Livres du XIXe siècle 84 Dans ces lettres de jeunesse, Francis Garnier, jeune aspirant de la Marine, raconte son périple initiatique à travers le Pacifique et les côtes américaines, une odyssée qui forgea son esprit d’aventure et ses ambitions coloniales. Parti de Brest en octobre 1857 sur la frégate L’Alceste, il traverse l’Atlantique via les Canaries, atteint le Brésil, puis Montevideo, où il embarque en janvier 1858 sur la corvette La Constantine. Après avoir doublé le cap Horn, il gagne le Chili et fait escale à Valparaiso (mars 1858), puis à Coquimbo (mai 1858), avant de rejoindre le Pérou à bord de L’Eurydice. Son voyage se poursuit aux îles Marquises et à Tahiti (juillet 1858), puis aux îles Sandwich (septembre–novembre 1858), où il participe à la protection des pêcheurs de baleine français. De retour par San Francisco (décembre 1858), il se retrouve à Valparaiso en février 1859, au cœur des troubles révolutionnaires chiliens, où la Marine française intervient pour protéger ses ressortissants. Ses missives détaillées révèlent un observateur avisé : Il décrit sa visite de Lima (Callao, 11 juin 1858) et sa rencontre avec une Péruvienne, épouse de l’aventurier Édouard Maury de Lapeyrouse (Paita, 21–22 juin 1858). Il relate les tensions diplomatiques entre la France et le Pérou, illustrées par l’incident entre le président Ramón Castilla et le consul français, qui provoque la rupture d’un entretien avec le capitaine Didelot (Valparaiso, 15 avril 1859). Il évoque les bouleversements politiques au Chili, où il assiste à l’insurrection libérale contre le président Manuel Montt (Valparaiso, février–mars 1859). Il mentionne ses démêlés avec la presse américaine : une plainte contre un marchand malhonnête et un poème en réponse à des critiques anti-françaises, publiés dans L’Écho du Pacifique (San Francisco). Mais ces lettres dévoilent surtout un projet démesuré, mêlant patriotisme colonial, piraterie antibritannique et ambition commerciale. Jeune officier frustré par le déclin de la Marine française sous Louis-Philippe Ier, Garnier rêve de fonder en Extrême-Orient un empire rival de l’Inde britannique, avec une flotte privée pour défier les Anglais, des comptoirs stratégiques et même la quête du trésor des pirates de l’île Cocos (Callao, 26 mai 1858). Il envisage de rassembler une équipe d’audacieux, s’inspirant de son camarade Nicolle, parti tenter l’aventure en Oregon sur les traces du comte de Raousset-Boulbon. « Si ce moyen réussit, il me donne le monde », écrit-il à son frère depuis Valparaiso (23 mars 1859), résumant ainsi l’idéal qui guidera sa vie : indépendance, exploration et conquête. Ces 14 lettres (dont 13 autographes signées), adressées à sa famille et à son ami Jean-Baptiste Éliacin Luro, trahissent déjà le tempérament d’un homme qui alliera science, militaire et aventure, et annoncent ses futurs exploits – comme ses échecs – en Indochine. - Manuscrit signé de ses initiales en deux endroits, 8 pages in-8, mai 1857, évoquant le souvenir de la visite à Brest du grand-duc Constantin, grand-amiral de Russie.. Alors élève-officier sur le Borda, Francis Garnier décrit la visite du prince Napoléon-Jérôme à l’École navale de Brest, du 25 au 27 avril 1857 – un an après le traité de Paris, qui avait scellé la fin de la guerre de Crimée. Si son portrait du prince reste élogieux, il n’hésite pas à critiquer vertement son attitude désinvolte, voire méprisante, envers les traditions protocolaires. Indigné que celui-ci ait écourté les festivités organisées en son honneur, Garnier s’exclame : « Une école française est-elle donc si peu de chose qu’on puisse la traiter comme des serfs russes sur lesquels leur seigneur daigne à peine jeter un regard ? » Francis Garnier avait rédigé ce récit dans l’idée de le faire paraître dans la presse. - Les 4 autres pièces comprennent : - Garnier (Francis). Lettre au frère d’Ernest Doudart de Lagrée, en copie manuscrite ancienne. Paris, 10 juin 1870. 6 pp. in-8. Au sujet de la publication du Voyage d’exploration en Indo-Chine : « ... l’ouvrage officiel... est... le meilleur monument à élever à la mémoire de votre frère... » - Garnier (Francis). Exploration du Cambodge. 4 pp. lithographiées sur un bifeuillet in-folio. [Vers 1870]. Prospectus à l’intention des membres de l’Institut, dans lequel il rappelle la part qu’il a prise à l’exploration du cours du Mékong, et annonce qu’il souhaite se rendre au Tibet pour achever l’exploration de cette région afin de compléter sa carte orographique. Il sollicite des instructions pour « éclairer et... diriger ses recherches ». - Garnier (Léon). Notice sur Francis Garnier. Paris : Librairie Hachette et Ce, [1882]. Plaquette imprimée in-12, brochée. Tiré à part de sa préface à l’ouvrage de son frère De Paris au Tibet paru de manière posthume en 1882. - Denancy (Edgar). À Francis Garnier. Ode. Avize [Marne] : imprimerie Waris-Callot, 1898. Plaquette imprimée in-12, sur papier filigrané de motifs floraux, titre et dédicaces imprimés à l’encre dorée. Pièce de vers publiée à l’occasion de l’inauguration du monument élevé à la mémoire de Francis Garnier à Paris le 14 juillet 1898. .../...
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