pour le grand salon a plafon doré un papier velouté uni rouge foncé », etc. « J’ai aussi choisi pour les meubles et les rideaux un damas couleur grenat, je crois que cela sera fort beau. » Elle craint de ne pouvoir aller à Venise cette année. Il fait très beau, mais froid, et le Prince a fait des plantations, qui plairont, dit-il, à « bon papa ». La plupart des gens partent pour passer l’hiver en ville, et ils se retrouvent seuls sur le Lac… 49. Fernand TRIGNOL (1896-1957). Manuscrit autographe signé, [Pantruche, ou les Mémoires d’un truand, 1946] ; 108 pages dans 5 cahiers d’écolier petit in-4. 600 / 800 € Première version des mémoires de cet ancien truand, acteur et spécialiste de l’argot. Le livre a paru chez Fournier en 1946, avec un avant-propos de Jean Gabin et une préface de Pierre Lhoste. Trignol y évoque notamment le Dénicheur, Pierrot le Fou, Baptistin Travail… Transcription dactylographiée jointe. On joint : – un autre manuscrit autographe, à l’encre verte et au crayon –(carnet oblong in-8 de 88 pages) : « C’est en 1930 que je débutais dans le cinéma. J’avais fait la connaissance de Francis Carco »… ; – une L.A.S. à Pierre Lhoste, et des notes autographes sur Saturnin Fabre, Jeanne la Peau Rouge, plan du livre (15 p. formats divers) – les épreuves corrigées du livre sous le titre De Paname à Pantruche, avec annotations autographes à l’encre verte ; – un dessin au stylo rouge, autoportrait ( ?) signé (19,5 x 13,5 cm) ; – un amusant portrait de Trignol, crayons noir et de couleur par Fayard ( ?), 1946 (20 x 31 cm) ; – une note dactyl. des états de services de Roger Borniche.

51 50 21 50. LITTÉRATURE Jean AJALBERT (18631947). 21 manuscrits autographes, dont 8 signés ; environ 150 pages in-fol. ou in-4. 300 / 400 € Important ensemble de chroniques. Auvergne (7 p.) ; Histoires auvergnates (6 p.) ; Adieu le “Beauvais” (8 p.) ; Au Musée de la France d’Outre-Mer (6 p.) ; La cuisine de madame (4 p.) ; La “Victoire” et la “République” à l’Exposition (7 p.) ; Roland Garros (10 p.) ; Roland Garros au-dessus de tous (6 p.) ; Clément Ader, le premier homme qui a volé (8 p.) ; La Tapisserie royale, impériale, nationale, populaire, française (6 p.) ; Les soixante dix, soixante quinze, quatre vingts ans de X.Y.Z. (7 p.) ; Un Fauconnier haricotier (8 p.) ; Un Conseil de l’Ordre des Plaques bleues (8 p.) ; Lettre à M. Monnet député, rapporteur du budget des Beaux Arts, chef des Faucons Rouges (23 p.) ; Livres (F. de Miomandre, R. Martin du Gard, Ch. Maurras…, 11 p.) ; La Maison des Goncourt (10 p.) ; En Alsace (11 p.) ; Si les Goncourt étaient là (4 p.) ; Ne réveillez pas… (4 p.) ; Au pays des Gorges rondes (5 p) ; Récapitulation du “Goncourt” (6 p.). Plus divers fragments. On joint 30 L.A.S. à Pierre Lhoste, 1932-1942, plus des notes autographes, et des photos (dont 2 signées). Littérature 51. Émile Chartier dit ALAIN (1868-1951). Manuscrit autographe, De l’Amour et de la Foi, [27 août 1920] ; 3 pages in-8. 300 / 400 € « Le type ou modèle de toute société, c’est la Maternité, car ici l’égoïsme et l’altruisme se confondent ». L’amour proprement dit est le sentiment qui en approche le plus. « La maternité échappe à toute règle, parce qu’elle est spontanée et sans aucun choix […] mais l’autre amour veut un culte au sens propre du mot », car il résulte d’un choix, « fruit de volonté » ; il faut de la volonté et « de la Fidélité pour bien jouer du violon, ou pour bien faire n’importe quoi, et certainement aussi pour bien penser. » Le plaisir de penser ne se conçoit pas sous la contrainte, « de même sous le serment on ne peut connaître le plaisir d’aimer. […] La Foi se passe de preuves. En toute action, il faut vouloir et croire. La Charité est un amour entièrement voulu, que porte l’Espérance, mais c’est la Foi qui porte les deux. Et la Foi est de volonté en quoi elle s’oppose à la croyance, qui n’est que de nature ». Il reste que « la Maternité représente le mieux toute la perfection possible de nos sentiments et même de nos pensées. Et il y a une parenté profonde entre les sentiments religieux et les sentiments familiaux »… etc. Une bande de papier collée à la fin de la lettre dissimule quelques lignes d’envoi de ce « deuxième chapitre ».

