109 82. Stéphane MALLARMÉ. L.A.S. « Stéphane Mallarmé », Paris 89 rue de Rome 25 juillet 1893, à Jules BOISSIÈRE ; 4 pages in-8 (pli central fendu et réparé). 2 500 / 3 000 € Belle lettre à l’auteur des Fumeurs d’opium, où Mallarmé annonce son intention d’abandonner l’enseignement pour se consacrer à la littérature. [Le poète Jules BOISSIÈRE (1863-1897) avait épousé Térèse, la fille du félibre Joseph Roumanille, qui l’avait présenté en 1892 à Mallarmé. Sous le pseudonyme de Jean Robert, il avait publié, dans L’Événement des 9 mars et 20 avril 1893, « Dans la forêt (souvenirs d’un fumeur d’opium) », qu’il recueillera en 1896 dans Fumeurs d’opium ; il était alors en poste en Indochine.] «Mon cher ami Une aimable flèche bleu de mer qui a aujourd’hui traversé notre intérieur pour en repartir (je parle de la lettre, à ma fille pour quelques jours à Honfleur, qui porte l’écriture de Madame Boissière) a ravivé des remords chez moi. Vous devinez, ceux de ne pas vous avoir donné signe de vie. Il faut ce rappel, mon prochain départ pour Valvins avec, j’en ai peur, quelques premiers jours de paresse aërée, pour que la millième fois je prenne un bout de papier à votre intention. Je ne suis plus que le correspondant qui machinalement répond aux envois de livres ; quand ils s’accumulent jusqu’au scandale. Jamais une lettre, lettre. Non que je travaille ou, du moins, publie. Le misérable collège qui me dévore le temps a plus que jamais, sévi cette année, pour la dernière. J’y compte n’y pas rentrer, prendre ma retraite et vraiment débuter dans la littérature. Voici en attendant mieux un petit volume, Vathek, dont vous possédez, je crois, la préface. Le conte vaut d’être lu, vous me permettrez de l’offrir à Madame. Je suis en retard avec Jean Robert, ayant fort goûté ses deux Souvenirs d’un Fumeur d’Opium. Qu’il y a de belles phrases supérieurement rythmées, solennelles comme le rêve et la verdure ; et avec d’immédiats sursauts de vie, sans dissonnance ! Toujours y veille et persiste une humanité, comme devant le danger. Il faut donc continuer à vous raréfier, mais virilement, ainsi cher Boissière. Au revoir, c’est bien peu et même dérisoire, ce billet, quand il faudrait tout dire. N’en prendre que notre poignée de mains, à ma femme et à moi (ma femme va tout doucement) avec ce que nous y mettons d’affection et de regret pour vous deux ». Il ajoute, en tête de la lettre, en post-scriptum : « Avez-vous lu Peints par eux-mêmes d’Hervieu le meilleur livre de l’année ; et la Chevauchée d’Yeldis, par Vielé-Griffin ? » Correspondance (Austin), t. V, p. 137-138. – Correspondance (Marchal), n° 2012.
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