52 54 22 53. ALBUM AMICORUM. 2 albums in-8 maroquin rouge brique et havane, tranches dorées (un étui). 4 et 11 ff (le reste vierge). 120 / 150 € 2 albums pour Pierre Lhoste «Mots et maximes ». Les dix mots importants par Alain Bosquet, Claude-Michel Cluny, Jacques de Ricaumont, Henri Sauguet. 9 maximes et textes a.s., 1978, par Michel Ciry, Alfred Fabre-Luce, Édouard Frédéric-Dupont, Roger Ikor, Serge Lido, René Massigli, Bernard Pierre, Robert Sabatier, Michel de Saint-Pierre. 54. Jules BARBEY D’AUREVILLY (1808-1889). L.A.S., [Paris] Vendredi [17 février 1888, à Elysabeth Bouillet à Saint-Sauveurle-Vicomte ; 1 page in-8 à l’encre rouge (les coins ont été arrondis), enveloppe. 200 / 300 € N’ayant pas vu « cet éternel polisson d’Émile » qui devait lui porter son message, il l’informe qu’il ira à Saint-Sauveur « un des trois premiers jours de la semaine prochaine » ; il interrompt son billet, car « l’Abbé Tollemer entre chez moi… » 55. Jules BARBEY D’AUREVILLY. L.A.S., [à Joseph Depoisier] ; 1 page in-8. 200 / 300 € Il lui adresse la lettre qu’il lui avait promise pour M. Alloury des Débats. « Je ne vous ai pas oublié, vous le voyez. Il ne faut pas que vous pensiez mal de la parole française »… 52. ALBUM AMICORUM. Album avec 10 manuscrits et poèmes autographes signés, 1839-1854; petit in-4 de 12 feuillets (le reste vierge), reliure d’origine, plats cartonnés vert pâle avec cadre de filets dorés, dos lisse maroquin noir avec filets et ornements dorés. 500 / 600 € Album de Gabrielle Nicod de Ronchaud, née Benoit de Saint-Vandelin, mère de l’historien Louis de Ronchaud (1816-1887). Marquis de Foudras (poème Frontispice, 3 mai 1839), baron d’Eckstein (Pise 7 novembre 1839, «Avoir de l’esprit, Madame?»…), Alphonse de Lamartine (« Vous êtes le fleuve qui entre dans l’océan »…, non signé), Louis de Ronchaud (poème A ma mère, janvier 1854), Charles Brifaut (poème «Quand je sens d’un air pu la fraîcheur passagère »…), Guillaume Hyde de Neuville (avec poème Fragmens sur l’exil, Paris 23 mars 1840), Xavier Marmier (poème Sur mer), Charles Viancin (poème, L’insomnie d’un avare, Fable), Auguste Dusillet (poème « Veux-tu connaitre l’avenir »…, Avril 1851), Charles Weiss (quatrain Déclaration tardive, mai 1851).

23 .../... 56. Jacques BENOIST-MÉCHIN (1901-1983). 229 lettres, la plupart L.A.S., dont 13 cartes postales a.s., et 51 L.S. (la plupart avec ajouts autographes), 1948-1979, à Janine Duclos ; environ 380 pages in-4 ou in-8, quelques enveloppes, plus 2 télégrammes et quelques pièces jointes, le tout monté sur onglets et relié en 2 volumes in-4 maroquin janséniste bleu marine, doublures du même maroquin avec filet doré d’encadrement, gardes de moire bleu foncé, étuis (Georges Cretté). 5 000 / 7 000 € Importante et très intéressante correspondance à une amie dévouée, notamment pendant sa détention, complétée par les réponses de sa correspondante. La première lettre (Fresnes 27 décembre 1948) est adressée par Benoist-Méchin à sa « marraine » ; les suivantes, après son transfert à Clairvaux, et quasi hebdomadaires, à partir du 15 septembre 1949, sont destinées à sa « chère Janine », qui se démène pour adoucir le sort du prisonnier, par de nombreux envois (notamment de vivres et de livres) et des démarches, quelques lettres sont adressées à la chatte Sylvestre. Le prisonnier y parle beaucoup de sa mère, de sa vie monotone en prison, de sa santé qui se dégrade, de ses lectures : La Peste, Koestler « un farceur », Huxley « un pédant », Malaparte « une ordure », Zola, Fabre-Luce, le Rommel de Desmond Young, Vacher de Lapouge, les Poèmes de Brasillach (qu’il a vus naître à Fresnes : « Robert me les passait jour après jour sous la fente de ma porte »), les poèmes chinois de Mao Tse Tung (« incontestablement un grand poète »), Bertrand de Born, Verhaeren, Anne Green, Gaxotte, Marg. Yourcenar, Drieu la Rochelle, Von Papen, Ernst Jünger (« un dégoûté », « un esthète et un snob »), Blondin, Apollinaire, etc. Il évoque aussi son travail d’écrivain sur « le Loup » (Mustapha Kemal), son projet d’ouvrage anthologique pour « montrer comment, à travers les siècles, la guerre s’est reflétée dans l’âme des peuples, et comment l’âme des peuples s’est révélée à travers leur conception de la guerre »… La politique est aussi évoquée : « Bien sûr que la Monarchie est le meilleur système. Mais on n’y reviendra qu’à travers la Dictature. (La République est certainement le plus mauvais). J’ai bien des idées là-dessus »… Une longue lettre de 8 grandes pages, le 3 mars 1950, est consacrée à la note qu’il a rédigée, « en vue d’une démarche à l’Élysée, tendant à une diminution de ma peine. […] Je m’en suis tenu à un exposé des faits survenus (ou éclairés) depuis la date de ma condamnation. C’est la seule façon dont je puisse procéder, puisque je ne peux, ni ne veux 1°) renier quoi que ce soit de ce que j’ai fait. 2°) implorer la pitié de qui que ce soit. Ma politique, bonne ou mauvaise, a été ce qu’elle a été. Elle est aussi ce que les gens, plus ou moins bien informés, en pensent. Je ne puis rien changer ni à l’un, ni à l’autre. En définitive, le débat se ramène à ceci : les gens qui m’ont condamné l’ont jugée criminelle, et ils détenaient la force d’imposer leur point de vue. D’autres hommes, à leur place m’auraient peut-être félicité, je n’en sais rien. Ce n’est pas une question de vérité, mais de rapports de forces. C’est en ce sens, que c’est une affaire politique. […] Cette démarche est grave, car beaucoup de choses en dépendent. Il ne faut pas qu’elle rate. Un premier recours a déjà été repoussé. Si un second l’était aussi, ce serait très fâcheux, car cela remettrait ma sortie de prison à une date si lointaine, que je ne veux même pas y penser »... Il expose en détail la façon d’agir, les personnalités qui auront à intervenir, dont le Président Vincent Auriol, socialiste ; et il compte sur Janine pour prendre « en mains la direction d’une opération délicate, dont dépend ma liberté, ma possibilité de vous connaître enfin et de mettre un terme aux épreuves de ma mère, c’est-à-dire toutes les raisons qui font que je voudrais sortir d’ici »… Dans les lettres suivantes, il suit et commente l’avancement des démarches, en se désespérant souvent : « Et 49 ans aujourd’hui ! Quelle horreur ! “Qu’astu fait de ta jeunesse, ô toi que voilà…” Le temps passe à une vitesse étourdissante. Je sortirai d’ici tout blanc, dans un fauteuil à roulettes, et gâteux » (1er juillet 1950)…

24 .../... Le 22 septembre 1950, il écrit : « J’entre, aujourd’hui même, dans ma septième année de détention, ayant été arrêté le 22 septembre 1944. Cela fait une coupe sombre dans la vie d’un homme. Moins sombre évidemment, que le poteau. Mais tout de même»… Et il accompagne sa lettre d’une Note confidentielle de 5 pages pour « sortir d’ici », examinant la voie légale, avec les démarches en cours, puis la voie illégale, au cas où les Communistes prendraient le pouvoir et où les Russes marcheraient vers l’ouest, Clairvaux se trouvant entre les Russes et Paris, demandant à Janine de fournir des motos pour organiser son évasion et sa fuite… Le 28 décembre, il apprend l’échec des démarches, en la réussite desquelles il n’avait pas cru ; il faudrait pour cela une nouvelle Chambre, un nouveau gouvernement, le départ de certains magistrats : « il ne reste plus pour la Haute Cour, que le Maréchal, l’amiral de Laborde et moi »… En janvier 1951, il est question d’une intervention en sa faveur du général Juin, appuyé par Eisenhower et les Américains … En juin 1951, Janine Duclos obtient l’autorisation (jointe) de visiter le détenu, qui évoque dans ses lettres le souvenir des visites de son amie, et suit par la pensée ses séjours en Bretagne ; il espère que les efforts de Janine vont abréger sa détention… Il la charge de vendre son piano Bechstein, pour venir en aide à sa mère… En 1952, il est question d’un second recours déposé par Me Aujol. En janvier 1953, sa mauvaise vue perturbe l’historien qui comptait consacrer son hiver « à la mise au point définitive de mes manuscrits – Les 60 jours (qui nécessitent certaines corrections), le Loup et le Léopard, l’Anthologie et le Soleil de Minuit – mais hélas, il me faut absolument y renoncer, non parce que cela me fatigue, mais parce que c’est une impossibilité matérielle. Écrire même, demeure difficile. Songez que je vois à peine ce que je vous écris sur cette feuille… il est vrai que cela a peu d’importance, puisque je vous écris moins avec les yeux qu’avec le cœur »… Le directeur de Clairvaux va mettre en marche son dossier de libération conditionnelle… Le 3 avril, il annonce son départ le 7 pour Troyes ; il va passer devant une commission préfectorale : « un jour, je vous expliquerai ce que c’est que “l’épuration”, et 8 ans 1/2 de détention, et les chaînes, et toute la séquelle. Et vous verrez que c’est tout autre chose que ce que l’on croit en général. Ce n’est pas terrible, physiquement ; mais c’est désespérant moralement, et épuisant pour les nerfs, d’être constamment sous la coupe – mais sous la coupe absolue – de fonctionnaires mesquins, hypocrites, sournois et surtout imbéciles »… Le 5 juin : « Demain, 6 juin, il y a six ans, jour pour jour, en 1947 j’étais condamné à mort. Nous ne nous connaissions pas encore. C’est étrange comme la vie arrive à tisser sa toile, victorieuse de l’absence, des murs, des bourreaux »… Des complications surviennent en juillet, avec une interdiction de séjour prononcée par le préfet du Finistère… De février à avril 1954, JBM séjourne avec sa mère au château d’Argeronne (Eure), chez la comtesse de Monmort. Il se remet au travail, mettant au point la préface de son Histoire de l’armée allemande, Le Loup et le Léopard, les Soixante jours qui ébranlèrent l’Occident, Le Soleil de Minuit, etc. En septembre, séjour à Beg Meil (et envoi à Janine de la traduction d’un poème de Walter Scott). Le 18 novembre, il est de retour dans son appartement parisien de l’Avenue de Clichy. Les lettres et les cartes postales donnent désormais des nouvelles de son intense activité littéraire (dictant quand il est trop occupé), de ses voyages (Jérusalem, Égypte, Allemagne, Libye, Maroc, etc.), de sa santé et de celle de sa mère, commente la situation politique en France et dans le monde, etc.. On a relié à la fin du 2e volume 9 L.A.S. de Benoist-Méchin à L. Duclos (père de Janine), du 28 décembre 1950 (à Clairvaux) au 10 novembre 1958. On joint plus de 500 L.A.S. de Janine DUCLOS à Jacques Benoist-Méchin, du 16 février 1949 au 18 janvier 1980 (montées sur onglets en 5 volumes in-4 reliés toile bise avec pièces de titre), souvent longues (plus de 1 000 pages in-4 ou in-8), qui permettent de rétablir le dialogue.

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